"C'est qui le chanceux?"

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Un silence malaisant s'installait. Les paroles de mon père semblaient encore vibrer dans l'air et pourtant, de nos lèvres ne franchissait aucun mot. Quand je m'apprêtais à abandonner cette discussion, peiné, ma mère réussit enfin à m'adresser la parole.

-Tu sais mon coeur, je t'aime et je suis consciente que tu restes qui tu es malgré ton homosexualité. J'avais déjà des doutes à ce sujet d'ailleurs mais n'avais jamais vraiment voulu y croire.

Ces deux simples phrases, entrecoupées de pauses durant lesquelles on entendait le vieux congelo vibrer faiblement, m'avaient donné un regain d'espoir. Elle semblait se remémorer quelque chose et vouloir me le cacher. Mais je savais, tout comme elle, que nous n'avions pas le choix d'arriver à en parler. Il fallait se comprendre. J'étais horriblement gêné de parler de ce sujet avec ma génitrice puisque c'etait la première fois que je parlais de mon homosexualitée ouvertement avec quelqu'un d'autre que Zack. Même avec lui j'abordais toujours le sujet délicatement ou le contournais simplement. C'était une mauvaise habitude je suppose.

Ma mère prenait une grande inspiration puis se lançait dans cette discussion.

-C'était dans mon jeune temps, j'étais naïve, insousciante et ne demandais qu'à trouver l'amour, le vrai. Celui qui nous rends aveugle et nous fais bouillir le coeur, tu le connais n'est-ce pas?

J'hochais la tête pour toute réponse, absorbé par cette histoire.

-Eh bien un jour, je l'ai rencontré. Il était beau garçon, drôle, gentil, adorable. Bref, celui dont toute les filles rêvaient d'avoir en guise de compagnon.

Elle soupirait, la joue appuyée dans sa paume et le regard rêveur. J'étais un peu tendu, trouvait la situation étrange. J'espérais pour ma mère que mon père ne soit pas près. Elle reposait sa main sur la table et regardait dans le vide, les yeux moins pétillants.

-Notre amour semblait grandir chaque jour et devenait un peu plus passionnel que la veille. Les semaines passaient et de notre relation ambitionnelle nous a poussée à prendre des décisions incensées telles qu'aller vivre ensemble en appartement. Ses parents le lui avaient offert pour ses 18 ans puisqu'ils possédaient les richesses d'une compagnie fleurissante. Tout roulait si bien qu'on aurait pu croire être dans un conte de fée.

De ses doigts elle dessinait des formes incongrues sur le bois vernis de la table. Je commençais à me demander où menait cette histoire, outré par tant de confessions de la part de ma mère.

-Rapidement, nos six mois de relation arrivaient et je souhaitais absolument faire une surprise à mon amant pour célébrer cette journée si importante. Alors, je l'ai appelé pour lui dire que j'irai chez mes parents passer la nuit et me suis rendu à notre appartement. J'ai utilisé le double de la clef pour entrer; après tout je vivais quand même avec lui! Je me suis ensuite mise en "tenue légère" et préparé la chambre du mieux que je le pouvais avec ce qui traînait dans quelques tiroirs. J'ai finalement caché mes quelques effectifs pour que la surprise soit totale. Lorsque tout eût été prêt, je me suis étendue sur le lit pour l'attendre. J'étais si fébrile de lui offrir ma virg... oui enfin bref. Rougissait-elle en bégayant. Mais lorsqu'il entrait dans la maison, je l'entendais se presser à fermer la porte et la barrer. Il était ensuite entré dans la chambre après avoir tenté de tourner la poignée fébrilement à plusieurs reprises. J'étais inquiète qu'il soit malade et hésitais à me lever pour aller voir si il allait bien mais lorsqu'il a enfin ouvert la porte.. Il était..

Je croyais comprendre où cela allait mener et n'incitait pas ma mère à continuer. Elle terminait tout de même sa phrase, douloureusement.

-Il était avec un autre garçon. Dans le même genre de "tenue légère" que moi. Et ils s'aimaient; Ah ça oui!

Les mots, clairement lui brûlaient la langue, lui écorchaient le coeur et mettaient en compote la bonne humeur du début de son récit.

-C'est pourquoi apprendre que mon fils est gay aussi me rends si...

Homophobe? Désappointée?

-Si..

Peu d'accord avec le fait que je sois en amour avec un garçon?

-Je l'ignore et je le sais en même temps, Christopher.

Elle couvrait faiblement sa bouche par sa main et tremblait fortement. Ses yeux, bien clos, refusaient de voir cette facette d'elle même. Un sanglot lui échappait et les larmes ruisselaient dans le creux de ces rides dont le chagrin d'autrefois a façonné sur le doux visage de ma mère. Je me levais et allais la prendre dans mes bras, attristé de voir cette eau sur le visage de cette femme forte. Elle ne répondait pas à l'étreinte au début mais ses barrières tombaient bien vite et elle finissait par s'aggriper à mon cou de toute sa puissance. Bientôt, les larmes me montaient aux yeux et ma gorge se serrait horriblement, tout comme elle.

Je n'avais pas parlé de Zack à mes parents proprement dit. Je leur avais seulement dit que j'étais en couple avec un garçon sans préciser son âge, sa personnalité et toutes ces petites choses que normalement nous leur racontons lorsqu'on leur présente celui/celle qui partage notre coeur. C'est pourquoi j'étais inquiet de la réaction de ceux-ci lorsqu'ils apprendront l'âge de mon amant. Pour le moment, seule ma génitrice a un problème face à mon homosexualité. Qu'en seras-t-il lorsqu'ils le sauront?

-Maman, je t'aime fort et je ne change pas de qui j'étais il y a quelques heures tu sais. Ce ne sont pas tous les hommes homosexuels qui sont comme ce gars.

Elle relevait la tête et essuyait ses larmes avec l'intérieur de ses poignets. Je me penchais un peu et empoignait un mouchoir pour le lui tendre. Encouragé par ses yeux un peu plus secs, je continuais.

-Aurais-tu préféré ne jamais avoir appris que ton amant préférait la gente masculine? Qu'il te l'apprenne lors de votre grand mariage luxueux au moment de te passer la bague au doigt? Elle se mouchait un grand coup et me regardait époustouflée par le peu de filtre que j'engageais dans mes mots. Il est évident que ce gars n'était pas celui qu'il te fallait, maman. De plus, si tu étais resté avec lui, tu n'aurais jamais rencontré papa et je ne serais pas dans cette cuisine à te réconforter du tort que je te cause.

Maintenant de retour sur ma chaise, j'attendais une réaction de la part de ma mère. Un petit silence suivait obsiténement ma dernière phrase, semblable à celui avant cette discussion. On n'entendais plus le bois se faire fracasser par la hache de mon père. Seul le bruit du congelo qui scillait réchauffait ce malaise. La vieille dame était visiblement en grandes réflexions quant à ces mots. Soudain, cassant l'atmosphère, l'homme d'âge mûr entrait. Dans ses bras tenait une boîte pleine de carburant végétal pour le foyer.

-Vous avez terminé à ce que je vois! Y était pas trop tôt!

Il renifflait un coup, bruyamment, puis marchait d'un pas lourd au salon porter sa quête. Je reportais mon attention sur la femme devant moi et lui souriait tendrement. Comme pour conclure nos paroles intimes et pour lui affirmer un total silence à ce sujet. Elle me retournait un sourire aussi et closait ainsi ce chapitre pour de bon. Je savais qu'elle ferait des efforts pour m'accepter tel que j'étais dans un avenir rapproché.

-Comme ça fiston, tu veux pas nous dire c'est qui le chanceux? Demandait (ou plutôt hurlait de sa voix immense) mon père en me secouant les épaules de ses grosses mains de bûcheron.

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Avec peu d'avance cette fois xD
Bientôt noël, une bonne raison de boire du lait de poule ^~^

Mon tuteurWhere stories live. Discover now