Chapitre 14 - Caisteal Maethan

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Je ne voulais vraiment pas me lever au petit matin du 1er janvier 1990. Enfouie sous mes couvertures, mon écharpe dormant à mes pieds et le Vif d'Or sommeillant près de ma taie d'oreiller, j'écoutais les bruits de la maison. Une bonne odeur embaumait l'air et mon ventre cria famine. J'entendis bientôt les pas de ma mère dans l'escalier. Peu désireuse d'affronter cette horrible journée, je me roulai en boule et me cachai sous mes couvertures.

— Debout Polly ! annonça maman dès qu'elle mit un pied dans la chambre.

Au fond de mon lit, je grognai. Maman tira les rideaux.

—Tu as cinq minutes pour aller prendre ta douche, ma poupette.

Grognant, je rejetai vivement mes couvertures, provoquant la pagaille : mon écharpe se hérissa et le Vif d'Or se réfugia sous mon lit.

— Je suis vraiment obligée d'y aller ? boudai-je, prenant mon écharpe adorée dans mes bras.

— Tu as promis de faire un effort, Polly, dit doucement maman.

Je poussai un profond soupir de protestation pour bien faire comprendre mon manque de motivation et allai m'enfermer dans la salle de bain, prenant le plus de temps possible.

À mon retour, j'eus la mauvaise surprise de voir que maman m'avait préparé mes affaires. Et moi qui voulais y aller en jean et basket !

— Vraiment ? demandai-je, lasse.

— Tu seras toute mignonne dans cette tenue et ça va faire plaisir à tes grands-parents. Allez, habille-toi, maintenant ! ajouta-t-elle en claquant des doigts.

J'enfilai donc en grimaçant une robe bleu canard qui m'arrivait aux genoux et chaussai une paire de bottines marron. Puis, maman drapa autour de ma taille et sur mon épaule le tartan aux couleurs des McBee, le bleu et le brun.

Ce n'était plus un déjeuner chez mes grands-parents, mais carrément une Cérémonie du Serment !

Mon calvaire ne s'arrêta pourtant pas là quand maman me présenta mon ennemi juré : le peigne.

Mes cheveux rebelles étaient bruns, épais et frisés. C'était une torture que de les coiffer tous les matins... Alors, autant dire qu'il y avait parfois du laisser-aller...

Agrippée aux accoudoirs d'une chaise, je serrai les dents quand maman démêla les nœuds de ma chevelure.

— Et voilà, chantonna-t-elle une fois terminée. Tu es jolie comme un Gallion neuf !

Je me regardai dans le miroir : j'étais tout, sauf jolie. Mon cuir chevelu me faisait souffrir, le tartan me grattait et j'étais mal à l'aise dans mes chaussures. Je tendis la main vers mon écharpe, mais maman me devança :

— Hors de question que tu emmènes cette chose avec toi !

J'eus beau la supplier, elle ne céda pas d'un pouce. La mort dans l'âme, je finis par confier mon écharpe à mes grands-parents, qui me promirent d'en prendre grand soin jusqu'à mon retour.

Lorsque mon père eut fini de se battre avec son kilt et que maman arrêta de tripoter mes cheveux, il fut l'heure du grand départ. Rien qu'à l'idée de voir mes autres grands-parents, j'en avais des sueurs froides.

D'un coup de baguette, papa alluma un grand feu de cheminée et sortit de son sporran (1) un sachet de poudre verte.

Je m'esclaffai : par poudre de cheminette ? Vraiment ? Dans ce cas, j'allais me faire un plaisir de rater mon entrée !

Papa donna ses dernières recommandations à Papi Moustache, et Mamie Grenouille me serra dans ses bras, me murmurant à l'oreille des paroles encourageantes (et me promettant, entre autres, un gros gâteau au chocolat à mon retour).

Pensées Pittoresques d'une PoufsouffleWhere stories live. Discover now