Avril 1645

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Chère Eléonore,

Votre façon de former les lettres est charmante, je ne m'en moquerais pour rien au monde.

Votre missive m'est parvenue mais vous ne pouvez imaginer ma déception lorsque j'ai aperçu le visage de votre petit frère et non le vôtre à notre lieu de rendez-vous. Mon seul réconfort fut ses yeux. Ils sont exactement de la même couleur que les vôtres,  vous le saviez ? La couleur du ciel avant un orage violent, celle des nuages imprévisibles emplis de pluie fraîche.

Vous ai-je déjà dit à quel point j'aimais vos yeux ? Et à quel point j'aimais votre prénom ? Ai-je seulement mentionné le fait que j'aime absolument chaque parcelle de vous ? Oh, ne levez pas les yeux au ciel, Eléonore. Chaque phrase, chaque seconde est comptée, nous le savons tous les deux. Laissez moi vous dire tous ces mots que je n'ai pas eu le courage de vous murmurer plus tôt et qui pourtant, ne me quittent plus depuis que je vous ai rencontrée. Ces mêmes mots que je ne voudrais chuchoter à l'oreille d'une autre pour rien au monde.

Je vous mentirais en affirmant regretter nos nuits passées ensemble. Ces moments, je les chérirai jusqu'à ce que ma mémoire me fasse défaut et là encore, soyez sûre que ma peau et mon cœur se souviendront de vous. Vous avez laissé des traces indélébiles partout où vos mains se sont posées et des vides immenses là où elles ne l'ont pas fait. Les années et la vieillesse ne pourront tout simplement jamais les effacer.

Ma plus grande peur était de vous voir regretter ces moments privilégiés. Qu'aurais-je donc fait si vous m'en vouliez ? Je ne peux supporter l'idée que vous ne m'aimiez plus, Eléonore. Ceci est probablement très égoïste et prétentieux de ma part, je le sais, mais je préfère être honnête avec vous. Vous êtes la première personne à avoir réellement compté, la première personne dont la perte aurait pu m'effrayer. J'ose souhaiter avoir une place, si ce n'est tout aussi importante, considérable dans votre cœur et dans vos souvenirs. Lorsque vous vous demanderez quels furent les meilleurs moments de votre vie, j'espère que mon visage vous apparaîtra et que vous penserez aux champs dans lesquels nous courions lorsque nous étions enfants et où nous nous retrouvions il n'y a pas si longtemps que cela.

Je vous implore, Eléonore, de penser à tous ces instants de joie et de bonheur en ces temps sombres et difficiles. Certes, comme vous l'avez-vous-même écrit, vous n'avez pas mon optimisme et ma vision du monde mais vous possédez quelque chose de bien plus fort : votre combativité. Vous êtes sincèrement la femme la plus courageuse que je connaisse et je vous interdis de me dire que je n'en connais  que peu car cela ne changerait rien. Cela ma désole de ne pouvoir vous affirmer que tout ira bien parce que nous savons tous les deux que notre avenir n'a jamais été aussi incertain. Ce qui me désolée bien plus encore, c'est de vous savoir inquiète pour ma sécurité alors que c'est vous-même qui courrez un très grave danger. Croyez-moi, je vous en supplie, lorsque je vous affirme que je ferais réellement n'importe quoi pour vous sauver. Sachez que, si le moment venu, mon sacrifice peut aider votre cause, je n'hésiterai pas un seul instant.

Vous comprenez donc que dans de telles circonstances, je ne peux supporter l'idée de m'éloigner de Clairemont et donc, de vous. N'auriez-vous pas fait de même, Eléonore ? N'auriez-vous pas été la première personne à braver la folie des autres pour me soutenir ? J'ose espérer que vous n'auriez pas hésité à me croire et à m'accorder votre totale confiance tout comme je le fais aujourd'hui. Je me battrai pour vous, que cela vous plaise ou non, et je vous vengerai, peu importe l'issue de cette affaire. Je trouverai la personne ayant osé me séparer de vous et je lui ferai payer au centuple, soyez-en sûre. Vous devez donc me faire part de vos soupçons et de toutes ces choses que je ne sais pas encore le plus promptement possible. Peut-être certains éléments pourraient-ils être bénéfiques à votre cause ? Laissez-moi vous aider et ne perdez pas espoir, je vous en prie.

Je tiens à vous rappeler que je ne pourrais vous abandonner. Vous me demandez de nier les liens qui nous lient et comme bien souvent, vous avez absolument raison en affirmant que cela pourrait me mettre en danger, mais je n'en ai que faire. Même si je le désirais, soyez sûre qu'à la mention de votre nom, le langage de mon corps nous trahirait. Comment pourrais-je empêcher mes yeux de briller pour les rendre indifférents et lointains ? Comment prononcer votre prénom autrement qu'en me délectant de chaque syllabe ? Cela me semble impossible, Eléonore car après tout, je ne suis qu'un homme fou amoureux, un pauvre garçon sous l'emprise de votre sourire. Vous devez me pardonner mon manque de discernement et de réflexion mais je ne peux supporter vous savoir en danger et qui plus est, loin de moi.

Nous nous reverrons Eléonore, c'est une promesse. C'est pourquoi je ne peux accéder à votre requête et soyez certaine que cela ne sera pas la dernière fois. Il y aura encore de nombreuses occasions où je ne pourrai écouter vos conseils, même si je les sais justes et avisés. Comme vous me le répétez depuis des années, je suis têtu.

Je voudrais finir par vous demander de ne plus craindre pour votre âme, Dieu ne pourrait punir deux pauvres humains s'aimant un peu trop. Il sait que vous êtes la première personne à laquelle je pense le matin et la dernière pour laquelle je prie le soir. Il sait que ce que nous ressentons l'un pour l'autre est pur et dénué de pêchés. Peu importe ce que disent toutes ces femmes le dimanche à l'église, elles parlent sans savoir et leurs cœurs sont remplis de jalousie à votre encontre. Elles envient votre beauté, votre intelligence, votre charisme et puis surtout, elles envient ce que nous avons. Mais peu importe, Eléonore, laissez les donc dire car vous, vous avez vécu et aimé sincèrement et cela, c'est une chose qu'elles ne connaîtront jamais.

Je ne peux être certain de rien si ce n'est que tant que le soleil se lèvera à l'est et que la lune et les étoiles honoreront la nuit de leur présence, je vous aimerai. Ce ne sont peut être que de simples mots tracés d'une plume hésitante sur du papier jauni, mais sachez que je n'ai jamais rien affirmé de plus véritable.

Je vous embrasse,

Henri.

P.S. : Je ne veux parler d'Elisabeth avec vous dans de telles circonstances mais sachez que je suis navré que la nouvelle vous soit parvenue. Je me suis battu contre ce mariage, autant que cela me fut possible, et j'ai perdu. Cependant, elle ne possédera jamais que mon nom car je suis et resterai à vous, que vous le vouliez ou non.

NoxWhere stories live. Discover now