Mon tuteur

"T'étais où?"

Je me releva du corps, ramassa mes effets personnels maintenant trempés et parti en direction de chez moi. Mon parapluie sur l'épaule,  je tourna tout de même la tête au dernier moment de bifurquer sur une autre rue. Je repéra le nouveau prof, tremblant en tenant son parapluie rouge éclatant. Il avait l'air traumatisé, ce qui était probablement le cas.

Félicitation mon vieux! Premier jour d'école et tu te mets déjà un prof à dos! Comme si le lycée en entier c'était pas déjà assez..

Putain.

Je continue d'avancer sous les nuages gris sombres qui se déversent brutalement au-dessus de nos têtes. De loin, je pouvais désormais voir ma maison. J'accélère le pas afin d'être plus rapidement au chaud et voir mon père qui doit m'attendre depuis un petit moment. Quand mon pied atterris sur le tapis d'entrée blanc aux motifs bleus, je souffle de soulagement et de mépris. Je suis exténué et je me sens sale, une douche me fera forcément le plus grand bien. Je pose mon parapluie sur le porte manteau, bientôt rejoins par ma veste et retire mes souliers pour les faire atterrir près du porte manteau.

-T'étais où? S'interposa la voix de mon père, me sortant de mes pensées par le fait même.

-J'ai empêché un gars d'en frapper un autre. Ça m'a pris un moment pour m...LE calmer.

Ouf j'ai failli y passer cette fois. Je ne peux pas mentir à mon géniteur, c'est la seule personne qu'il me reste après tout. Lui aussi l'an passé n'avait rien compris de mon comportement soudain, par contre c'est lui qui m'a aidé à m'en sortir avec le directeur. La psy, elle, il n'avait rien pu faire pour l'empêcher de mettre son nez dans mes affaires. Elle avait fini par prétendre que mon attitude était en rapport avec la mort de ma mère. Elle entendait juste ce qu'elle voulait entendre au fond...

-Mmh, je suis pas sur de croire ça mais ça passe pour cette fois. Me répondit mon père soucieux et peu convaincu de mon hypothèse.

Ces temps-ci, il a peur que je consomme de la drogue, comme plusieurs des jeunes de nos jours. Pourtant je le rassure constamment que ce n'est pas le cas et que je ne toucherai jamais à ces merdes.

-Sinon comment a été ta première journée à l'école? As-tu rencontré ton tuteur? Ce matin au travail on parlait Will et moi et il m'a dit qu'y a un nouvel enseignant pour le groupe de son fils, comme t'es dans le même ça veut dire que vous avez le même tuteur pour votre groupe. Il est gentil? Tes professeurs cette année sont acceptables? Est-ce que les mêmes imbéciles que l'an dernier sont venus te parler? Tu venais pas de te battre toi il me semble?Es-tu blessé?? Me questionna soudainement mon père, prenant mon visage en coupe, cherchant sans doute une égratignure ou un bleu.

Son ton de voix montrait qu'il était impatient d'avoir des réponses. Malheureusement pour lui, je ne comprenais plus à partir de la moitié de son récit. Mon cerveau finit par me rattraper et je répondis nonchalamment aux questions de mon père. Je contourna tout de même le sujet sur mon nouveau tuteur, quitte à devoir parler de ma bataille avec l'imbécile de tout à l'heure. Je sais pas, je ne voulais juste pas penser au bel homme, comme si c'était tabou de parler de lui.

-Désolé fiston si j'ai pas été là ce matin, j'avais beaucoup de boulot alors je suis rentré tard ce matin. S'excusa t'il malaisé de n'avoir pu me motiver pour ce premier jour de classes.

Je ne lui en voulais pas, bien entendu, et je lui fis savoir en lui faisant une accolade et en lui disant que ce n'était pas sa faute s'il travaillait de longues heures. Le pauvre, il devait être exténué à force de devoir se mettre sous tous les angles pas possibles pour prendre ses photos. Effectivement, mon père était un photographe de renommée et était demandé par plusieurs clients. Il travaillait beaucoup, même s'il n'en avait pas besoin étant donné qu'il avait économisé une belle somme depuis quelques années d'acharnement à son travail. Après une bref discussion sur sa journée à lui, je monte les escaliers et pars directement dans la salle de bain. Arrivé dans celle-ci, je verrouille la porte et entreprend de retirer les vêtements qui me collent à la peau. Une fois le travail accompli, j'entre dans la douche aux murs transparents, ouvre le robinet et règle la température de l'eau pour qu'elle soit bien chaude. La brume ne prit pas beaucoup de temps avant d'apparaître tel un énorme nuage de vapeur (il s'agit probablement de cela en fait). Je sentis une vive douleur au niveau des jointures, ce qui me fit automatiquement baisser la tête pour voir quelle était la blessure. Ah, je comprends mieux pourquoi mon père doutait de moi tout à l'heure. Mes jointures sont en sang et quelques gouttes du liquide rougeâtre s'étaient incrustées sous mes ongles. Heureusement qu'il n'a pas vu ça, il en aurait fait une crise de panique. Je pris soigneusement le temps de nettoyer chacun de mes ongles et de bien me frictionner la peau pour en retirer toute la journée de merde qui y était scotchée. Mes cheveux y passèrent aussi, bien entendu. J'éteignis le robinet et aussitôt, l'eau cessa de me réchauffer. Je sortis de la cabine, attrapa la serviette que j'avais pris l'habitude de poser sur le crochet cloué au mur et me sécha le corps. Je m'attarda sur ma tête en l'ébouriffant rapidement avec la serviette. J'accrocha celle-ci autour de ma taille et mis mes vêtements trempés dans la machine à laver. Finalement, je sortis de la chaleur écrasante de la salle de bain et marcha d'un pas rapide à ma chambre. Je me contenta de mettre un sous-vêtement et un jogging noir. Je descendis manger avec mon père, discutant de tout et de rien. Un peu plus tard, après m'être brossé les dents, j'alla me coucher. Le sommeil prit longtemps à venir mais il pointa le bout de son nez vers les alentours de 23h45.
J'allais être un zombie demain matin, mais je m'en moque.

***
~J'aime son père ~