Chapitre 17 - première partie.

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La vie est longue. Et je sais qu'en énonçant cette simple phrase, je viens de contredire tous ces beaux penseurs et heureux de vivre, qui se targuent que, non, justement, leur existence ne sera jamais assez étendue pour pouvoir tout connaître et tout expérimenter.
Mais moi, je le dis, je le pense, et je ne me déferai jamais de cette idée : la vie est longue. Lorsque l'on pense à tout ce temps que l'on a devant soi, je me demande encore comment les gens peuvent bien penser en manquer. Une unité aussi futile qu'immatérielle derrière laquelle tout le monde semble d'ailleurs s'essouffler à force de courir après elle. 

Je n'ai pas le temps, je n'ai pas le temps, je n'ai pas le temps qu'ils disent, eux qui s'ennuient constamment en attendant que quelque chose arrive. Eux qui procrastinent, se lassent, se reposent de tout et de rien. Ceux qui essayent de gagner du temps dans chacun des gestes qu'ils font, sans jamais compter, pour pouvoir le perdre plus tard.

Je pense aussi, que la vie n'est pas si courte que cela pour moi, tout simplement parce que je n'ai pas encore trouvé suffisamment d'ambition pour pouvoir la remplir. Je ne me destine pas à une grande vie pleine d'aventures, je n'aime pas voyager tant que ça, et je préfère de loin m'évader à travers les livres. Je n'ai pas envie de faire beaucoup de rencontres, de recueillir des témoignages poignants de quelques personnes exceptionnelles, ni de tenter toutes les expériences les plus folles que la vie peut m'offrir.
Je fais ce que j'ai à faire, sans jamais vraiment me plaindre, et je ne compte pas non plus le temps. Je ne vois pas les grains de sable tomber entre mes phalanges, et ça me va très bien.
Je pense que l'humanité est trop orgueilleuse, et qu'à défaut de pouvoir se contenter d'une vie normale, elle se lance dans une course contre la montre pour se voir porter le titre du Meilleur Vivant. Moi, ça fait bien longtemps que j'ai déclaré forfait. 

Et ça me fait plaisir, en un sens, d'avoir trouvé Alo, qui semble à peu près pareil que moi. Mais aussi, d'être avec mon frère, qui lui est encore bien trop rêveur pour réaliser l'ampleur du monde qu'il veut découvrir entièrement. J'ai besoin de ce calme, et de cette vivacité qui me donne encore la force d'avancer aux côtés de ce petit rayon de soleil.

Je ne sais pas pourquoi je dis tout ça.

Jimmy vient de finir de s'habiller. Il est si heureux de grandir, aujourd'hui, qu'il en oublie presque de me dire bonjour lorsqu'il passe devant la porte de ma chambre. Il est très tôt, et je suis encore allongée dans mon lit. Mes parents, eux, dorment encore je crois. Il est prévu de les rejoindre ce soir, pour manger le gâteau et offrir les cadeaux. C'est aussi pour cela qu'il est dans le programme de partir assez tôt pour aller au zoo, en plus de profiter de l'absence d'une trop grande foule.
Je somnole encore un peu, quand mon petit frère me saute dessus.

« Violet, Violet, Violet ! Lève-toi, lève-toi, lève-toi !
- Mh..., je grommelle. »

Ses petites mains me secouent dans tous les sens, et de sa force ridicule, aidée par ma fatigue grandissante, il parvient à me retourner sur le dos. Ses doigts se posent sur mes joues, qu'il tire pour espérer me réveiller.

« Arrête..., je dis, tentant en vain de me dégager de son emprise.
- Mais Vi', c'est bientôt l'heure !
- Pardon ? »

Je le crois, un instant. Puis, je regarde mon téléphone, à mes côtés, pour constater de l'heure.
La crapule. Non seulement il m'a éveillée à travers ma phobie du retard, mais en plus il vient de m'arracher à quelques heures supplémentaires de sommeil.
Remarquez, ce n'est peut-être pas plus mal.

« Jimmy, il est sept heures !
- Je sais !
- On doit partir dans trois heures. On a le temps !
- Mais c'est mon anniversaire... »

Soudain, je le vois prendre une petite mine boudeuse, qu'il sait irrésistible, et je capitule.

BANGWhere stories live. Discover now