Février 1645

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"We were born sick, you heard them say it
My Church offers no absolutes."
- Hozier, Take me to church. *

La religion a toujours poussé l'homme à commettre des actes horribles.

Aussi loin que je puisse me souvenir, les humains ont toujours eu besoin de croire en un être, une puissance, leur étant supérieur. Je suppose qu'il y a quelque chose de rassurant dans l'idée d'être sous la coupe de quelqu'un et de finir par accéder à un paradis. C'est un besoin primaire, ancestral auquel vous n'échappez pas.

Après tant d'années et de sang versé, j'aimerais croire que l'humanité apprendrait de ses erreurs. Et pourtant, nous savons tous les deux que ce serait une pensée bien trop optimiste. L'humain a toujours mutilé, violé, tué, massacré, sacrifié des vies au nom d'un Dieu. C'est un peu comme une vieille habitude à laquelle vous n'arrivez pas à vous soustraire. Je suis bien placé pour parler de ces boucheries aux quelles vous vous adonnez fréquemment, mon amie la faucheuse et moi-même nous trouvons toujours au milieu de ces carnages.

Votre ignorance et votre égocentricité me donnent chaque jour un peu plus de travail. Je dois vous avouer que par moment, je suis lassé de me tenir au près de chaque homme tenant une arme, de chaque enfant se trouvant dans son champ de tir. Vos guerres me fatiguent, vos cris me donnent mal de tête et me poussent à vouloir tous vous réduire au silence. La plupart des gens ont tendance à penser que je devrais aimer les bains de sangs et les batailles mais il n'en est rien. Après tant d'années de bons et loyaux services, parfois j'aimerais me retirer et vous laissez à une joie constante. Mais malheureusement je ne peux pas, mon contrat m'oblige à rester jusqu'à ce que vous soyez tous éradiqués.

Mais revenons à l'essentiel, je divague. Encore une fois, excusez moi mais je vais devoir vous demandez de baisser les yeux. Je pourrais vous emmener au cœur de l'action mais je préfère prendre du recul afin de tout observer.

Vous ne reconnaissez probablement pas l'endroit, c'est normal ne vous en faites pas. Nous sommes dans le cœur même de Clairemont : l'église.

Évidemment, elle n'a rien d'impressionnant ou de prestigieux. Les vitraux sont simples, les murs sales et ternes, le sol noirci.

Elle fut bâtie, il y a de cela bien longtemps, par les habitants du village. Ils ressentaient ce même besoin de montrer leur dévouement à leur Dieu. Ils l'ont construite de leurs mains, avec le peu de moyens dont ils disposaient.

Au début, je vous avoue que je n'ai pas compris quand j'ai vu ces drôles d'édifices pousser un peu partout. J'avais déjà vu les incroyables temples romains ou aztèques, mais jamais de choses pareilles. Le cœur et la passion que ces hommes mettaient en empilant les pierres m'étonnaient.

Bien sûr, j'étais présent. Un nombre de vies à peine croyable a été sacrifié pour bâtir ces "maisons de Dieu", comme vous les appelez.

Si je vous explique tout cela, c'est pour que vous compreniez l'importance de ce frêle bâtiment dans lequel nous nous trouvons. L'importance de cet homme mort sur une croix que vous adulez. Et puis surtout, l'influence que cela avait sur les gens.

J'espère que vous avez reconnu la jeune femme agenouillée au centre de l'église. Ses cheveux sombres doivent forcément vous rappeler quelque chose.

Que fait-elle là? Elle est simplement persuadée de devoir se faire pardonner ou peut-être est-elle simplement désespérée.

« Je vous en prie, aidez-moi. Je n'ai fait de mal à personne, ils se trompent. »

Evidemment, elle est effondrée. Vous entendez ses sanglots étouffés ? Ah, ils me font de la peine.

« Je n'ai jamais pêché, je vous le jure. Ayez pitié Seigneur, ne les laissez pas me faire de mal. »

Je suis désolé de vous l'apprendre, mais malgré toute la conviction qu'elle place dans ses prières, ça ne se finira pas bien pour elle.

« Si tout cela n'est qu'une punition pour mes sentiments envers Henri, je suis terriblement désolée, cela n'arrivera plus. Ce n'était qu'une erreur, je ne l'approcherai plus. »

Je la respecte pour son courage, pour m'avoir supporté jusqu'à la fin avec fierté.

« Je n'ai fait qu'un seul faux pas mais je vous promets d'y remédier. Je trouverai un moyen si tel est votre désir. »

Elle glisse imperceptiblement une main sur son ventre. Ce n'est pas un mouvement volontaire, juste un réflexe. Son instinct.

« Je vous demande de me protéger de leur folie. Et surtout, de le protéger lui.»

Honnêtement, je suis désolé que son honneur, sa bravoure et sa bonté n'aient pas pu la sauver. Désolé que le piège commence petit à petit à se refermer sur elle. Ou plutôt sur eux.

C'était une fille bien, cette Eléonore.

Je suis vraiment désolé.


*"Nous sommes nés malades, tu les as entendus dire.

Mon église n'offre aucune absolution. »


***

NoxWhere stories live. Discover now