— Je bosserai pas à ta place, c'est mort !
— Mais tu délires mon pauvre, répliqua Jenifer d'un air dédaigneux.

Elle sortit une feuille de papier froissée de son sac et la déplia lentement sous les yeux incrédules de Liam.

— Qu'est-ce qui te fait croire que j'ai besoin de toi ? détailla-t-elle lentement.

Elle exhibait fièrement le B+ qu'elle avait obtenu. Elle avait donc déjà rendu le dossier... Mais quand ? Et surtout comment ? Décidément, cette fille était pleine de ressources.

— Tu as réussi à changer de groupe ? Dans notre dos en plus. Laisse tomber... siffla Liam d'un air méprisant. Je sais déjà comment tu as eu ta note, elle était bonne sa...

Personne n'entendit la suite. Stuart Valenzano lui avait décoché un sévère coup de poing dans la mâchoire avant qu'il ne termine sa phrase. Liam gisait par terre et se tenait le nez : il y avait du sang sur ses doigts. Je me ruai à son secours ; il rejeta durement mon aide, se levant seul en titubant. Pas une parole. D'un geste rageur, il ramassa son sac à dos et s'éloigna sous les sifflets excités des élèves qui avaient assisté à l'altercation. Je ne le revis pas de la journée.

~✶~

— Ça passera, esh-kirith.

Kila jouait avec une mèche blonde de mes cheveux. Elle s'amusait à l'enrouler et à l'entortiller à loisir. J'étais adossée au sapin qui nous servait de refuge ce jour-là. Dans mes bras, la kanash se prélassait comme un chiot. L'après-midi était ensoleillé, c'était l'une des rares journées de soleil que nous avions eu depuis le début du mois d'octobre. Kila avait insisté pour que je l'accompagne. Il était nécessaire, selon elle, de me rappeler de l'effet du vent sur ma peau.

— Pas cette fois, soupirai-je à son encontre. Il est vraiment très en colère contre moi, Kila. Je crois qu'il ne me le pardonnera jamais.
— Qu'a-t-il à te pardonner ? objecta la fille du loup. Notre choix ne regarde personne d'autre que nous.
— Je lui ai menti pendant des jours et des jours, c'est ça qu'il n'arrive pas à me pardonner. C'est compliqué... Tu sais, on a toujours été ensemble lui et moi.

La kanash leva un sourcil perplexe en ma direction.

— C'est ton mâle ?
— Non ! répondis-je précipitamment. Nous sommes amis. Mais justement, les amis ne se mentent pas entre eux. Tu n'en as jamais eu ?

Kila eut une moue révélatrice. Je me rendis compte que j'avais cruellement manqué de tact. Mais la kanash ne semblait nullement offensée.

— Je suis comme mon loup. Ton svarai aussi est solitaire. C'est pour ça qu'ils nous ont choisies d'ailleurs, fit-elle remarquer.

Kila haussa les épaules et s'étira longuement avant de continuer.

— S'il t'en veut, c'est uniquement parce que je t'ai choisie pour compagne.
— Je savais que tu lui plaisais, et j'ai quand même...
— Si je l'avais choisi, lui en aurais-tu voulu ?
— Évidemment, mais...
— Alors ne cherche pas. Tu as ta réponse.

Sa manière d'écarter les considérations humaines me sidérait toujours. Par moments, Kila m'évoquait réellement un animal. Pour elle, seule la satisfaction des besoins immédiats comptait : celle d'une chasse réussie ou encore celle qui – sa langue se mêla tendrement à la mienne – faisait d'elle ma femelle. Avec hardiesse, je me plaçai au-dessus d'elle. Ses mains se posèrent aussitôt sur mes cuisses.

— La nature nous a liées, murmura-t-elle en remontant le long de mes hanches. Peu importe qu'un matsii le comprenne ou non.
— Liam n'est pas un sans-cervelle, il est différent... réfutai-je en retenant les soupirs qui mourraient pourtant d'envie de s'échapper.

Ses mains parcouraient mon dos, traçant des symboles au hasard sur ma peau à l'air libre. Ma kahr s'électrisa sous l'effet de ses caresses et je m'arquai involontairement. Kila embrassa le premier sein tendu qui s'érigea devant ses lèvres.

— C'est toi qui m'importes, souffla Kila en se redressant à moitié. Le sens-tu ?
— Je le sens... haletai-je à mi-voix tandis qu'elle entrait profondément en moi.

Je gémis sous les assauts passionnels de celle qui partageait désormais ma vie. Notre façon de nous unir ? Une éternelle première fois.

~✶~

Je m'effondrai sur mon lit. Je posai une main soucieuse sur mon ventre. Cette ration de lasagnes était en trop... jugeai-je en pensant au dîner qu'avait préparé ma mère. C'était pour elle le plat de consolation, celui qui réconfortait toutes les peines du monde. La presse avait été sans pitié pour le commissariat qui avait hérité de tous les défauts de l'univers en moins d'une semaine : la conférence de presse avait tourné au massacre médiatique. Les manifestations anti-kanashs se multipliaient tandis que les ventes du Haven News décollaient. Mon téléphone vibra. Un message non lu. Je me redressai d'un bond, le cœur battant. Liam ? pensai-je en déverrouillant l'appareil. Je tombai sur le contenu du message :

[Meori était un avertissement. Dylan, le second. Qui sera le troisième, ta chère maman ou Liam ? Mais tu aimes beaucoup Kila, n'est-ce pas ? Bientôt, ce sera juste toi et moi.]

Le message était anonyme.

Le message était anonyme

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Kivari #1Where stories live. Discover now