IX

2.4K 304 45
                                    

"I am the battlefield."
- Rick Yancey, The fifth wave.

Théa

-Alors, vous me croyez ?

Ma voix n'est qu'un murmure mais dans le silence absolu de la pièce, elle me semble bien trop forte.

Sous la table, je tords nerveusement mes mains pour empêcher leurs tremblements. Le bruit régulier de l'horloge s'insinue dans le tourbillon de mes pensées. Mon souffle est court, ma nuque tendue. Ma tête emplie de chuchotements.

Evite de t'évanouir maintenant Théa, ce serait préférable.

Je ferme les yeux et m'efforce de les faire taire. Si je me concentre suffisamment, j'arrive à les tenir éloignées pour un petit moment. Ca demande du temps et de l'énergie mais j'en suis capable. Je ne veux pas les supporter maintenant, je ne peux pas...

-Arrête.

Je rouvre les yeux et immédiatement elles reviennent. Je sens leurs souffles contre mes tempes, leurs présences parasites dans ma tête.

-Ne les repousse pas, Théa.

Julia me fixe de l'autre côté de la table, ses petits doigts resserrés autour d'une tasse de café fumant. Dans la lumière matinale, ses cheveux roux forment un halo de feu autour de son visage. Elle ressemble à un angelot sorti d'une toile du dix-septième siècle.

-Donc, vous me croyez ? je demande d'une voix toujours hésitante.

-Evidemment, ma belle.

Son regard n'exprime que de la douceur, peut-être aussi un peu de pitié, mais je n'y vois aucune trace de dégoût ou de peur. Ce n'est pas normal, elle devrait réagir comme mon père. Elle devrait s'enfuir en courant, en m'hurlant que je suis folle et non me considérer avec autant de gentillesse.

-Comment pouvez-vous rester aussi calme? Après tout ce que je vous ai raconté...

Je n'arrive pas au bout de ma phrase. Je suis incapable de rassembler mes pensées avec le chahut qui règne dans ma tête. C'est infernal, je veux les faire taire.

-Je l'ai cru, elle. Alors, pourquoi pas toi ?

Elle penche son joli visage sur le côté et un voile de nostalgie recouvre son regard.

-Elle ? Julia, je ne pense pas être capable de supporter une énigme aujourd'hui.

-Cette chère Alice Lefèvre... murmure-t-elle.

Je me redresse sur mon siège, aux aguets. Son nom danse devant mes yeux, explosent dans mes oreilles, se glisse dans ma cage thoracique. Alice Lefèvre.

Maman.

Ces quelques lettres flottent un moment dans mon esprit avant de disparaître. Je ne peux plus la considérer comme ma maman, elle n'est plus que ma mère, la femme qui m'a mise au monde. Elle m'a lâchement abandonnée, je ne dois pas l'oublier.

-Vous la connaissiez ?

Un millier de questions me brûlent la langue mais je me fais violence pour n'en poser aucune, .

-Alice était une personne exceptionnelle, tu lui ressembles beaucoup.

-C'est faux, je rétorque immédiatement.

Julia ignore ma remarque et continue :

-Nous étions amies, il y a longtemps.

-Elle n'avait pas d'amis. Il n'y avait que mon père, elle et moi.

NoxWhere stories live. Discover now