Chapitre 15.

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Je ne sais plus où je suis. 

Tout autour de moi est sombre, enveloppé dans un drap d'obscurité épais. Pas comme s'il faisait nuit, non, mais plutôt comme si une brume épaisse s'était répandue dans tout cet espace m'entourant. Je ne distingue ni mon propre corps, ni la silhouette de n'importe quel élément du décor. Mes yeux me semblent détachés de mon enveloppe corporelle, et je ne sens ni chaleur, ni froid, et encore moins de la douleur. J'ai simplement l'impression d'être une entité surnaturelle, immatérielle, se déplaçant dans un océan de noirceur.

Mais étrangement, je me sens incroyablement calme. Le noir ne me fait pas peur, la solitude non plus. En réalité, dans l'ombre, je me sens en sécurité. Je ne reconnais rien, suis totalement extérieure à tout sens. Il n'y aucune odeur. Aucun son. Absolument rien qui puisse m'effrayer.
Je ne sais même pas si je m'avance, dans ce néant, mais il me semble que je m'approche de quelque chose, ou du moins, que je suis en mouvement. Je me balade simplement sous forme spectrale dans ce vide qui me semble si accueillant, si doux, et je me complais à croire que c'est ainsi que ma vie devrait ressembler : à rien.

Je flotte, ou bien je nage. Je cours, ou bien je marche.
Je ne me soucie plus du temps qui passe, ni de celui qui s'éternise. Je n'ai plus aucune notion de rien, à part celui de l'oubli, du calme, et d'immensité.

J'aime cet endroit, qui ne se trouve nulle part. Peut-être un coin de mon esprit, éteint par l'horreur, qui se ressource.
Peut-être suis-je morte.

Le temps passe. Je serais presque capable de me sentir heureuse, soudain.
Mais bien vite, je commence à retrouver quelques-uns de me sens. Je crois percevoir une voix, qui m'appelle au loin, comme un murmure étouffé. Instinctivement, je m'en rapproche, usant d'une force que je ne crois pas posséder pour me déplacer sans mes jambes. Le murmure se transforme bien vite en parole, bien plus audible, mais je ne discerne aucun mot, simplement des sons. Je ne reconnais pas encore ce timbre, qui me semble pourtant étrangement familier.
Je m'approche encore.
Finalement, ce n'est pas seulement une parole.
Mais un cri.
Et il ne dit absolument rien, si ce n'est le chant d'une âme désespérée.

Cette fois-ci, je crois sentir mes jambes, et j'accélère la cadence. J'entends mes pieds taper un sol, et je crois que je commence à sentir une légère brise fouetter mon visage.
J'ai un visage.
Quelque chose d'humide coule dessus.

Je cours encore, et la voix crie désormais un nom, le mien.

« Violet !
- Milly !, je réponds sans réfléchir. »

Soudain, mes yeux me sont rendus, et je vois au loin une lumière jaunâtre qui m'invite à la rejoindre. Dans ce halo, je crois apercevoir les contours d'une silhouette. Puis, d'une deuxième.
Il est là, Il tient ma meilleure amie.
Lorsque je regarde autour de moi, le décor a changé. Je ne suis plus dans le vide, mais dans ma salle d'anglais. Tous mes camarades sont morts, et Milly est dans les bras de cet homme, son arme braquée sur sa tempe.

« Violet, aide-moi !, me supplie mon amie.
- J'arrive, je lui dis. »

Mais je ne peux plus avancer. Mes bras et mes jambes sont agrippées, par des mains qui semblent sortir de terre. Je crois reconnaître une bague de Yann, sur l'une d'elles, accrochée à mon avant-bras droit. La seconde porte un bracelet, pendouillant souvent au poignet de Johanna.
Lorsque je baisse les yeux, je les vois m'attraper. Tous, qui devraient pourtant être morts depuis longtemps.

« Violet, je t'en prie, fais quelque chose !
- J-je ne peux pas !
- Il va me tuer ! »

Il va la tuer.
Il va la tuer.
Il. Va. La. Tuer.

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