Et alors, je crois, mais je ne suis pas sûre...
Je crois que j'ai souri.
Puis que j'ai hoché la tête.

Et nous sommes tous les deux sortis de la maison en douce, habillés rapidement, et avons pris le bus jusqu'au centre-ville. Là, nous avons acheté des glaces, et les avons dévorées en marchant le long de la mer. Mon frère me tenant la main, sautillant presque sur place à chaque fois qu'il croise une voiture dont il connaissait la marque, je dois presque tirer sur son bras pour ne pas qu'il se mette à lui courir après.
J'ai tenu la main de mon frère avec force toute la journée, de peur de le voir s'enfuir pour poursuivre une belle voiture.
Peut-être que j'avais surtout peur qu'il m'abandonne moi, pour quelque chose qui le rendra plus heureux.

Nous nous sommes arrêtés près d'un ponton, là où quelques pêcheurs attendent patiemment qu'une proie vienne mordre à leur hameçon. Jimmy s'est avancé vers eux, et les a harcelés de questions toutes plus surprenantes les unes que les autres.
Tant que je ne le perds pas de vue, cela ne me dérange pas qu'il s'éloigne.

Puis je me suis mise à penser.

Là, le regard perdu dans l'immensité du vide, fixant l'eau s'étendant à perte de vue, je laisse mon esprit s'évader. J'essaye d'imaginer un monde meilleur, où le sang ne coule pas sans raison, où les armes n'existent que pour se défendre, et où les rires l'emportent sur les pleurs.

J'essaye, vraiment, de m'imaginer un tel monde, une telle vie, heureuse et paisible, et j'y parviens presque.
Mon frère y aura droit, j'en suis certaine.
Moi, je n'en suis pas bien sûre.

« Tu te rappelles quand on venait là, Violet ? »

Je pense mourir d'une mini crise cardiaque lorsque j'entends ces quelques mots.
Je tourne ensuite la tête vers mon interlocuteur, croise le regard de Yann, et son satané sourire qui me nargue.
Bien sûr, il fallait qu'il soit là.

« J'm'en fiche, je réponds.
- Ça ne répond pas à ma question, dit-il.
- Ça aussi, je m'en fiche. »

Je l'entends rire, et je ne peux m'empêcher de me demander si c'est pour se moquer de moi. Alors je soupire fort pour couvrir le son de son ricanement, et je baisse la tête. Je préfère encore fixer mes chaussures et en analyser les moindres détails plutôt que de regarder dans les yeux ce garçon.

« C'est Jimmy, là-bas ?, demande-t-il en pointant du doigt mon petit frère.
- Mh, je réponds.
- Waw ! Il a tellement grandi. Faut dire que ça fait longtemps que je ne l'ai pas vu.
- T'étais sûrement trop occupé à devenir un connard pour prendre la peine de lui rendre visite. »

Et même si je ne le regarde plus, je sais que je viens d'arracher son sourire de ses lèvres, et peut-être sa peau aussi, un morceau de sa fierté, et avec un peu de chance, son envie de me parler.
Désormais, c'est à lui de baisser les yeux.

« T'es dure avec moi, Violet.
- Mh.
- Quoi, tu m'en veux toujours ? »

Un autre soupir m'échappe, et je me risque à diriger mon regard vers le sien. Je m'aperçois alors que quelque chose a changé chez Yann, ces derniers temps. Je ne saurais exactement définir quoi, mais j'arrive à le sentir. Il continue à sourire, mais il ne respire plus la joie de vivre.
Je le sens empreint d'un sentiment compliqué, pur, volcanique, un mélange de rage et de douleur, de peur et de tristesse. Son sourire n'est qu'un masque qui se fissure, encore et encore, et qui s'effrite à chaque fois qu'il le laisse tomber pour afficher cette mine mélancolique, aux allures enfantines et inoffensives.
J'hésite à ne serait-ce que l'effleurer du bout des doigts de peur de le voir s'effondrer à mes pieds.

« Je ne t'en veux pas, je lui réponds. Je peux comprendre ce qui t'a poussé à agir comme ça. Tu cherchais à être aimé de tous, et tu t'es dit qu'en restant avec une fille comme moi, ça allait pas le faire.
- C'était idiot de ma part, je sais. Mais ensuite t'as commencé à traîner avec Milly, et... »

BANGWhere stories live. Discover now