XIII

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"Il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous. »
-Paul Elouard

Théa

C'est la douleur qui s'est confortablement installée dans ma tête qui me réveille. Il me faut quelques instants pour me souvenir de ce qui s'est passé et lorsque tout me revient enfin, une panique sourde éclate dans ma poitrine.

Je brûlais.

Il y a encore quelques minutes, j'étais attachée sur un bûcher, huée par une foule en liesse et je commençais à prendre feu, mais maintenant où suis-je ? J'ouvre les yeux avec difficulté sur une lumière froide et vacillante, mes mains trouvent des draps fins et rugueux, ma tête est enfoncée dans un oreiller plat et inconfortable. Je suis seule dans une petite chambre aux murs d'un vert délavé mais j'entends de l'agitation derrière la porte. Je suis dans un hôpital, pas de doute. Malgré moi, mon rythme cardiaque s'emballe.

Je me relève difficilement et commence par vérifier que mon corps de porte aucune marque de brûlure et que tous mes orteils sont à leur place. Une fois que je suis assurée que toutes les parties de mon corps sont en bon état et non carbonisées, je pousse mes jambes lourdes et douloureuses à se diriger vers la fenêtre sur ma droite. Je tire alors le rideau bleu d'un coup sec et pendant un instant, j'ai peur de voir des ombres s'abattre sur moi ou, pire encore, un bûcher mais au-delà de la vitre sale ne se trouve qu'un parking presque déserté.

Je ne dois peut-être plus craindre mes démons intérieurs mais les médecins, eux, pourraient bien me renvoyer en enfers. Elias leur a-t-il tout expliqué ? Leur a-t-il dit que j'entendais des voix et que je m'évanouissais sans cesse depuis quelques temps ? S'il l'a fait, il ne faudra pas vingt quatre heures avant que je ne revoie le portail de Saint Mathurin. Retour à la case de départ.

Si les choses continuent à se dérouler ainsi, je vais finir par me rendre moi-même à l'hôpital psychiatrique. Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ? Je pourrais presque accepter le fait que j'entende des voix qui me guident vers de parfaits inconnus mais avoir des visions aussi puissantes que celles de la nuit dernière ? Non, c'est définitivement trop pour moi. Je ne sais pas ce qui s'est passé après que la voiture d'Elias se soit engagée sur la route quittant le lac mais une chose est sûre, ce que j'ai alors subi m'a semblé parfaitement réel. La terreur, la douleur, la panique, je ne les ai pas rêvées. Je les ai ressentis au plus profond de moi, dans chacun de mes os. D'ailleurs, si je ferme les yeux, je peux tout revoir et tout ressentir encore et encore. Une chose est sûre, je ne peux parler de ça à personne.

A l'instant, où mon corps fatigué entre à nouveau en contact avec le lit inconfortable, j'entends la voix d'Elias en provenance du couloir.

—Laissez-moi la voir, je dois lui parler, supplie-t-il.

Je ferme les yeux et glisse lâchement la couette sur mon visage, me préparant à une nouvelle confrontation. Evidemment, il va exiger de ma part des explications. Encore.

—Calmez -vous, ce n'est pas comme ça qu'ils vous laisseront entrer.

Je rabats la couverture d'un seul coup et me redresse dans mon lit, aux aguets. C'est la voix de Julia, j'en suis persuadée. Que fait-elle ici ? Comment a-t-elle retrouvée Elias ? A-t-elle réussi à convaincre les infirmières de ne pas me renvoyer à Saint-Mathurin ?

Je n'ai pas le temps d'attraper un pull pour camoufler l'horrible blouse d'hôpital dont on m'a habillée, que la porte s'ouvre violemment pour laisser entrer Elias. Ses vêtements sont froissés comme s'il avait dormi dedans et ses cheveux entièrement décoiffés mais ses yeux, bordés de cernes violettes, semblent plus pourtant éveillés que jamais. Je connais ce regard, c'est celui d'un enfant qui découvre une montagne de cadeaux au pied du sapin de Noël le 25 décembre.

NoxOn viuen les histories. Descobreix ara