J - Japon

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Chantal Jouanno, Secrétaire d'Etat au sport

La Présidente considère le sport comme une activité essentielle pour le bien-être physique et mental et bien que pour sa part, elle suit le précepte de Churchill « No sport ! », elle a veillé à la revalorisation des enseignements sportifs dans l'enseignement et notamment dans l'enseignement supérieur ; en témoigne la place accordée aux équipements sportifs sur les nouveaux campus universitaires. Elle n'est pas sportive mais sait être supportrice dès lors qu'il y a un enjeu, un Français en passe de gagner un titre ou une médaille, une équipe nationale dans un match officiel. Elle est même assez éclectique. Dès lors qu'il ne s'agit pas de football !

Je me souviens encore de sa réaction après la qualification de la France pour les 8e de finale de la coupe du monde de Russie en juin 2018.

- Chantal Jouanno : Vous devez être contente du résultat d'hier. Avec la victoire contre la Biélorussie, la France a passé le premier tour et est qualifiée pour les 8e de finale.

- Valérie Lubrioli : "Les Bleus" ! La France n'est pas en short sur la pelouse.
                     Je voulais que les Bleus aillent en Russie, c'est fait. Les media ont regardé vers l'Est pendant huit mois et le café du commerce a plus commenté les chances des Bleus que celles de voir la courbe du chômage s'inverser rapidement. Maintenant, il faudrait que cela s'arrête avant que je ne sois obligée de faire la bise à Benzema. Le cauchemar !

Elle n'aura pas à eu faire la bise à Benzema, « les Bleus » ayant été battus au match suivant.

En revanche, le rugby, une exception, la Présidente s'y intéresse vraiment. Lors de la coupe du monde de rugby au Japon du 20 septembre ou 2 novembre 2019, la France fait un parcours superbe et la Présidente fait régulièrement mention de l'avancement de compétition et des chances des Français. Le 13 octobre, la France finit 1ère se son groupe et rencontre une semaine plus tard l'Angleterre en quart de finale et la bat ! Nous sommes dimanche mais elle m'envoie plusieurs SMS en cours de match pour me faire part de ses remarques et elle en parle à tous ses visiteurs le lendemain. Le 26, la France bat l'Australie en demi-finale et le soir-même, la Présidente m'appelle pour me demande de finaliser avec Alain Juppé le déplacement au Japon, départ le lendemain ! Elle avait aménagé son emploi du temps de cette semaine au cas où, avec des obligations qui pouvaient être reportées. Via l'ambassade de France au Japon, la possibilité de ce déplacement a été discutée avec les autorités japonaises et des principes arrêtés au cas où la Présidente déciderait de partir au Japon pour assister à la finale.

Je suis assez surprise car elle ne m'avait jamais laissé entendre qu'elle envisageait d'assister à la finale. Elle me dit qu'elle avait espéré la victoire en ½ finale mais qu'elle avait jugé qu'elle ne pouvait pas y assister, le risque d'une défaite de l'équipe de France était possible ; en sa présence, la défaite serait devenue un peu plus celle de de la France. Maintenant que la France était en finale, il paraitrait normal que la Présidente de la République fasse le déplacement ; quel que soit le résultat. C'était l'occasion aussi de retrouver Philippe et Lorraine (son mari et sa fille). Je n'ai pas compris sur le coup. C'est dans l'avion que j'ai eu l'explication. Tandis qu'elle me montrait, sur son iPad, des photos de son mari au match France-Angleterre en 1991 :

- Valérie Lubrioli : Philippe, le soir du match au Parc des Princes le 19 octobre 1991 lors de la coupe du monde. Ce grand costaud, militaire, avait pleuré quand l'équipe de France s'était fait battre, chez elle, par ces « damnés Anglais » ! Il est reparti la semaine suivante en Afghanistan. Il n'aura jamais su que les Anglais s'étaient fait battre à leur tour chez eux. En finale. Et c'est au pays de Lorraine que la France va peut-être gagner sa première coupe du monde...

- Chantal Jouanno : Au pays de Lorraine ?

- VL : Lorraine et le Japon ! ... Une passion. Un pays que j'ai découvert par les blogs qu'elle tenait quotidiennement pour résumer ses périples quand elle y était. Trois séjours. Trois moments heureux. Loin de moi. Je n'ai jamais donné suite à ses propositions répétées d'y aller ensemble. J'avais peur d'encourager cette vocation de mangaka, aléatoire selon moi. De conforter cette passion pour ce pays si loin, à dix mille kilomètres ... de moi. J'aurais tant aimé visiter Kyoto avec elle, me déguiser en geisha, participer à la cérémonie du thé, donner à manger aux daims de Nara. Je vais le faire maintenant.

Arrivées au japon, nous nous séparons, la Présidente s'est organisée un voyage privé jusqu'à samedi où nous retrouverons pour un déjeuner avec le Premier Ministre japonais avant qu'elle intervienne devant la Diète dans l'après-midi et, bien sûr, le match le soir. Je connais son itinéraire, elle me l'a décrit dans l'avion : ce sont les étapes de Lorraine quelques années plus tôt. Lundi Tokyo ; mardi Kyoto avec une excursion à Nara pour donner à manger aux daims ; jeudi Hiroshima ; vendredi, retour à Tokyo. Tandis que les media ont été tenus à l'écart et ont reçu consigne de ne pas la suivre, les media japonais, avec discrétion et tact, relatent certaines de ses visites, notamment à Hiroshima mais aussi, plus léger, Nara.

Quand je la retrouve au Sõri-daijin Kantei, la résidence du Premier Ministre japonais, la Présidente me dit qu'elle a passé une semaine merveilleuse ; qu'elle a renoué les fils coupés il y a presque quatre ans.

Apaisée mais pour autant pas ramollie. L'après-midi, lors de son discours au Parlement, elle ne manque pas de condamner la chasse à la baleine que les Japonais continuent de pratiquer sous couvert de « prélèvements scientifiques ».

Et le soir, bien que dans la loge officielle aux côtés du Premier Ministre Néo-Zélandais, elle ne feint pas d'avoir du recul avec l'événement : elle est partisane, elle soutient l'équipe de France, râle aux mauvais gestes, exulte aux actions françaises, bondit aux points tricolores ! Ce n'est pas Chirac au stade de France pour la finale de 98 ... Pour la Présidente, ce soir doit être le tour de la France ; d'abord, parce que les Néo-Zélandais ont déjà gagné trois fois le titre alors que la France n'est parvenue que deux fois en finale, à chaque fois battue par la Nouvelle-Zélande ! Ensuite, parce que la deuxième fois, il y a huit ans, à la coupe du monde organisée chez les Néo-Zélandais, la France ne s'était inclinée que d'un petit point, 8 à 7. Ce soir, c'est sûr pour elle, c'est la revanche !

Et elle a raison ! 17 à 15 pour la France ! Championne du monde ! Au bout du monde !

Je garde précieusement la photo où la Présidente et moi sommes entourées par toute l'équipe sur la pelouse du stade et celle, heureusement prise hors la présence des télévisions et des journalistes, ou nous deux, petits bouts de femme, sommes soulevées par le pack de l'équipe de France !

Qui sait si son soutien, son assurance, sa confiance qu'elle a partagés avec eux dans les vestiaires avant le match n'a pas aidé ces gaillards. Je veux le croire, je l'ai ressenti.


NAO, Dictionnaire amoureux du quinquennatKde žijí příběhy. Začni objevovat