Chapitre 15

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– C'est plutôt canon chez toi ! Et tes plantes vertes sont vachement belles ! Celles de ma mère sont en train de crever. Elles crèvent à chaque fois en fait, je sais pas pourquoi elle persiste à en acheter. Et puis...

– Tu parles toujours autant ?

Cléandre soupire, puis pose mon sac sur une des chaises de son salon. Je retiens un ricanement. Pour qui ne connaît pas Jared, ce moulin à paroles peut être impressionnant. Alors que mon meilleur ami s'évade pour visiter les autres pièces, non sans s'extasier de tout et surtout de n'importe quoi, mon amoureux secret m'installe sur le canapé.

– Finalement, je ne sais pas qui de lui ou de ta mère est le pire. 

Je ricane encore.

– T'assumes toujours pas ta vanne de l'autre fois ?

Il grimace, hausse les épaules puis, après avoir jeté un coup d'œil vers le couloir — sans doute pour voir si Jared revient ou non —, se penche pour m'embrasser. Je crois que je ne me lasserai jamais de ses baisers. Toujours doux, toujours tendres. Et au contraire de ceux de Sarah, ils ne traduisent pas une envie pressante de me déshabiller. Même si l'une de nos soirées de la semaine a fini de cette manière. 

Pas chez moi, bien entendu, j'avais encore bien trop mal à la cheville. Et puis, tenir tête comme ça à ma mère a achevé Cléandre ; sitôt allongé, sitôt endormi. À son réveil, ennuyé, il m'a avoué avoir parlé sans réfléchir, comme il le faisait beaucoup avant. Avant quoi ? De ça il n'a pas voulu parler. Le questionner me démangeait, alors, pour penser à autre chose et ne pas encore me faire taxer de « lourd », je me suis blotti contre lui, heureux de constater qu'il ne me repoussait pas. Très vite, nos corps et nos esprits se sont échauffés. Nous étions bien, seuls dans la maison. Et au moment où mon amoureux secret s'emparait du présent de ma mère, un faux mouvement a calmé nos ardeurs en une fraction de seconde. 

Les deux jours suivants, la douleur ne se calmait pas, à tel point que ma mère m'a gardé à la maison et songeait à me ramener aux urgences. Au final, elle m'a juste conduit chez le médecin traitant, lequel m'a prescrit des antalgiques plus puissants. Pas mal de mes amis sont venus me voir. Pas Cléandre ; sa présence n'aurait pas été justifiée. Par contre, il n'a cessé de m'envoyer des SMS pour prendre de mes nouvelles. Il s'est même créé un compte sur une messagerie instantanée ! Et j'ai obtenu le précieux Graal, son compte Facebook : Kanaclé Terrasève. Je n'avais aucune chance de le trouver par hasard celui-là...

Le week-end, à mon grand dam, Jared a pris le relais. Pendant presque 48 heures, il m'a tenu compagnie. Si au début j'étais contrarié, mon humeur s'est vite arrangée en découvrant les Mims 4 cachés dans son sac à dos ! De franches parties de rigolades, surtout avec certains packs additionnels ! Ceux-là, je n'aimerais pas que mes parents tombent dessus.

Le dimanche soir, Cléandre a enfin pu revenir chez moi en toute discrétion ! Et miracle entre les miracles : ma mère a su se tenir tranquille ! Pas d'allusion, pas de boîte de préservatifs posée sur la table du salon — par contre, ma table de nuit en renfermait, ainsi que des tubes de lubrifiants... originaux — pas de questions déplacées, rien ! Elle n'a même pas cherché à savoir si nous étions désormais ensemble. Elle devait en être persuadée, et ça m'arrange bien ; je me vois mal lui expliquer la situation : nous sommes amants en secret parce que Cléandre a une petite amie officielle et puis il refuse de faire son coming out alors qu'il l'a déjà fait, mais dans une autre ville. Elle nous ferait interner, pour sûr !

Dans l'intimité de ma chambre à coucher, nous nous sommes découverts. Tous mes regrets de n'avoir pu conclure dans la voiture se sont évaporés, car ces baisers empreints de tendresse, ces caresses, cette complicité naissante et cette sensualité, je ne les aurais pas eus. Je me serai contenté d'une bonne partie de jambe en l'air un peu sauvage, sans sentiments, sans réel échange, sans savoir si je devais le déplorer ou non. 

Indéchiffrable CléandreWhere stories live. Discover now