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" I walked out, I said, I'm setting you free. But the monsters turned out to be just trees. "

- Taylor Swift, Out Of The Woods.

Théa

Aujourd'hui, je retrouve ma liberté. Après plus de mille jours coincée dans cette prison, je vais revoir le soleil et le ciel bleu. Je vais retrouver la sensation du vent dans mes cheveux et l'odeur de l'herbe coupée. Je vais revivre.

Le matelas gémit alors que je me relève et que je glisse mes jambes hors des draps blancs et froids. Mes pieds nus touchent le béton glacé tandis que je fouille la pièce du regard. Les mêmes murs gris et vierges, la même petite fenêtre obstruée par des barreaux et au-delà, un monde qui m'est interdit depuis bien trop longtemps. La pièce est aussi dénudée et misérable que lorsque je suis arrivée il y a trois ans et à l'idée de ne plus jamais la revoir, un sentiment de triomphe s'empare de moi.

J'ai réussi. J'ai survécu.

Dans quelques heures, je franchirai le sinistre portail de Saint-Mathurin et je pourrai m'enfuir loin de cet endroit, laissant tout mon passé derrière moi. Les trois dernières années s'effaceront et ne seront plus qu'un mauvais souvenir. Toutes ces personnes qui m'ont fait du mal, qui ont cru qu'elles pourraient m'utiliser et me séquestrer ne me retrouveront pas.

Je me répète le même discours en boucle tandis que le soleil se lève à l'horizon, ses rayons dorés jouant sur le feuillage orangé des arbres et effaçant toute la laideur du monde pendant quelques précieuses minutes. J'ai toujours aimé l'automne, ses couleurs, ses bruits, le sentiment de tranquillité qu'il dégage.

Pour la première fois depuis bien longtemps, je me sens sereine. Aujourd'hui, je n'aurai pas peur de quitter mon lit et d'affronter d'autres personnes. Peut être est-ce l'idée de retrouver ma liberté qui m'emplit ainsi de courage ? Ou peut être est-ce juste parce que l'on n'a pas vu le soleil dans la région depuis une éternité ?

Saint-Mathurin est enfoui au beau milieu de la campagne. Ici, le ciel n'est qu'une énorme couverture opaque qui vous donne l'impression d'étouffer. Les paysages vallonnés rappellent les dunes du désert, à l'exception qu'elles sont couvertes de verdure, de champs et de bois. Je ne pourrais pas décrire la région plus précisément car je ne vois rien d'autre de la fenêtre de ma chambre. J'imagine que tout le pays est identique : une immense étendue d'herbe et de feuillage. Est-ce que ça me plait ? Je n'en suis pas vraiment sûre mais je dois bien avouer que ça a un côté reposant et calme, parfois même trop calme. Le bâtiment en lui-même est un véritable cliché pour un institut psychiatrique : tout y est froid, vieux et gris. En réalité, l'endroit ressemble plus à un château hanté qu'à un hôpital.

—Théa, il est l'heure d'aller déjeuner, me dit-elle.

Je sursaute au moment où Julia, mon infirmière, ouvre la porte de ma chambre. Elle passe sa tête par l'embrasure de la porte et me sourit, arborant son habituelle bonne humeur.

Même si je n'en montre rien, je suis soulagée que ce soit elle qui s'occupe de moi aujourd'hui. Elle est de loin ma personne préférée ici, la seule que je ne fusille pas du regard à chaque fois qu'elle m'adresse la parole. Avec ses jolies boucles rousses, son visage en forme de cœur recouvert de tâches de rousseur et ses mains douces, Julia est ce qui s'est rapproché le plus d'une figure maternelle pour moi au cours des huit dernières années. Non que je sache ce que signifie avoir une véritable mère, mais je suppose que ça doit ressembler à ça.

Je me traine jusqu'au réfectoire, l'esprit déjà à des centaines de kilomètres d'ici. Julia m'apporte alors mon plateau déjeuner et, tandis qu'elle le dépose devant moi, elle passe sa main dans mes cheveux sales et emmêlés. Elle me sourit d'un air triste et je tente de lui rendre la pareille mais mes lèvres semblent avoir oublier comment procéder.

NoxWhere stories live. Discover now