Chapitre 1.

691 45 43
                                    


Bon. M'y voilà, devant cette feuille blanche. Je sais que je dois écrire ce qu'il m'est arrivé, ce qu'il nous est arrivé, mais je me demande si j'en ai la force. Quand Cora m'a conseillée de tenir ce journal, je le lui avais pourtant bien dit que j'avais du mal à replacer dans l'ordre les souvenirs que je gardais de ce jour-là. Mais comme d'habitude, elle avait réussi à me faire changer d'avis.

Cela me semble si loin. Et pourtant, je sais que cela ne remonte pas à plus de trois mois. Mais mon esprit est confus, embrouillé, et j'ai du mal à différencier mes souvenirs des images créées par mon esprit détraqué. Comme un disque rayé, certains fragments me manquent, ou bien sont flous. Mes mémoires s'autodétruisent, doucement. Je me dis que c'est une bonne chose, qu'à partir d'un certain temps je ne ferai plus aucun cauchemar et que je pourrai reprendre une vie normale, mais... je sais que je dois en parler.

Mais ma langue refuse de se délier depuis trois mois.

Alors j'essaye en écrivant.

La première chose que je vois en repensant à ce jour, c'est le rouge. La veste que je portais ce jour-là, les ongles vernis de Milly, le bonnet d'Alo. Ce sont les premières choses dont je me souviens et qui sont associées à cette couleur.

Et puis il y a le sang. Je m'en rappelle maintenant. Coulant sur le sol, sur mon visage, sur les mains de mes camarades.

Mais je sais que je dois raconter cette histoire dans l'ordre, alors je vais devoir commencer par le début de cette journée.

Comme tous les matins, en semaine, je me réveille à sept heures. Mon lycée ouvrant à huit heures et les cours commençant cinq minutes plus tard et mettant un quart d'heure à le rejoindre, je n'ai que trois quarts d'heure pour me préparer. Mais cela me suffit. Je me fais réveiller par la sonnerie de mon portable, une chanson des Beatles. Here comes the sun. J'avais dû trouver ça marrant.

Je me lève avec peine, je m'étire, et je coupe la sonnerie de mon portable. Je regarde si j'ai reçu des messages durant la nuit, et je souris en lisant le sms de Milly qui m'a tout simplement envoyé un ''bonjour'' suivi d'un smiley. Elle fait ça tous les jours, mais jamais je ne lui réponds. Le matin, que ce soit à l'oral ou bien à l'écrit, je n'aime pas parler.

Je m'habille avec les premiers vêtements que je trouve, le plus souvent roulés en boule dans mon armoire, et attrape ma veste fétiche, toujours posée sur le dossier de ma chaise de bureau.

Direction la salle de bain. Je me maquille rapidement, essaye de faire quelque chose de mes cheveux blonds, et décide finalement de les laisser retomber en cascade le long de mon dos.

Ça ira pour aujourd'hui, je me dis.

Je descends, et je vois ma mère préparer le petit déjeuner. Mon père se trouve déjà à table, lisant le journal, une tasse de café fumante en face de lui. Mon petit frère s'accroche à la jambe de ma mère et essaye de la convaincre de ne pas l'emmener à l'école, comme tous les matins. Cette vision me fait doucement sourire, car je sais, tout aussi bien que lui, que cela ne marchera pas. Ma mère est têtue, et on me dit souvent que je tiens d'elle ce trait de mon caractère. Mais visiblement, mon frère aussi.

« Jimmy, ça suffit, siffle ma mère tout en versant du jus de fruit dans un verre.
- S'il te plaît, maman !, proteste l'enfant.
- Jimmy, tu arrêtes. Je te l'ai déjà dit cent fois : non, tu vas à l'école. Maintenant, va à table.
- Mais les autres sont méchants avec moi ! »

Il essaye d'afficher une mine triste sur son visage. Je crois presque voir ses yeux briller de larmes, alors que ses joues se teintent d'une couleur rougeâtre. Maman reste impassible, semble même afficher un rictus moqueur, avant de donner une légère tape sur l'arrière du crâne de Jimmy.

BANGWhere stories live. Discover now