Chapitre 3

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(média : George)

Chapitre 3

                D'un simple coup d'épaule, je pousse la porte, mon gobelet dans une main. Je jette inutilement un coup d'œil autour de moi et prends la direction du campus. J'ai une bonne vingtaine de minutes de marche avant mon cours de dessin industriel. Je prends une gorgée de mon thé et traverse la rue. De ma main libre, je remonte mon sac à dos sur mon épaule puis l'enfonce dans la poche de mon jean tout en repensant à la soirée du samedi soir, à ma nuit avec June... Et à l'engueulade à laquelle j'ai eu le droit le lendemain, de la part de Nolan et London qui, inquiets de ne plus me voir au club et de ne pas réussir à me joindre, s'étaient mis à vagabonder dans les rues aux alentours de la boîte jusqu'à ma résidence où bien sûr, ils ne me trouvèrent pas puisque j'étais dans le lit de June. Ou plus précisément, sur le sol, sur le canapé, sur le bureau et enfin dans le lit de June.

                Rien qu'avec ce souvenir, je retrouve le sourire qui m'a quitté depuis que j'ai repris mon boulot derrière le comptoir du Starbucks dans lequel j'ai travaillé toute l'année dernière. Ça me fait chier parce que c'est tout sauf agréable de travailler à Starbucks. Il faut aller vite, ne pas se planter, se souvenir de tout, nettoyer mais surtout, le plus dur pour moi, être aimable avec la clientèle peu importe ce qu'elle dit ou fait. Je déteste cette impression – qui n'est pas qu'une impression d'ailleurs – d'être un serviteur, d'être un larbin, d'être ni plus, ni moins qu'un esclave. Je renifle, mécontent mais je suis totalement coincé. Si je n'ai pas ce job, je ne peux pas me nourrir. J'ai eu la chance d'obtenir – sans trop savoir comment – une bourse grâce au foot, bourse qui prend généreusement en charge les frais de scolarité et d'hébergement mais pas la vie quotidienne.

                J'évite un gamin en skateboard, esquive le sac à main d'une vieille et me baisse au dernier moment pour pouvoir passer sous un canapé. New-York est vraiment une ville hors norme, bruyante, immense, excentrique et quoique je dise à ma famille ou mes amis, je ne me sens pas à ma place ici. C'est trop pour moi. Beaucoup trop et je compte les jours qui me séparent de mon retour chez moi, dans la campagne anglaise. Parce que oui, il y a des jeunes qui ne rêvent pas de grande ville, de réseaux sociaux et de transports en communs. Je détestais tout ça avant mon arrivée ici et je détesterai toujours tout ça à mon départ. Peut-être même plus parce que je connais à présent. Je connais même par cœur cette île de Manhattan et je la déteste. Si je suis là, c'est pour Nolan et pour que je tienne le coup, je me répète son prénom plusieurs fois dans ma tête. Ça m'aide à supporter ces klaxons, ces cris, ces voitures, ces musiques, ces ambulances, ces vies autour de moi...

                Je dépasse sans vraiment la voir la 104ème rue et continue encore et toujours mon chemin. Le problème dans mon super plan de suivre mon abruti de meilleur ami ici, à New-York, c'est que contrairement à lui, je n'ai aucun talent artistique – c'est un crack de la guitare. Je dessine un peu, assez pour me permettre d'esquisser des bidules qui ressemblent à des bâtiments et ainsi faire Architecture comme études mais rien. La danse, comme je l'ai déjà dit il me semble, c'est hors de portée. Je n'ai pas l'oreille musicale. Je ne saurais pas distinguer un Do d'un Fa, alors la musique et l'apprentissage d'un instrument... c'est hors de portée. Jouer la comédie ? J'ai beau savoir mentir et embobiner des belles filles, ça ne fait pas de moi un acteur capable de se produire devant un public... Hors de portée. Il doit bien y avoir d'autres trucs mais je m'en fous.

                Tout ça pour dire que Juilliard ne m'ouvrait pas vraiment les bras alors j'ai dû m'inscrire dans une autre université. A partir de là, c'est parti un peu en cacahuète. Ma mère et mes sœurs, Lauren et Faith, m'ont lancé un défi... Encore un... Postuler à Columbia. Je pense qu'elles espéraient que j'échoue lamentablement pour que je reste en Angleterre auprès d'elles. Manque de pot pour elles – et pour moi par la même occasion – ils m'ont accepté. Et je me retrouve ici à Columbia, à ne voir mon meilleur ami que trois fois dans la semaine et encore quand j'ai de la chance. Mon plan avait réellement des ratés ! Mais il est hors de question que j'abandonne et que je rentre en disant à ma famille – surtout à Faith – qu'elles me manquent et que je suis plus heureux avec elles. Je préfère avaler de l'arsenic plutôt que d'avouer ça.

for him. - idy 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant