- Tout va bien ? me demande-t-il.

- Oui, répondis-je hésitante.

- Ok, suis le cours s'il-te-plait.

- Bien sûr, désolée.

Le professeur se tourne de nouveau vers le tableau. Je prends ma tête entre mes mains et fais de mon mieux pour ne pas regarder Damon, mais l'envie est forte. Comme si j'étais aimantée par lui.

Le cours est extrêmement long et c'est avec un grand soulagement que la cloche sonne enfin. Les élèves sortent un par un de la salle, sauf moi. Damon passe la porte, en me jetant un dernier regard avant de disparaître. Mon cœur rate un battement et la pression sur mes poumons s'efface quand il n'est plus là. Je n'ai pas bougé de ma chaise, incapable de faire fonctionner mes jambes.

Le professeur s'approche et tire une chaise pour s'asseoir en face de moi. Un long silence s'installe entre nous et je sais à cet instant qu'il a échangé sa casquette de professeur contre celle du papa.

- Pourquoi tu m'as demandé de rester ? lui demandé-je.

- Eh bien tu n'es pas rentrée à la maison de la nuit, tu sais que je n'aime pas quand tu fais ça et surtout sans me prévenir. Où est-ce que tu as dormi ?

- Je n'ai pas dormi, je suis restée toute la nuit à la bibliothèque à faire des recherches.

- À la bibliothèque ?

Je hoche la tête. Évidemment il sait que la bibliothèque est fermée la nuit, et il se doute que je ne suis pas entrée de façon légale dans le bâtiment. Mais ça n'a pas l'air de vraiment le préoccuper à cet instant.

- Depuis combien de temps tu ne dors pas ? me demande-t-il alors qu'une ride d'inquiétude se forme entre ses sourcils.

- Je ne sais pas, dis-je en soufflant, deux jours peut-être.

- Tu dois aller voir un médecin, ce n'est pas normal même pour...

- Ce n'est pas un médecin qui va m'aider, le coupé-je.

- Comment ça ?

- Rien, oublie.

- Angel, grogne-t-il, dis-moi.

Je soupire, parce que le lui dire reviendrait à accorder de l'importance sur ce qu'il m'arrive et je ne veux pas que ça le devienne.

- Je fais des cauchemars.

- Quel genre de cauchemars ?

- Du genre que quelqu'un se fait tuer.

- Qui ?

Nouveau soupire, est-ce que c'est vraiment nécessaire ?

- Da...Damon.

- Damon ? Le garçon de ta classe ? Mais tu ne lui parles même pas.

- Je sais, c'est ridicule, mais je ne peux rien y faire. Et tu sais ce qui s'est passé la dernière fois que j'ai fait un rêve de ce genre.

- Oui, soupire-t-il, je sais. Mais ne t'inquiète pas, il n'y a pas de raison qu'il lui arrive quelque chose.

Mon père se lève et dépose un baiser sur mon front, puis il regarde sa montre.

- Mon prochain cours va bientôt commencer, on en reparlera plus tard. Tu as intérêt à rentrer à la maison ce soir, sinon je viendrais te chercher moi-même et ce ne sera pas avec douceur.

Je hoche la tête et souris face à sa réflexion. Puis je sors de la classe, pas plus rassurée qu'à mon arrivée. Durant l'heure de cours suivante, je suis plus absorbée par mes pensées que par ce que raconte la professeure.

Je repense à la dernière fois qu'un de mes cauchemars s'est réalisé, c'était sur l'ex-femme de mon père : le professeur Éric Slone.

Il m'a recueillie alors que j'avais été abandonnée, seulement quelques jours après ma naissance. Il m'a trouvé sur le perron de l'ancien lycée où il travaillait et il m'a toujours dit qu'il avait considéré ça comme un signe du destin, qu'il n'a pas hésité une seule seconde pour me récupérer. Mais sa femme n'était pas du même avis, elle l'a quitté sans perdre une seconde en prétextant qu'elle ne voulait pas d'enfant et nous ne l'avons plus jamais revue.

C'est vers mes onze ans que j'ai commencé à rêver qu'une femme mourait et j'ai su parfaitement la décrire à mon père. Trois jours après, il recevait un appel lui annonçant qu'elle était bien morte dans un accident. Depuis ce jour, mon père fait particulièrement attention aux rêves que je fais et se préoccupe de ses rares périodes où je n'arrive pas à trouver le sommeil.


J'éprouve un immense soulagement quand vient enfin l'heure de rentrer chez moi, je ne perds pas de temps à traîner dans les couloirs et me dirige sans prêter attention au monde qui m'entoure pour retourner à ma voiture.

Prise dans mes pensées, je heurte quelqu'un et fais tomber mes clés par terre. Je vais pour les ramasser mais quelqu'un me devance, Damon. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine quand je croise ses yeux au moment où il se relève, seulement quelque chose d'étrange s'immisce en moi.

L'homme qui se tient devant moi ressemble comme deux gouttes d'eau à Damon mais de petits détails me dérangent. Il me tend mes clés en me dédiant un grand sourire, je les attrape et le remercie avant de partir précipitamment.

Je reprends mon souffle, une fois dans la voiture, et calme les battements beaucoup trop forts de mon cœur. Je mets la clé de contact et allume la voiture machinalement, seulement elle ne démarre pas. Je tente de l'allumer pendant plusieurs minutes mais rien n'y fait, elle ne démarrera pas.

Mes mains se serrent autour du volant, j'ai l'impression d'avoir un immense poids sur les épaules. Mon père doit être déjà à la maison, je pourrais l'appeler pour qu'il vienne m'aider mais je n'ai pas encore envie qu'il me parle de mes cauchemars.

J'attrape mon sac et sors de la voiture. La maison n'est qu'à environ trente minutes à pied, marcher me fera du bien et me permettra de réfléchir.

L'Ordre des EtoilesWhere stories live. Discover now