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Luc Chatel, Ministre des affaires sociales

Plus peut-être que mes collègues du Gouvernement, je suis un Ministre chanceux, le Premier Ministre des Affaires Sociales dont la mission chaque année, à l'heure de la construction des budgets, a été de décider de la meilleure affectation des marges budgétaires nouvelles de la Sécurité Sociale alors que mes prédécesseurs devaient décider de nouvelles coupes franches pour maîtriser à un niveau acceptable le fameux « trou de la Sécu ». 100 milliards d'euros de recettes supplémentaires pour l'exercice en cours, 2022, par rapport à 2018. Même avec une rétrocession de 57 milliards de TVA au budget de l'Etat, c'est 43 milliards de moyens supplémentaires, soit une augmentation du budget de la Sécurité Sociale de 10 %, qui permettent le meilleur remboursement des soins ophtalmologiques, des prothèses dentaires ou auditives et la consolidation de la Sécurité Sociale, réalisés avec Marie-Pierre de la Gontrie, la lutte contre la désertification médicale, le plan autisme ou le plan dépendance avec Nora Berra. Ce sont des fiertés pour moi et des réalisations que je sais unanimement appréciés des Français. Pour cela, merci, merci plusieurs fois à Valérie Lubrioli d'avoir rendu cela possible et de m'avoir confié ces défis formidables.

Mais ma plus grande satisfaction est ailleurs, dans une volonté exprimée par la Présidente en 2018 quand nous avons commencé à travailler avec mes collègues du Gouvernement sur les plans de rénovation des services publics et les avancées de la Sécurité Sociale rendus possibles par le retour de la croissance. Tous ces programmes étaient dans le programme de la candidate d'ECO2 et constituaient donc des priorités. Pourtant, quand il s'est agi de plancher sur la préparation du budget 2019 avec des propositions de nouveaux investissements ou dépenses se chiffrant en dizaines de milliards d'euros, Valérie Lubrioli a justement fait le constat qu'il n'était pas possible de rénover les prisons, de lancer la construction d'un nouveau porte-avions ou d'améliorer le remboursement des prothèses dentaires, quand bien même ces projets étaient justifiés et devaient être faits, tant qu'il y aurait dans nos rues des personnes qui n'ont même pas le minimum. Elle nous dit avoir toujours pensé ainsi mais qu'elle avait occulté ce sujet de sa campagne, déjà trop pleine de messages, craignant que la sincérité de sa proposition soit alors mise en doute. Maintenant, elle était au pouvoir et elle disposait des moyens : il ne pouvait y avoir d'échappatoire.

C'est cette mission - ramener dans la vie des personnes qui ont beaucoup souffert et qui se sont résolues, fatiguées, désabusées, résignées, à se retirer en lisière de la société française pour attendre, attendre tout simplement que le temps passe – que la Présidente m'a confiée. La mission qui m'a le plus marqué. La plus difficile, la plus délicate aussi car ces personnes étaient abîmées, très abîmées. Et il s'agit justement de personnes, pas d'une matière malléable. Pas de plan conçu en cabinet à Paris et décliné ensuite nationalement. Du sur-mesure au contraire avec les équipes de terrains, les professionnels et les associations. Un projet dévoreur de temps comme je n'en ai jamais connu. Mais quels résultats ! Denis est l'un d'eux. Après sept ans dans la rue, il est aujourd'hui jardinier dans l'entreprise qui s'occupe, notamment, de l'entretien de plusieurs ministères. Il y a aujourd'hui déjà plus de quatorze mille Denis qui ont retrouvé un travail et un toit ; nous visons cinquante mille de plus à l'horizon du prochain quinquennat : deux tiers des SDF auront alors été réintégrés dans la Vie.

C'est un plan Marshall qui a été mis en œuvre avec 27.000 nouvelles places d'hébergement permanente créées depuis 2018 dont 6.000 en CHRS (Centre d'Hébergement et de Réinsertion Sociale) avec une formule originale pour le déploiement rapide : la réquisition ou le rachat d'hôtels premier prix, comme les Formule 1 dont on a tant parlé. Pas le grand confort comme certains ont pu le dire, juste le minimum – une chambre minimaliste, ses sanitaires et une cuisine partagée - qui n'incite pas à rester pour la vie mais le temps de se retaper et de se reconstruire avec l'aide de l'antenne de réinsertion installée dans chacun de ces centres. Et puisqu'il faut ne pas hésiter à être trivial pour se faire comprendre parfois, même si c'est d'homme dont il s'agit ici, une solution plus rationnelle économiquement que la location de chambres d'hôtels.

Ce mauvais débat de l'assistanat qu'ont voulu lancer certains n'avait pas lieu d'être avec Valérie Lubrioli.

Son idée était bien d'aider à reconstruire pour ensuite réinsérer, réinsertion voulant dire travailler. Elle aime cette parabole qui dit que si l'on veut aider quelqu'un, il vaut mieux lui apprendre à pêcher que de lui donner le poisson dont il a besoin pour se nourrir. C'est ce que nous avons fait, en acceptant l'idée que ce retour prenait du temps, six mois dans le meilleur des cas, quand la personne a déjà un travail ; deux ans lorsqu'il s'agit préalablement de se requalifier ; jamais hélas pour certains trop atteints physiquement. Difficile, long, parfois impossible mais la réinsertion professionnelle devait être la solution durable pour la plupart des anciens SDF. Que n'a-t-on entendu aussi à ce sujet ! Les mêmes critiques que celles auxquelles nous avons eu droit avec notre réforme du RSA qui demande au bénéficiaire de travailler en contrepartie de l'allocation perçue.

Autre phantasme, ce plan devait attirer les migrants et provoquer un afflux d'immigration supplémentaire. Comme si on avait déjà vu des jeunes de vingt ans franchir les frontières pour satisfaire leur aspiration : vivre une vie désœuvrée dans une chambre d'hôtel !

Quoi qu'il en soit, la cible de notre plan était les SDF de nationalité française et ceux d'origine étrangère remplissant les conditions d'un maintien sur le territoire, les migrants en situation irrégulière pouvant pour leur part être hébergés dans des centres temporaires en cas d'urgence s'ils n'avaient pas déjà été pris en charge par les CAD ou les CAT du plan migrant mis en œuvre par le ministère de l'Intérieur.

Quatre cent cinquante millions d'investissement ont été consacrés à ce plan, deux cent dix millions pour le fonctionnement chaque année. Au regard de la richesse retrouvée de la France, c'est a posteriori bien peu. C'était en revanche une immense obligation morale. Au vu du résultat, c'est une énorme satisfaction. Nous n'avons fait qu'une partie du chemin mais nous sommes bien engagés dans la résolution de cette souillure, cette honte pour le plus beau pays du monde, bientôt la troisième puissance économique du monde, l'errance d'hommes, de femmes, d'enfants dans nos rues.

A ma connaissance, Valérie Lubrioli est la première à rendre réelle cette utopie.


NAO, Dictionnaire amoureux du quinquennatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant