Chapitre 49

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— Nathou, tu boudes encore ?

— Ouais. Et essaie pas de m'attendrir avec un surnom tout doux, ça marchera pas !

Enfin, presque pas : je dois me concentrer pour garder mon air boudeur. Au vu du large sourire de Cléandre, c'est un échec.

— Je savais que tu aimerais. Nathou.

— J'aime bien aussi mon Ange, mon Cœur, mon Amour...

— Tant que tu réclames pas « Mon bébé »... Parce que je ne change pas les couches. Ha, par contre, m'appelle pas Cléou. Ni Cléon. Ni Cléchou. Clémou. Clémour. Cléandre. Ah, si, celui-là tu peux.

Il se met à rire sans cesser de touiller sa béchamel et moi, je lutte pour ne pas l'accompagner.

— On va arrêter la cucaracha, je crois. Même si j'adore te voir aussi joyeux.

— Que veux-tu, je suis gay en ta présence ! s'esclaffe-t-il.

—... gay à quel point ?

Mon ton lubrique ne lui échappe pas. Il pointe sa cuillère en bois vers moi, le regard pétillant :

— Tu sais à quel point j'ai une imagination débridée après quelques verres ? Clarenz s'en souvient, en tout cas.

Une goutte de sauce glisse jusqu'à son doigt et, sans me lâcher des yeux, Cléandre repose la cuillère pour lécher son auriculaire avec une lenteur qui m'embrase.

— Dommage que tu boudes. Tout ça pour une photo.

Et il me tourne le dos pour retourner à sa béchamel. 

 — Fallait pas me dire qui tu embrassais aussi ! Franchement... je l'ai jamais dit à personne, même à Jared, mais Servan, c'était mon gros crush d'il y a quelques années. Le premier mec qui m'a vraiment plu, j'allais même à tous ses concerts ! 

— Tous ? 

— Ouais. Même le super court où il a chanté avec une chorale ! Meilleur concert de ma vie, entre lui, les chœurs, l'autre chanteur super sexy... j'étais trop triste que le DVD soit annulé. 

Cléandre demeure silencieux. Probablement qu'il ne voit pas où je veux en venir. Moi non plus, d'ailleurs, l'alcool m'obscurcit les idées.

— Tout ça pour dire que t'imaginer toi, mon mec actuel, avec mon crush d'ado, c'est aussi improbable que frustrant. 

— La vie est faite de coïncidences improbable, si tu savais... par exemple, mon père a découvert qu'il avait fréquenté le même lycée que ma grand-mère maternelle... enfin, que la mère de Wilma. Pourtant, c'était dans une ville à une heure et demie d'ici. Ils ont aussi eu la même prof de SVT. Début et fin de carrière.

— Je sais qu'il y a des coïncidences bizarres. Tu vois, Gaspard ? On se connaissait déjà au lycée. Il a repiqué la seconde, et en première, on a découvert que sa sœur était née la même nuit que moi, dans le même hôpital. Mais Servan et toi, c'est trop pour mon cerveau. En plus, j'arrête pas de repenser au fait que tu as couché avec et... ouais, j'suis jaloux !

— Comment ça, t'arrêtes pas d'y penser ?

— Depuis que j'ai vu la photo, pas avant... genre... c'était quand la première fois, c'était quand la dernière fois, est-ce que Cléandre a aimé, est-ce que... c'était mieux qu'avec moi...

Un long silence s'ensuit. Je finis par me resservir un verre et vais pour enflammer ma cucaracha quand Cléandre reprend la parole :

— Il y a un an et demi. Après l'anniversaire de Sarah. Oui, mais... non, à cause du mais. 

Indéchiffrable CléandreTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon