Les mots

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Je suis de ceux qui pensent qu'il existe différents types de mots. Ceux qui sont faits pour être écrits, ceux que l'on ne peut que lire, ceux qu'il ne faut pas prononcer, ceux qu'il faut dire, ceux qui blessent, ceux qui guérissent et rares, ceux qu'il faut chanter. Si nous ne respectons pas les mots, si nous passons outre les lois qui ont été données aux mots, alors ils perdent  leur force, leur magie,  leur sens, leur pouvoir. Elle est folle vous dites-vous. Non, je n'ai juste que trop souvent compris, après coup, la force des mots que je prononçais, j'en ai usé et parfois même abusé. Et je voudrais tenter de m'excuser auprès de tout ceux qui en ont subi les tords et les retords. Oh je sais que cela ne va pas suffire. Que les mots que je vais aujourd'hui ne vont pas effacer ceux d'hier ni prévoir ceux de demain. Mais, comme souvent, mes mots sont plus forts que moi.

Je ne suis pas bonne chanteuse, je ne peux vous offrir les mots qui se chantent. Je n'ai pas encore fait assez d'études pour guérir, même si j'ose espérer que parfois mes mots ont su aider. Je ne suis là pour blesser personne. Je ne peux pas vous parler directement. Mes mots vont donc être écrits, afin qu'ils soient pour vous ceux qu'il faut lire. Si ce n'est pas clair, ne vous inquiétez pas, nous ne comprenons pas toujours le sens de ce que les gens disent, nous ne comprenons pas toujours ce que nous lisons, mais nous finissons toujours par deviner ce qui nous échappe. J'espère que ce qui va suivre va vous plaire. Je l'espère parce que sont certainement les mots que je n'aurais jamais cru un jour pouvoir trouver pour dire quelque chose que jamais je n'aurais cru devoir, pouvoir expliquer. Le départ.

"Tu dis souvent que si je pars, ce n'est pour ne plus revenir, tu dis aussi qu'une fois là-bas je vais t'oublier. Que dès que je ne serais plus tout les jours à te parler, je vais te remplacer. Te remplacer par quelqu'un que tu imagines mieux, plus belle, plus drôle, moins chiante, peut-être même quelqu'un qui me comprendra mieux que l'on ne m'a jamais comprise. Je vais dire quelque chose de terrible. C'est tout à fait possible. Il n'est pas impossible que je m'en aille pour ne plus jamais revenir, que je te laisses là où toi tu m'as aidée, que je t'oublie. Il est possible que je te remplace, que quelqu'un d'autre vienne prendre la première place dans mon répertoire, cette même place que tu occupes fièrement depuis que l'on se connait. C'est possible. Tout en étant parfaitement impossible. C'est vrai qu'il est simple de dire les choses pour ensuite les oublier, de se promettre de se parler tout les jours et puis d'un jour oublier. Mais là ce n'est pas pareil. Je ne peux pas m'empêcher de, chaque fois, trouver quelque chose dans ma journée qui me fait penser à toi. Aujourd'hui, ça a été la formidable gamelle de ma sœur dans nos escaliers. Elle m'a fait penser à le fois où ça t'es arrivé à toi aussi. Tu avais mal, tu saignais, et moi je ne pouvais pas m'empêcher de rire, de me moquer gentiment. Et puis, même si je suis à trois heures de route d'ici, si quelqu'un tombe dans les escaliers, je ne pourrais pas empêcher ma mémoire de m'offrir l'image de ta petite bouille offusquée, alors que je riais quand toi tu souffrais. C'est tout con. Mais inoubliable. Alors non, je ne vais pas t'oublier, je ne vais pas te rejeter, t'abandonner comme d'autres ont certainement dû le faire. Je ne vais pas dire que je ne suis pas ce genre de personne, parce que je ne sais pas vraiment quel genre de personne tu vois en moi... Mais ce que je sais c'est que trois ans, c'est beaucoup trop long pour être oublié. C'est beaucoup de fous rire, autant de gamelles, de chutes, de gaffes, de bêtises, de souvenirs. Quelques films, une paire journée shopping, une boite à souvenir sur mon bureau, deux photos sur mon mur, une cinquantaine de citations collées un peu partout, un bouquin que tu m'as prêté, un autre que tu m'as offert, des dizaines de photos, de grands éclats de rire et des filtres snapchat qui font n'importe quoi. Il y a beaucoup de souvenirs qui sont liés à tant de choses autour de moi, dans d'actions, tant d'objets, que tu n'as rien à craindre. Même si j'essaie de me débarrasser de tout ce qui est relié à toi, il va rester ces livres que je t'ai prêté, d'autres que tu m'as fait lire, de bons films que je ne pourrais pas tout à fait oublier. Non, c'est idiot mais impossible. Et puis, si moi je t'oubliais, les gens autour de moi, ma famille, continuerait de penser à toi, de me faire penser de te dire les blagues qu'elle a entendu à la radio.

Je ne pensais pas que je pourrais trouver les mots qui sauraient exprimer ce que je ressens, mais ils sont pleins de ressources. Ils sont venus à moi, comme sortis tout droit de mon esprit et de mon cœur, avec plus de force et de vivacité que d'habitude. Je n'ai pas eu besoin de modifier des phrases. C'est venu comme ça, parce que ce n'est que l'expression d'une évidence.

Si je n'avais plus qu'un mot à dire, qu'une personne à qui penser et envoyer ce mot, je crois que ce serait toi. Parce que les mots que j'adresserais aux autres personnes seraient trop longs. Ce serait certainement un "je vous aimes" à ma famille, un rire facétieux accompagné d'un "Tu veux ma photo ?!" et d'un nouveau rire pour mes amis du lycée. Et pour toi ce serait un simple "Merci". Simplement parce que je n'ai pas besoin de te dire le reste, tu as prouvé que tu savais lire entre mes lignes. Ce que personne même lui n'avait jamais vraiment réussi à faire. Tout simplement. Tu lirais dans les écrits que je ne publierais jamais, parfois même dans ceux que je n'ai jamais écrit, combien j'étais reconnaissante.

Je ne t'oublie pas. A toi de voir si c'est quelque chose de positif ou quelque chose de négatif, parce que crois moi, tu n'as pas fini d'en voir des vertes et des pas mûres. Tu es sûre d'être prête à ça ? Quelque question ! Je te vois d'ici en train de rire et de te liguer, avec moi, contre les autres pour les embêter.

Je ne t'oublie pas. A toi de voir si je vais être seule avec mes souvenirs, ou si tu seras avec moi pour faire les mêmes bêtises, qu'une fois sorties de nos études respectives ( ce qui va prendre du temps avec les neuf ans qui m'attendent !) on appellera nos "bêtises de jeunesse".

Je ne t'oublie pas. Et je compte bien me rappeler à toi pour te faire rire quand ça va pas. Parce que tu l'auras fait avec moi.

Je ne t'oublie pas.

Merci."

Que dire d'autre ? Au départ, c'était un défi que j'ai reçu. Utiliser les mots "abandon", "éloignement" et "remplacement". J'avais le droit de les modifier, de transformer les verbes en adverbes et les adjectifs en nom. J'espère que ça ira, parce que j'y ai ajouté une touche plus que personnelle. Merci de m'avoir lue et bisous bisous !

H.

Other WorldsМесто, где живут истории. Откройте их для себя