Chapitre 43

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– Vous pouvez pas les réveiller ! Ils sont bien trop choux !

La voix un peu aiguë perce les brumes d'un sommeil où je ne me rappelle pas être tombé.

– Il se fait tard, Zé. 

Le timbre mâle me fait papilloter des yeux. Je me redresse en bâillant et mets plusieurs secondes à comprendre la situation. À côté de moi, Cléandre roule sur le bord du lit pour récupérer ses fringues. Dans l'encadrement de la porte se tient son père. Derrière lui, ma mère. Et un nez fait soudain irruption à quelques centimètres du mien.

– Euh... 

– Ils ont qu'à dormir ici cette nuit ! J'ai encore envie de les voir dormir enlacés, ils sont vraiment trooop mignons !

– Zé, soupire mon amoureux. Ta... capacité à nous trouver mignons et tout est adorable, et un peu flippante aussi, mais là, on doit partir. 

La voix pâteuse de Cléandre me tire un frisson. Le nez quitte enfin mon champ de vision pour se transformer en la plus âgée des sœurs de Cléandre : Zéline. La plus pipelette aussi ; elle n'en finit pas de trouver des arguments — tous plus incongrus, comme dit Cléandre, les uns que les autres — pour que nous restions un peu plus longtemps.

Hélas, mon amoureux balaie ses espoirs — et ma dignité — d'un coup :

– Avec les partiels qui approchent, on peut vraiment pas louper un jour de cours. Enfin, Nathéo ne peut vraiment pas se le permettre.

Pour ne rien arranger, ma mère appuie le propos tandis que Grégoire remarque que, définitivement, son fils n'aura aucun problème à valider ses modules.

– Puisque c'est comme ça, je vous prends en photo, décide Zéline en brandissant son téléphone.

– Mais on est à moitié à poil !

Je saisis presque aussitôt que pour elle, ce n'est absolument pas un problème.

– C'est ce qui rend la photo si bonne ! confirme-t-elle avec joie.

– Essaie un peu et je te fais avaler ton machin composant par composant, menace Cléandre entre ses dents.

Un coussin vole à travers la pièce, que Zéline évite d'un pas sur le côté.  Cléandre bondit du lit comme un diable à ressort, et sa petite sœur détale en piaillant. Leur père ? Il se contente de se décaler pour la laisser passer, partagé entre l'amusement, l'agacement et... le soulagement ?

– Ça fait tellement de bien de te voir comme ça que je ne peux que t'encourager à chasser ta sœur !

Cléandre se fige et nous regarde tour à tour. Depuis le couloir, Zéline s'enthousiasme de la magnifique photo qu'elle vient de faire et qu'elle a bien envie de partager à tout le monde sur les réseaux sociaux.

Cette fois, mon amoureux se rue sur la malheureuse, suivi par son père. S'ensuit un bruit de cavalcades et des éclats de rire qui me rendent vert de jalousie ; Cléandre s'éclate tellement qu'il a un fou rire. Un fou rire ! Je n'ai jamais vu Cléandre avoir un fou rire ! Et je me retrouve coincé dans cette chambre non seulement en caleçon, mais sans mon « moyen de locomotion »

– Mais qu'est-ce que j'ai foutu de mes béquilles ! 

Le temps que j'enfile mon pantalon, ma mère m'a rejoint et s'est assise sur le lit à mes côtés. Gêné, je remonte ma braguette. Que ma mère sache que je couche avec mon copain est une chose. Qu'elle me trouve quasiment nu au lit avec lui en est une autre. 

– On a fait des tests, on a plus besoin de capotes, me sens-je obligé de me justifier.

Une précision ridicule ; elle est déjà au courant. Elle se contente de me sourire et de m'ébouriffer les cheveux.

Indéchiffrable CléandreWhere stories live. Discover now