L - Licornes

1 0 0
                                    

Edouard Philippe, Secrétaire d'Etat aux entreprises

Nous savons maintenant depuis trois mois que Valérie Lubrioli ne rempilera pas pour cinq années supplémentaires mais ce n'est pas, maintenant que les affaires publiques sont remises en ordre, parce qu'elle ne s'intéresse plus à la France et à son avenir. Je n'ai jamais côtoyé un responsable politique plus impliqué dans la préparation de l'avenir qu'elle. Préparer la France pour la génération à venir. Vingt ans, voilà l'horizon auprès duquel elle a cherché l'inspiration de la transition agricole, la transition énergétique, le programme de formation aux langues étrangères, le plan universités ... et le plan Licornes.

Elle était convaincue que la France pouvait être sur le podium dans toutes les disciplines et en voulait pour preuve notre performance réelle dans le domaine des nouvelles technologies, le web, l'économie collaborative ou l'IOT. Sous l'étendard de la French Tech, la France était le pays le plus représenté au CES de janvier (le grand salon des nouvelles technologies) après les Etats-Unis, mais la manifestation se tient à Las Vegas. 1000 à 1500 start-up se créaient tous les ans à Paris, la capitale devenant ainsi, selon PwC, la première des villes mondiales en matière de capital intellectuel et d'innovation et, une fois nées, les jeunes pousses françaises se classent parmi les plus performantes, loin devant l'Allemagne et le Royaume-Uni par exemple.

Et pour autant, aucune GAFA française, aucune entreprise capable de rivaliser avec Google, Apple, Facebook ou Amazon. A un moment de leur développement, nos pépites s'expatriaient ou se faisaient racheter pour continuer leur développement qui devenait alors américain dans la plupart des cas. Principale cause : le système de financement en France capable d'accompagner les besoins encore modestes des start-up mais incapables d'accompagner les besoins rendus nécessaires par leur développement quand ces entreprises ambitionnaient de devenir des Licornes (1 milliard de dollars de valorisation), besoins qui s'expriment alors en dizaines, en centaines de millions. En Europe, c'est du Royaume-Uni que provenaient la plupart des licornes (près de la moitié, notamment Shazam, PokerStars, et Asos). Suivaient la Suède (Skype, King, Spotify...), l'Allemagne (Zalando...), la Russie (VKontakte, Yandex...) et la France ne se plaçait qu'à la cinquième position (Vente-privee.com, Criteo, BlaBlaCar).

Le potentiel existait pourtant et d'ailleurs certaines entreprises réussissaient de belles levées de fonds comme Deezer avec 100 millions, Sigfox 100 millions, BlaBlaCar 177 millions, Showroomprive.com 256 millions ! Il fallait amplifier ce mouvement, transformer plus de pépites en Licornes.

D'abord, mobiliser l'épargne privée. La fin des avantages fiscaux du PEL, LEL, du livret A ou de l'assurance vie en 2018 ont permis de ramener vers le financement des entreprises une épargne qui était stérile, même pas utilisée pour la construction de logements ; 518 milliards d'euros étaient ainsi « gelés » et le nombre d'actionnaires individuels était tombé à 7% contre 15 % dix ans auparavant.

Ensuite, impliquer aussi la puissance publique. En complément de l'action de la BPI pour le financement des start-up et le premier accompagnement, nous avons créé un nouveau fond, géré par la BIP aussi, concentré sur ces futurs poids lourds. La première année, le « Fond Licorne » a été doté de 1 milliard d'euros (issu des recettes de privatisation) et progressivement augmenté jusqu'à représenter 1,8 milliards cette année.

Les banques et autres investisseurs institutionnels sont venus naturellement abonder les financements de la BPI, intéressés par ces nouveaux placements prometteurs alors que leur activité de prêt à l'Etat et aux collectivités locales s'était tari avec la règle d'or interdisant le déficit et que les entreprises recouraient en priorité à l'autofinancement, leurs marges restaurées leur permettant. L'appui de la banque et des zinzins a naturellement considérablement renforcé la capacité de la France à financer le développement de ses Licornes au point que nous sommes aujourd'hui le pays, hors Etats-Unis qui réalise les plus grosses opérations.

Nous avons semé depuis trois ans, il faudra encore attendre pour la moisson mais déjà on peut constater que les sociétés financées sont restées en France avec leur siège social mais aussi les fonctions à forte valeur ajoutée, marketing ou R&D notamment. Les créations d'emplois se comptent chez la plupart en dizaines, rarement encore en centaines ; lorsque elles seront devenus nos GAFA à nous, j'espère bien que l'unité de compte sera le millier !


NAO, Dictionnaire amoureux du quinquennatWhere stories live. Discover now