BANG

Chapitre 11.

J'ai été exclue de cours pendant une semaine pour ma conduite violente et dangereuse. Une semaine durant laquelle on m'oblige à ne pas mettre un pied dans une salle de classe, à ne pas passer le portail du lycée.
Je ne sais pas si l'administration se rend compte qu'elle vient de m'offrir une semaine de vacances.

Je me fiche de ce qu'ils pourront bien écrire dans mon bulletin, dans mon livret scolaire ou je ne sais quel papier officiel qui me suivra toute ma scolarité. Je m'en fiche, si cet écart de conduite me vaudra quelques refus dans les universités que je cherche à intégrer, dans certains jobs qui pourraient m'aider à payer mon appartement d'étudiante.
Je me fiche de savoir s'il est écrit ''mentalement dérangée'' sur mon front pour le reste de ma vie.
''En colère'' y est gravé en beaucoup plus gros.

Mes parents n'ont fait aucun commentaire en étant convoqués dans le bureau du principal. Ils ont hoché la tête une, deux, trois fois, pour faire croire qu'ils écoutaient et étaient d'accord avec ma sentence. Ils ont fait mine d'être en colère, de me reprocher ma violence, mais je sais très bien que ces froncements de sourcils et ces mouvements lents de tête n'étaient là que pour enrober leur compréhension dans une déception factice et un semblant de sévérité.
Ils savent très bien pourquoi j'ai fait ça. Et pour être franche, j'ai cru percevoir dans le regard de mon père, pendant une fraction de seconde, une once de fierté.
Pas parce que j'ai failli tuer un gars de mon lycée, non. Mais parce que pour la première fois depuis des semaines, j'ai été franche dans mes actes et dans mes paroles. Je ne me suis pas tue.
J'ai vécu.

Il est environ 16h, et je suis dans ma chambre, en train de lire un livre. Je l'ai déjà lu des dizaines de fois au moins, mais je m'ennuie tellement et suis bien trop fatiguée pour faire quelques pas de plus vers ma bibliothèque pour chercher un autre bouquin, que ça ne me dérange pas de lire et relire la même histoire.
Je ne fais même plus attention aux mots sur le papier. Ils ne sont devenus que de simples tâches sombres pour moi, mais les regarder fait passer un peu plus vite le temps.
Jimmy est chez un ami, mes parents travaillent encore, je suis donc toute seule chez moi. La plupart des adolescents normaux en profiteraient pour inviter leurs amis et manger une pizza avec eux, avant qu'ils ne repartent, ou bien restent dormir à la maison s'il n'y a pas cours le lendemain. Je faisais ça aussi avant, avec Milly.
Il faudrait que je demande à mes parents de m'offrir un animal de compagnie qui viendrait partager mes nuits, un jour.

Alors que je suis sur le point de terminer un chapitre de mon livre, j'entends la sonnette retentir, et j'en sursaute si brusquement que mon bouquin m'échappe des mains. Ma seule réaction a été de grimacer, parce que je viens de perdre ma page.
Tant pis. Je n'aurai qu'à recommencer depuis le début.

Je suis tout de même curieuse de savoir qui pourrait bien sonner à ma porte aujourd'hui. Mes parents ont leurs clés, Jimmy a la mauvaise habitude de passer par la fenêtre quand il oublie les siennes (parce que oui, on lui a donné une clé de la maison), et je n'attends personne. Je me dis alors qu'il doit s'agir du voisin, qui a encore un problème avec les fuites de son évier, et que je dois renvoyer chez lui parce que mon père n'est pas là pour l'aider.
Je souffle, enfile mes chausson, passe une main dans mes cheveux que j'ai eu la bonne idée de ne pas sécher en sortant de la douche, et passe mes mains sur le t-shirt trop large que je porte pour en chasser les quelques peluches de ma couverture qui s'y sont accrochées.
Je descends les escaliers, et on sonne encore.

« Ça va, ça va, j'arrive... »

J'attrape la poignée, la tourne, et j'entends mon cœur mourir.

« Salut, me disent deux grands yeux bleus.
- Alo ? Qu'est-ce... qu'est-ce que tu fais là ?
- J'viens t'apporter les cours. »

Comment sait-il où j'habite ?  Qui lui a dit de prendre les cours pour moi ? S'est-il porté volontaire ? A-t-il réellement levé la main quand le professeur a demandé qui allait prendre la leçon du jour pour moi, et dit quelque chose ?
Je ne comprends plus rien.
Je ne le comprends pas.