A toi

27 3 8
                                    

- Merde ! jurais-je à voix haute en loupant une marche et en manquant de m'étaler au sol.

Etant une grande perche d'un mètre soixante quinze, juchée sur une paire de talons de cinq centimètres de haut, j'avais plus l'air d'une girafe perdue que d'une demoiselle d'honneur. Remontant les jupes roses achetées piur l'occasion, j'escaladais les escaliers en courant. Comme il fallait s'y attendre chaque marche semblait s'être dotée de petites mains qui accrochaient mes talons.

- Impfffrghit !

- Paul', c'est toi ?

- Ouaip ! Une fois que j'aurais fini de grimper cet escalier de m...pourri, je pourrais venir t'aider !

- Râle pas ! T'es capable de courir un dix kilomètres sans mourir sur place et tu te dis incapable de monter quinze marches ?

- Oui mais...

Un énorme bruit, celui de mon corps faisant un câlin au sol, m'interrompt au milieu de ma phrase. Tout de suite, ma meilleure amie accourt, simplement vêtue d'un corset immaculé.

- C'est fou ce que le rose te va bien, et franchement tu devrais en mettre plus souvent ! se moque-t-elle une fois s'être assurée que mes dents n'étaient pas plantées dans le parquet.

- Evidemment, j'ai horreur d'une couleur et c'est elle qui relève mon teint c'est ça ? Qu'est-ce que j'ai fait au monde pour subir ça ! râlais-je en pointant mes chaussures et les jupes.

Une crise de fou rire secoue alors la jeune brune devant moi, et en entendant son rire, je suis incapable de résister à sa vague de bonne humeur. Et comme à chaque fois, nous mettons une dizaine de minutes à nous calmer réellement. Tout en discutant comme si nous ne nous étions pas vues depuis des jours, je l'aide à enfiler les différentes jupes et décorations de sa robe. Un pas en arrière pour prendre un peu de recul me permet de me rendre compte de sa beauté. Fabuleuse, elle porte une robe immaculée que seul le bleu du diadème offert par sa mère rompt, ses cheveux courts tressés autour de son visage.

- Alors, je suis comment ?

- Indescriptible. Sublime. Parfaite.

On tombe dans les bras l'une de l'autre, un peu stressées toutes les deux. Une dizaine d'années a passé depuis notre première rencontre et aujourd'hui son plus grand rêve se réalise. Rêve qu'elle m'a tant de fois expliqué, je lui ai dessiné des robes, on a discuté de l'homme parfait, de la famille parfaite. Maintenant ce ne sont plus des discussions de gamines, c'est le grand jour. Osant un regard par dessus mon épaule pour se regarder devant le miroir, je la sens se tendre.

- Il ne va peut-être pas aimer ?

- Pas aimer ? Oui, bien sûr et puis je suis pas brune ! Un vrai homme sait reconnaître la beauté des femmes et crois moi, t'es une bombe atomique dans cette robe.

- Réellement ?

- Tu me redis encore une fois que tu doutes de mon travail et je m'en vais !

Au bout de quelques instants, elle a la réaction attendue et éclate de rire à nouveau.

- Paul', t'es même pas capable de t'en aller maintenant !

- Ah ouais ?

- Tout le lycée on a parlé de ce moment, t'es beaucoup trop curieuse pour partir maintenant.

- Indéniablement tu me connais extrêmement bien !

Elle rit une fois encore, et puis tourne sur elle même pour écouter le chant du tissu, elle est magique. Néanmoins je sais qu'il manque quelque chose. Ce collier autour de mon cou, celui que ne me quitte jamais et que je me suis toujours promis de lui offrir le jour de son mariage. Étendant les bras, je l'obligeais à me tourner le dos, et décrochait la chaîne de mon cou. Et puis je l'accrochais autour du sien, à côté de cette médaille qui ne la quitte plus depuis longtemps.

- Toute ma vie cette chaîne m'a aidée à penser à des jours meilleurs quand ça n'allait pas. Toute ma vie, elle m'a apporté du réconfort quand j'étais toute seule. A ton tour maintenant de ne plus voir que la beauté des choses, de manière plus forte encore qu'avant.

- Mais...merci !

- A ton mariage, tu voulais une chose bleue, une chose vieille, une chose prêtée, et je ne sais plus quoi d'autre. N'étant que rarement dans les règles, voilà une autre chose, une chose offerte.

Il y a dans l'air quelque chose qui s'interrompt, comme si après l'avoir ignorée pendant des années nous prenions enfin conscience de la respiration de l'univers. Et puis le temps reprend ses droits, le souffle chaleureux de l'univers échappe à notre conscience et ma meilleure amie se tourne vers moi, un immense sourire aux lèvres.

- Rends-toi compte que c'est la première fois que je te vois sans ce collier !

Et elle laisse échapper un petit rire. Sa joie souffle toute les traces de stress qui restaient en elle. Ironiquement, la voir tourbillonner sans plus s'inquiéter me stresse plus.

- Gaspard vient de m'envoyer un message ! s'exclame soudain la brune.

- Et alors ?

- Non mais regarde moi ce beau gosse !

- Il a la classe, c'est indéniable ! dis-je en découvrant la photo qu'il vient de lui envoyer.

- Attends, devine pourquoi il vient de m'envoyer une photo ? dit-elle le regard malicieux.

- Laisse-moi réfléchir, il veut voir la robe ?

- Et c'est gagné !

- Donne, je vais lui envoyer une photo moi, pas question qu'il te gâche le plaisir de le voir te voir arriver !

- Evidemment !

Tout en discutant, je piquais le portable de la jeune pré-mariée et prenais un photo de la housse vide de la robe. Re-manquant de tomber, je me rattrape à une chaise, ce qui fait rire une fois de plus la jeune femme, je range le téléphone et décide qu'elle est prête.

- Et surtout ne bouge pas hein ! dis-je en sortant de la pièce pour aller chercher ses parents.

Tout en adoptant la démarche je-ne-sais-ni-marcher-avec-des-talons-ni-avec-une-robe, je cours jusqu'à la chambre d'à-côté. Oubliant les bonnes manière, j'entre brusquement dans la pièce, ce qui fait sursauter sa mère.

- Il est temps d'aller voir votre princesse, déclarais-je dans un rire.

Je les guide jusqu'à la suite où la jeune mariée nous attend et ouvre tout doucement la porte. Elle a bien sûr bougé, j'aurais dû m'y attendre, et relève les yeux de son téléphone avec un petit air coupable.

- Tu n'as quand même pas parler à ton futur mari sans moi ! protestais-je.

Attrapant son téléphone, je le glisse dans ma pochette, alors qu'elle rit en promettant qu'elle n'était pas du tout prête à lui envoyer un message. Décidement depuis que ces deux là se sont trouvés, impossible de les séparer pendant plus d'une heure.

On arrive en un temps record, comme si tout était accéléré, au moment de la cérémonie. Rentrant dans mon rôle de demoiselle d'honneur, je me glisse auprès du marié, lisse ma robe et empêche à mes jambes de trembler et de me faire tomber.

- Est-ce que je peux te poser un question sur elle ? me demande le marié sans quitter la porte principale de l'église des yeux.

- ça dépend !

je n'ai rien le temps de dire, les porte s'ouvrent et dans un halo de soleil, comme irradiant elle-même sa propre lumière, la mariée entre dans la salle, au bras de son père. elle s'avance lentement jusqu'à l'autel, où gaspard manque de tomber dans les pommes, lui attrape une main et me décoche un sourire éblouissant.

- Seras-tu toujours là pour moi ?

- Oui mais à une condition, que tu sois toujours là pour moi.

- Marché conclu.

Other WorldsWhere stories live. Discover now