"Ce rien n'a pas eu lieu"

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PDV ZACK

Le lendemain matin, nous prîmes notre temps mon amant et moi afin de bien savourer les moments passés ensembles. Nous sommes maintenant le 25 décembre, il n'est que 10h30 du matin, nous sommes là, Chris et moi, assis dans la salle à manger. Un café à la main, un sourire brumeux aux lèvres, nous échangions quelques regards lourds de nostalgie en commémoration à la soirée de la veille. À l'exception d'un "Bon matin", aucun autre mot n'avait été prononcé. Ce qui était loin de nous déplaire à vrai dire.

Il serait bien trop parfait de dire que la neige tombait par gros flocons à l'extérieur, mais ce n'était pas le cas. Elle ne tombe pas encore mais la télévision étant à la chaîne météo, nous pouvions entendre du salon les prévisions météorologiques annoncées par la journaliste habituelle à ce poste. Les flocons allaient se manifester en grande quantitée plus en soirée et en grande masse. Pour faire court, une tempête de neige était prévue.
Lorsque nous eûmes terminés, j'alla me préparer, souhaita une dernière fois joyeux noël à mon amant puis l'embrassa tendrement. Finalement, je partis de l'appartement chaleureux de mon petit-ami, l'esprit encore hanté par la peau douce celui-ci et par l'expérience qu'à été cette nuit.

Trêve de pensées obscènes, je sais me contrôler tout de même.

Je pris le bus, observant les gens balayer leur pare-brise avec vigueur pour bien faire disparaître toute trace de neige de celui-ci. Appuyé contre la vitre de l'autobus, j'admirais avec plaisance le magnifique paysage hivernal et festif qu'était la ville à cet instant. Je jeta un léger coup d'oeil à l'heure sur mon cellulaire pour m'assurer de ne pas être en retard.

J'arrives papa. Pensais-je tout bas.

Lorsque le bus s'arrêta enfin à mon arrêt, je descendis rapidement de celui-ci, sans oublier d'offrir un petit sourire au chauffeur. Pauvre lui, travailler un jour de noël...

Je fis une petite course jusqu'à mon chez moi, stressé d'arriver en retard. Sur le paillasson givré de mon entrée, je sortis mon cellulaire, essoufflé par le sport précédent et lu l'heure affichée en grands chiffres blancs sur l'écran.

11h56

Parfait. J'ouvris la porte et entra dans ma demeure sans attendre une minute de plus. Une fois mon sac à dos balancé dans le coin habituel où je m'en débarrasse toujours, je soupira de soulagement.

-Papa, je suis rentré! M'écriais-je hâtif de voir mon père. Il ne vint pas. Papa? répétais-je, inquiet. 

Je monta à l'étage, silencieusement. Peut-être y-a-t-il un voleur qui est entré et a attaqué mon géniteur sans pitié, le laissant pour mort dans le placard à balais? J'observa les alentours mais ne vit rien d'inhabituel, de déplacé ou de volé. Peut-être qu'écouter autant de films d'actions dans ma jeunesse n'était pas une très bonne idée..

Inquiet quant au silence obstinant de mon père, je m'aventura dans toutes les pièces du dernier étage. La salle d'eau, son bureau, le couloir, la salle de lavage, même ma chambre y passa. Rien à faire, il n'était bel et bien nul part. Sauf peut-être..
Sa chambre?

-Pa.. commençais-je.

Je resta bloqué une demi seconde face à la scène puis, claqua la porte en m'enfuyant de la chambre de mon fraternel.

Fichues portes insonorisées.

Je dois oublier cette scène, je n'ai rien vu, je ne suis jamais entré dans cette pièce. Jamais.

Pourquoi ne pas m'en avoir parlé? Et par-dessus tout, qui est-elle?

Je m'en alla vers ma chambre d'un pas pressé en me répétant mentalement que mon père était assez vieux pour gérer lui même ses actes, que je n'avais aucunement mon mot là dessus. Une fois dans ma pièce, je verouilla derrière moi et alluma ma lampe de chevet.

Je me rendis au mur sur lequel la grande majorité de mes oeuvres étaient accrochées. Je souleva lentement le collage lourd de souvenirs douloureusement heureux, les doigts tremblants. Des souvenirs qui, malheureusement, n'appartiennent qu'à moi seul. Parfois j'aimerais les partager avec mon fraternel mais le connaissant, je sais qu'il ne voudra plus tourner la page si je lui impose le fardeau de ma mémoire d'enfant.

«Ce qu'il semble ne pas avoir perdu de temps à faire» Ne puis-je m'empêcher de penser malgré moi. Cette pensée me laissa un arrière-goût mélancolique dans la bouche.

Je regarda ces yeux, ces iris dont j'ai hérité, tout comme cette peau blanche impossible à faire cuire au soleil. L'un de mes doigts vint effleurer délicatement ce moment immortalisé à jamais sur ce bout de papier, dans nos mémoires, et dans nos coeurs à tous.

Ma mère était une femme magnifique, de l'extérieur tout comme de l'intérieur. Une beauté pure, un diamant brute. Elle était douce et se préoccupait toujours du bien de ceux qui l'entouraient. Toutefois, elle ne se préoccupait pas d'elle, de ses besoins, de ses problèmes. Et un jour, penser aux autres.. penser à moi, l'aura tué.

Cette pensée chargée de remords et de peine vint soudainement assombrir cette journée de fêtes.

Mon père doit sans doute avoir envie de passer à autre chose, retenter l'expérience qu'est l'amour. Je ne l'ai jamais revu avec une autre femme depuis les funérailles de ma génitrice, ce qui prouve sa loyauté quant à la puissance de ses sentiments. Mes mains tremblent si fort que la photo de ma mère me glissa des doigts et fit retomber le collage de mes oeuvres sur la seule femme que j'aimerai de toute ma vie.

-Il a droit à son bonheur, Zack, laisse-le vivre sa vie. Allez bon sang, si tu l'aimes tu l'épauleras. Tentais-je de me convaincre à voix-haute.

Alors pourquoi mon coeur me fait si mal?

Soudain, des tambourinements dans ma porte vinrent me couper dans mes réflexions et me rappelèrent à la situation. Ce doit sans doute être mon fraternel, il a dû être réveillé par le son des portes se refermant derrière mon passage.
Tout se passe trop vite, il me faut du temps. Du temps pour réfléchir à ce qu'il est entrain de se passer dans ma tête.

-Zack, mon grand, ouvre cette porte! C'est Noël nom-de-Dieu, je peux voir mon fils? Une fois?

Demanda t-il de derrière le bout de bois, d'où il parlait fort afin d'être sûr que je l'entende bien malgré les portes insonorisées. Les mains tremblantes et les pensées complètement bouleversées entre l'acceptation des choix qu'il prend et ce ressentiment qui vas à l'encontre du bonheur de mon père, j'effleura le verrou de la porte me séparant de celui-ci. Mes mains ne cessaient de trembler, sous le choc de cette nouvelle intrue et de ce qu'elle implique. Il a oublié maman? Non, il ne l'a pas fait, il a tous les droits de refaire sa vie. Ça suffit Zack, ton père peut être heureux. Je débarra la porte et l'ouvrit. Il se tient là, au seuil de ma chambre, en bas de pyjama. Il se balance sur un pied, puis sur l'autre. Je lui sourit, lui montra que j'allais bien. À son regard je vis qu'il était inquiet de ma réaction. Il a fait son deuil, il peut donc tourner la page, je suppose. Je referma la porte sans la verrouiller cette fois et..
J'attendis. Quoi au juste? Je n'en sais rien. Mais j'attendis quelque chose qui ne vint jamais car ce "rien" n'a pas eu lieu.

Mon tuteurWhere stories live. Discover now