Le tournage a repris de plus belle.
Les journées sont longues, denses, rythmées par les claps de début de prise et les « coupez » trop rares. Les scènes s'enchaînent à une vitesse folle. Les tenues d'époque, le maquillage, les éclairages, les textes... tout demande de l'attention, de la précision. Et elle donne tout ce qu'elle a.
Mais dès qu'un silence se glisse... Dès que Jenna s'assoit entre deux scènes... Son téléphone trouve le creux de sa main comme s'il en faisait partie.
Liv.
Toujours là. Pas physiquement. Mais dans ses poches. Dans ses pensées. Et dans ses messages.
Les échanges ont commencé doucement. Quelques mots. Quelques rires. Mais depuis plusieurs jours, ils sont devenus plus longs. Plus soignés. Plus... personnels.
Tu dors ? Ou tu découpes encore des légumes en les insultants dans ta tête ?
Je ne découpe jamais les légumes en les insultants. Ce sont des victimes consentantes.
Sérieux, Liv, tu viens d'écrire une phrase de serial killer.
Non. D'artiste disciplinée. Nuance.
Il y a cette légèreté dans leurs mots. Cette musique tendre et discrète. Mais aussi des silences lourds de ce qu'elles n'osent pas encore dire. Un soir, très tard, après une scène intense, Jenna lui écrit :
Parfois, j'ai juste envie de prendre une pause. Venir me cacher dans ta cuisine. Pas pour manger. Juste... rester là. Avec toi.
Elle hésite en l'envoyant. Et quand elle voit les trois petits points apparaître... puis disparaître... et réapparaître... son cœur se serre.
Puis son message arrive.
Ma cuisine a une chaise pour toi. Une théière aussi. Et un silence qui ne fait pas peur.
Jenna relit la phrase plusieurs fois. Et elle sent un frisson courir sous sa peau.
Liv, de son côté, vit dans un tourbillon similaire. Le restaurant est plein. Toujours. Et elle enchaîne les allers-retours à Lyon pour donner ses cours. Ses nuits sont courtes. Mais ses messages pour l'actrice sont devenus rituels.
Incontournables.
Essentiels.
Le matin, souvent, elle écrit en premier.
Tu as dormi ? Ou tu as rêver en noir et blanc à cause des costumes du film ?
Et elle répond, toujours.
J'ai rêvé de poires. C'est grave, tu crois ?
Seulement si tu commences à les dessiner sur les murs.
Ou parfois :
On tourne dans un champs de tournesols aujourd'hui. Il fait 36 degrés. J'ai une robe en laine. Envoie un SOS pâtissier.
Un éclair au citron imaginaire t'attend dès ce soir. Courage, actrice intrépide !
Ce n'est pas je pense à toi.
Ce n'est pas tu me manques.
Mais ça l'est, entre les lignes.
Et Liv, qui s'est toujours tenue à distance des élans incontrôlables, se surprend à attendre ces messages comme on attend un lever de rideau. Elle ne sait pas exactement ce qu'elle ressent. Ou plutôt, elle le sait. Mais elle préfère encore le garder pour elle. Parce que nommer, c'est souvent risquer de perdre.
Un soir, tard encore, alors que la salle du restaurant est vide et que Tsuki est roulé en boule près de ses pieds, elle envoie :
Il restait un dessert ce soir. C'était le tient. Mais il m'a fait penser à toi alors... je l'ai mangé. Tu me pardonnes ?
Quelques minutes plus tard :
Seulement si tu m'en fais deux la prochaine fois. Un pour moi. Un pour te faire penser à moi.
Et Liv... sourit.
Encore.
Encore.
Et encore.
Elles ne savent pas quand elles se reverront. Mais elles savent que ce jour viendra. C'est écrit dans la ponctuation. Dans les points de suspension. Dans chaque mot qu'elles choisissent avec soin.
Et parfois, c'est suffisant.
Pour tenir.
Pour espérer.
Pour rêver.
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Une recette imprévue
FanfictionQuand Jenna Ortega, star Hollywoodienne en quête d'authenticité, débarque à Paris pour un tournage, elle ne s'attend pas à croiser la route de Liv Hemerson, jeune cheffe prodige à la réputation aussi tranchante que ses couteaux. L'une fuit les proje...
