Chapitre 8

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– Il va falloir que tu m'expliques, quand même. 

La main sur la portière de sa voiture, Cléandre se fige pour me dévisager. Depuis qu'il m'a surpris nu, il m'évite. Pire, il ne m'adresse plus la parole. Hormis pour me dire « je te ramène ». Si je ne l'avais pas surpris en pleine masturbation la nuit précédente, j'aurais pu comprendre. Là, son comportement me blesse profondément. 

– Que je t'explique quoi, au juste ?

Les yeux froncés, il semble sincèrement surpris.

– Tu m'envoies des signaux complètement contradictoires ! Une fois, tu m'embrasses, après, tu me repousses, tu dis que les hommes t'intéressent pas, mais juste m'apercevoir nu, tu as...

– Ta position était complètement lubrique, j'ai pas fait qu'apercevoir, grommelle-t-il. 

Comme pour couper court à la conversation, il s'installe derrière le volant et claque sa porte. S'il croit que ça va m'arrêter, il se plante en beauté. 

– Peut-être, mais ça n'explique pas la réaction de ton corps, répliqué-je en m'installant à mon tour.

– Les lois de l'érection sont impénétrables, déclare-t-il impassible. Tout comme moi.

La précision me vexe, j'y vois comme un message : abandonne, Nathéo, tu ne m'auras jamais. Je secoue la tête. Après son irruption dans la pièce tout à l'heure, et pendant qu'il dépliait son linge à la recherche de vêtement à ma taille — je le soupçonne d'avoir cherché à gagner du temps pour faire redescendre... la pression — j'ai pris la décision de tenter quelque chose de concret avant d'abandonner. S'il me rejette encore une fois, je me raviserai. Je l'oublierai. Mais pas avant d'avoir essayé. D'ordinaire, je sais si, avec un peu de flirt, mon ou ma partenaire se laissera convaincre. Avec Cléandre, c'est binaire. Si son comportement me hurle que j'ai mes chances, je peux être sûr que la seconde d'après Capuche piétine tous mes espoirs.  Sait-il seulement lui-même ce qu'il veut. A-t-il seulement conscience d'être blessant ?

– Ça va, je sais qu'on couchera jamais ensemble, pas la peine de retourner le couteau dans la plaie !

– Pardon ?

Ma phrase le perturbe au point qu'il relâche trop vite la pédale d'embrayage. La voiture cale. Après une profonde inspiration, il s'essuie les mains sur son jean, puis redémarre, avec succès cette fois. 

– Je sais bien que tu es impénétrable enfin, sauf par tes sex-toys hein !

C'est puéril, je le sais, mais si ça peut le forcer à se dévoiler... Malheureusement, il évite le sujet.

– Mais enfin, je ne parlais pas de ça ! Qu'est-ce que tu vas imaginer !

– Des tas de choses, et c'est de ta faute !

– De ma faute ? V'là autre chose...

– Qui m'a embrassé sur le coin des lèvres pendant le secret Santa ? Si tu n'avais pas fait ça, je serais toujours amoureux de Sarah, et pas de... peu importe. Je parle même pas du fait que tu t'en foutes que je la drague. Tu me files des capotes pour coucher avec, t'es pas normal comme mec !

Il souffle, me dit qu'il ne voit pas le problème avant de me demander de la fermer ; beaucoup de circulation ce matin, il ne voudrait pas finir dans un lampadaire. Je m'enfonce dans mon siège, perdu dans mes réflexions. Je n'aurais sans doute pas d'autre chance de lui parler à cœur ouvert, et j'ai tellement de questions ! Sur son comportement, mais aussi sur son passé, cette mystérieuse hospitalisation, sa passion pour les licornes, son logement aussi — si grand pour une personne seule. La situation actuelle s'avère idéale : coincés ensemble dans une voiture sans possibilité de fuite, avec un trajet de plus d'une vingtaine de minutes. Certes, je n'aborderai pas tous les sujets. Il me faudra choisir. 

Indéchiffrable CléandreWhere stories live. Discover now