Chapitre 50

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Je ne suis probablement pas dans le meilleur des états d'esprit pour aller au cinéma, ce soir : toutes mes pensées vont vers Cléandre.

Mon pauvre amoureux... il a tenu à revenir avec moi pour visionner de nouveau le concert. Le voir crisper les mâchoires à en faire grincer ses dents m'a fendu le cœur. L'entendre murmurer d'une voix rauque que c'était thérapeutique m'a tiré des larmes.

Et je me suis senti coupable. Je sais que c'est à cause de moi... ou pour moi qu'il le fait. Qu'il veut aller de l'avant, qu'il tente de guérir. Plus le temps passe, plus je m'aperçois à quel point c'est difficile pour lui... et plus les mots de Sarah me reviennent en mémoire.

À tel point que cette nuit, seul dans mon lit, je me suis demandé si j'y arriverai. Si mon amour pour Cléandre sera assez fort pour lui faire accepter son passé. Si je serai assez courageux pour l'accompagner dans ses phases de doute, de déprime et de pessimisme.

Il ne fait aucun doute que j'ai envie de l'être. Mais entre la théorie et la réalité...

— J'aime pas être impuissant, bougonné-je à mi-voix.

— Problème au lit avec Capuche ? réagit aussitôt Jared. Ce qui est pratique avec vous deux, c'est que tu peux changer de place quand ta queue reste molle !

Je roule des yeux, effaré, avant de jeter un regard autour de nous. Deux adolescentes assises juste derrière nous gloussent et sur ma gauche, une mamie me dévisage d'un air sévère.

— Vous êtes dans les transports publics, surveillez votre langage !

— Mais, c'est pas moi, c'est lui ! m'insurgé-je en montrant Jared. 

Elle le dévisage, ouvre la bouche, me regarde à nouveau et finit par se détourner sans rien ajouter. Jared ricane.

— C'est drôle comme j'ai un passe-droit parfois. Bref... va falloir que t'oublie un peu Capuche, sinon tu vas pas profiter de la soirée. Déjà qu'on se coltine le cousin... et la tante. Et la copine du cousin. Rappelle-moi pourquoi j'ai accepté, déjà ?

— Tu me devais bien ça parce que t'es mon meilleur pote et t'as failli me faire rompre avec mon mec ?

Nouveaux gloussements derrière nous. 

— Ca aurait pas été une mauvaise chose. Ce mec te balade.

— Tu l'as jamais aimé, rétorqué-je.

— Un peu comme lui avec toi, assène-t-il.

Je m'étouffe face au sourire victorieux que mon meilleur ami arbore. 

— Connard ! en plus, tu te plantes : Cléandre m'a dit qu'il m'aimait.

Après une seconde de silence, Jared s'exclame :

— Sérieux ? Et tu me dis rien ? Il a dit ça quand ? Comment ? Tu l'as forcé !?

Je ne réponds pas de suite. Jared s'agace, il me presse. Me reproche de le faire languir. Sauf que je peine à trouver les bons mots, surtout avec les adolescentes qui nous espionnent.

Par chance, elle descendent à l'arrêt suivant. Et Jared repart à l'attaque. Il exige de tout savoir, de tout connaître, et dans le détail. Lorsque j'ai fini de lui raconter, il se tapote sur la lèvre.

— Il t'as pas du qu'il t'aimait, là. Il t'a donné des cacahuètes pour te faire patienter.

— Mais qu'est-ce que tu baves, encore ?

— Il t'a sorti : je suis amoureux.

— Et ?

— Et c'est pas du tout pareil !

Indéchiffrable CléandreWhere stories live. Discover now