Suite - Seule ?

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Les fracas de la mer en contrebas reprennent le monopole des sons environnants la jeune femme. Deux mains chaudes et calleuses glissent le long de sa nuque pour mettre ses cheveux d'un côté. Puis les mains effleurent le ventre rebondi de la jeune femme. Elle ne répond pas à la question implicite qui est posée et un visage se pose sur son épaule.
Elle pleure. Elle pleure à chaudes larmes, parce qu'après toutes ces années passées à être hantée par son souvenir, le voilà qui se présente alors qu'elle venait lui dire adieu.
Elle sait que si ses yeux se posent sur le visage parfait du garçon, elle va craquer. Retomber amoureuse d'un garçon qui lui a été arraché alors que ses souvenirs naissaient à peine. Alors elle ferme les yeux. Comprenant sa Liny comme elle n'a jamais été comprise, le jeune homme se détache d'elle et s'éloigne de quelques pas. Il s'assied, les pieds dans le vide.

- Lorsque je suis tombé dans l'eau, j'ai été aspiré vers le fond. La pression et toute l'eau qui menaçait de rentrer dans mes poumons m'ont fait perdre connaissance. Lorsque je suis revenu à moi, j'étais couché sur une pierre humide, dans le noir. J'avais perdu tout mes repères. Une minuscule tâche de lumière au-dessus de moi finit par m'apprendre que j'étais dans une grotte. J'ai attendu longtemps là, m'inquiétant de savoir ce que tu devenais. La marée est montée, et l'eau à menacé de m'engloutir de nouveau. J'ai donc décidé d'escalader la roche pour atteindre la lumière. Un premier palier sculpté dans la roche m'apprit que je n'étais pas le seul à savoir que les falaises étaient creuses. Au second palier, un escalier s'est ouvert à moi. J'ai alors cru à une cave de maison, qui aurait pris l'eau. Une première porte s'est présentée à moi. Puis une volée de marches plus tard, une seconde. Et une troisième avant que je n'arrive à la fin de l'escalier, face à deux portes. La lumière était encore si loin de moi alors que j'avais l'impression d'être monté si haut. J'ai pris la porte de gauche. Parce que à travers le battant je pouvais entendre la mer et les mouettes crier. J'ai ouvert la porte sur une minuscule pièce qui semblait avoir il y a longtemps servit de garde manger à en croire les étagères de bois qui meublaient la pièce. Il y avait une fenêtre. J'ai ouvert les battants.

L'homme se tait. Il sait que si Lindsey a envie de savoir la suite, de comprendre et peut-être même de l'excuser, elle lui demandera de continuer. Son coeur se serre lorsqu'il n'entend pour simple réponse qu'un sanglot étouffé. Il voudrait avoir un geste de réconfort pour elle, mais n'a jamais été à l'aise avec les larmes et respecte son choix de ne pas le regarder. Il sait qu'elle a un autre homme dans sa vie. Elle est enceinte. Elle réussit à résister longtemps. Et puis son amitié passée, sa curiosité et surtout la voix de l'homme qui la ramène dans ses moments les plus heureux ont raison d'elle. Elle s'avance de quelques pas et s'assied à ses côtés.

- Continue.

Il relâche alors un souffle trop longtemps retenu et continue.

- J'étais là.

Il pointait du doigt la dent. Surprise, elle ne peut s'empêcher de le regarder. Elle sent sa raison vaciller. Il est si beau.

- Dans la dent ?

- Absolument.

Il semble réfléchir, peser le pour et le contre une décision avant de se lever d'un bond. Il n'a rien perdu de sa prestance. Ni de son magnétisme. La jeune rousse ne peut pas se permettre une telle acrobatie. Pas dans son état. Elle se lève calmement. Mais il reconnaît dans chacun des gestes qu'elle fait une maîtrise et une souplesse qui n'appartiennent qu'à elle. Il attrape sa main sans prendre en compte le tremblement de la jeune femme.

- Tu me le présentera ? Demande-t-il avec un regard pour le ventre de la jeune fille.

- Il ?

- Ce sera un garçon. Je le sens.

- D'accord.

La réponse est brève. Mais elle porte avec elle autre chose qu'une simple approbation. Elle vient de lui avouer qu'elle lui avait pardonné ces années à le croire mort.

- Tu sais qui est le père ?

- Oui...

La réponse sonne comme un regret. Mais elle est aussi le début de son histoire à elle.

- Quand tu as disparu dans la mer, j'ai sauté aussi.

- Quoi ? S'exclame-t-il, le fait que la jeune fille aurait pu mourir étant inconcevable.

- Mais je ne suis pas morte comme toi. J'ai perdu connaissance, et la mer m'a poussée je ne sais comment vers un bateau de pêche. J'ai été remontée avec le poisson et emmenée d'urgence à l'hôpital. Je m'y suis réveillée deux semaines plus tard, un interne à mes côtés. Alexandre a été mon premier repère. On est devenu amis. Lui a obtenu ses diplômes de médecin et je me suis lancée dans la danse. On a finit par emménager ensemble. Et deux an plus tard, je découvre qu'il m'a trompée. Il y a les cris, la casse, les explications, les "pardon, je t'aime", et je me laisse embobiner. C'est reparti pour six mois. Un soir, il prétexte une réunion au l'hôpital, et mon sixième sens, celui qui t'as toujours étonné, hurle au mensonge. Je le file. Il fricote avec une médecin. La même que la première fois. Ils n'ont arrêté de se voir. Je rentre. Lui envoie un texto. "Je vais rentrer tard, ne m'attends pas, je t'aime" m'envoie-t-il. J'hésite à lui renvoyer une réponse cinglante. Une autre idée me vient. Je sors une malle, la remplie de toutes mes affaires, vais la mettre dans ma voiture, je remplis tout ce qui est à moi en sac, malles, valises, et même des sacs cabat, de tout ce qui m'appartient. Ça fait deux heures et demie qu'il est avec elle. Je n'ai pas grand chose, je me suis toujours contentée d'un rien. Une fois que j'ai tout remballé, je comble les vides avec ses affaires. Histoire que ma disparition ne soit pas trop évidente. Je lui renvoie un texto, pour lui demander s'il en a encore pour longtemps. Il me répond que la réunion est presque terminée, qu'il sera là dans trente minutes. Tout juste le temps pour finir et peaufiner ma disparition.

- Comment ça ? Veut-il savoir.

- Je déplace ma voiture et reviens me poster sur le balcon. Pour observer da réaction. Je le vois venir se garer, se recoiffer rapidement dans le rétro, avant de se composer un visage fatigué et d'entrer dans l'immeuble. Je suis face à la porte d'entrée, sur le balcon, dehors, mais il ne fait pas attention à moi. Il accroche sa veste, et traverse l'appartement sur la pointe des pieds. Il me croit endormie. Mais quand il ouvre la lumière de sa table de chevet et découvre le lit vide, il panique. Il m'appelle. Mon portable est dans la voiture. Il fait le tour de l'appartement et se rend enfin compte de la disparition de mes affaires. Plus de livres sur les étagères mais sa collection de voitures. Rien qu'à ça il sait que je suis partie. J'ai toujours trouvé que cette collection de petite voiture était bizarre. Il remarque aussi le livre qui est à moitié tiré, au milieu de ses bibelots. Il le feuillette et tombe sur la page que j'ai osé souiller. Une seule ligne. Surlignée en vert fluo. "...ne me doutais-je donc pas de sa trahison ? Il fallait être sincère, je le savais depuis le début...", rien d'autre pas de mots, de cris ou de casse. J'ai disparu.

- Et tu es allée où ?

- J'ai voyagé un peu partout avant d'échouer ici. J'avais découvert ma grossesse presque tout de suite. J'avais envisagé l'avortement mais n'avais su m'y résoudre. J'ai alors décidé de revenir là où j'avais connu mon premier homme. Pour lui faire un adieu avant de franchir les frontières, accoucher je-ne-sais-où, et voyager autour du monde.

- Je bouleverse tes plans ? Dit-il moqueur.

- Plus que tu ne le crois ! Lance-t-elle.

- On est arrivés.

Une jolie maison leur faisait face. En ruines, mal entretenue mais jolie.

- Qu'est-ce qu'on vient faire ici ? Dit-elle perplexe.

- C'est l'entrée du souterrain qui m'a permit de m'échapper de la Dent.

A suivre (re) 😉

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