Chapitre 6

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Pour la cinquième fois consécutive, je cours aux toilettes. Ma vessie fait des siennes, elle refuse de comprendre qu'elle n'est pas censée se remplir aussi rapidement. C'est insupportable.

Soudain, alors que je me soulage sur le trône, je reçois un coup de coude en plein ventre. Horreur, l'ennemi se révèle invisible. Paniqué, je me tourne en tout sens, m'empêtre dans les draps et finis par tomber au sol.

Complètement perdu, je m'assois à grand-peine. Je suis dans une chambre que je ne connais pas. Et j'ai toujours envie d'uriner. J'aurais dû m'en douter, ce genre de rêves de vessie sans fin m'arrive chaque fois que je dois aller aux toilettes pendant mon sommeil. Et il me met toujours d'une humeur massacrante.

Mon jean enfilé à la va-vite, je me rue hors de la chambre... pour m'arrêter aussitôt, ahuri : je ne me souvenais pas que le couloir renfermait autant de portes. Outre celle de mon adorable hôte, j'en décompte cinq. Des chambres, un bureau, une salle de bain et même un placard, mais pas de toilettes. Cléandre serait-il un extraterrestre ? Certaines de ses réactions étranges feraient sens...

Mon humeur ne s'arrange pas face à cet échec. Bougonnant, je sors du couloir pour me retrouver dans un hall d'entrée, enfin, je le suppose, au vu de la porte blanche percée d'un œil de loup sur ma gauche et du placard — encore un ! — coulissant qui occupe l'espace sur ma droite. Mais où se trouvent ces foutues toilettes ? Je ne vais pas tarder à tremper mon caleçon !

Devant moi, deux battants vitrés. Je me précipite dessus dans l'espoir fou d'y trouver mon Graal. Ma vessie me fait perdre la tête, bien sûr que personne n'aurait mis le moindre cabinet ici, derrière des portes presque transparentes. Ne me reste plus qu'à espérer trouver encore une autre porte dans cette pièce.

Sitôt dans la cuisine, toute mon attention est happée par un jeune homme vêtu d'un simple caleçon moulant. Installé sur une chaise de bar, absorbé par son livre, il ne relève même pas la tête. Quel délice à regarder ! Cette peau veloutée, ces poignées d'amour, cette encre noire sur sa peau... et ces lèvres dont le souvenir d'un baiser chauffe encore les miennes !

Cléandre me semble encore plus beau que cette nuit, j'en saliverai presque !

Ignorant ma vessie rebelle, je m'approche sur la pointe des pieds.

– Tu veux déjà que je te ramène ?

Je me fige, comme pris en faute. Croyais-je vraiment n'avoir pas été remarqué ?

– Euh... il est quelle heure ?

– À peine huit heures. Je ne pensais pas te voir apparaître avant midi...

Il semble sincèrement surpris. Ses yeux me scrutent avec une telle intensité que je rétorque la première chose qui me vient à l'esprit.

– C'est parce que je vais me pisser dessus.

La première idiotie, donc... Bravo Nathéo.

– J'ai la solution à ton problème, ricane-t-il. Va aux toilettes.

– Mais y a pas de chiottes chez toi !

– Évidemment qu'il y a des toilettes chez moi, je ne suis pas une plante. Retourne dans le couloir des chambres, c'est la deuxième porte à gauche.

Buté, je crois les bras, puis le dévisage.

– Je viens de tout explorer : il n'y a pas de toilettes dans ce couloir.

Mon aplomb le surprend. Ses sourcils se froncent, sa bouche se pince. L'instant d'après, il pose son livre et me fait signe de le suivre. Nous nous arrêtons devant la fameuse porte. Celle du placard. Tout à coup, le doute m'assaille. Mal éveillé comme je suis, je n'ai tout de même pas confondu un placard avec des toilettes ? Mes joues cuisent à cette simple idée. Ce serait le summum du ridicule.

Indéchiffrable CléandreWhere stories live. Discover now