La terrasse s'est vidée doucement, comme un rêve dont on ne veut pas se réveiller trop vite.
Mais moi, je ne suis pas encore prête à refermer cette parenthèse. Et visiblement, elle non plus.
- Tu connais bien Paris ? Je lui demande alors qu'on descend du trottoir, Tsuki trottant devant nous, sa laisse détendue entre mes doigts.
- Mieux que je ne le pensais, mais pas comme toi.
Elle regarde autour, puis ses yeux s'arrête sur moi.
- Tu as ce regard... comme si tu avais toujours une petite cachette en tête.
Je souris, amusée, presque flattée.
- Peut-être que c'est le cas.
Je l'emmène par les petites rues derrière Saint-Paul. Là où les pavés grincent sous les pas et où les balcons débordent de plantes oubliées. Là où les murs ont gardé les secrets des siècles passés et les cafés n'ont pas de carte, juste une ardoise posée contre une chaise.
Jenna regarde partout, les yeux ronds, curieuse, pleine de cette faim de tout voir, de tout comprendre.
Je l'emmène au Jardin des Rosiers, ce petit coin de verdure invisible depuis la rue, planqué entre deux immeubles. Il n'y a presque personne. Juste un vieil homme qui lit, et une femme qui nourrit les moineaux.
Jenna s'assoit sur un banc. Tsuki se glisse à ses pieds, heureux comme un roi.
- J'avais aucune idée que cet endroit existait, murmure-t-elle.
- C'est un de mes préférés. Pas de touristes. Pas de bruit. Juste...
Elle penche la tête vers moi.
- Tu viens souvent ici ?
- Pas assez.
Elle hoche la tête lentement, puis relève les yeux vers le ciel. Il y a ce silence entre nous. Un silence que je n'ai pas besoin de combler. Et c'est elle qui le brise, doucement, presque timidement :
- J'ai grandi dans la Coachella Valley. Tu connais ?
- Je connais le nom. Le festival. Les palmiers. Le désert.
Elle rit doucement.
- Oui, tout ça. Mais pour moi, c'était la maison. Le genre d'endroit où le temps semble s'étirer, où tout est ensoleillé, mais parfois trop. Les rues sont longues. Le ciel est vaste. Et parfois, tu as l'impression que tu pourrais disparaître dedans.
Je l'écoute. Vraiment. Pas comme une actrice qui raconte sa vie. Comme une personne. Une femme. Une voix qu'on entend rarement.
- J'ai su très tôt que je voulais jouer.
Elle hésite. Puis ajoute :
- Pas pour être célèbre. Pas pour que l'on me regarde. Juste... pour raconter. Ça me faisait du bien. Me cacher dans un rôle. Me glisser dans une autre peau.
Un soupir.
- Et puis c'est devenu plus grand que moi. Plus rapide. J'ai rien vu venir. À douze ans, j'étais sur des plateaux où personne n'avait mon âge. On attendait de moi que je sois adulte... mais on me rappelait constamment que j'étais une gamine.
Je sens ma gorge se serrer un peu. Je la regarde. Ses mains croisées. Son regard fuyant maintenant.
- Et aujourd'hui ? Tu le referais ?
Elle tourne les yeux vers moi.
- Oui. Sans hésiter. J'aime ce que je fais. J'aime jouer. Créer. Comprendre des femmes que je ne suis pas... et peut-être que je suis un peu.
Elle sourit, mais ses yeux brillent légèrement.
- Mais parfois... j'aimerais qu'on me laisse juste respirer.
Un silence.
- J'ai dû apprendre à cacher ma vie privée. À inventer des stratégies pour qu'on ne sache pas avec qui je sors. Où je dors. Où je vais quand je suis triste.
Elle baisse les yeux sur Tsuki.
- Et même là... même là, ils trouvent. Ils prennent des photos de ma maison. Ils campent devant celle de mes parents.
Elle se pince les lèvres.
- Des fois, je rêve juste de pouvoir tenir la main de quelqu'un dans la rue... sans qu'on m'arrache ça avec un flash.
Je ne sais pas quoi répondre, alors je ne dis rien tout de suite. Je tends juste la main, doucement, et je la pose sur la sienne. Pas un geste romantique. Pas un geste trop grand. Juste... une présence. Une ancre.
Elle serre mes doigts. Une seconde. Deux. Puis elle se laisse aller contre le dossier du banc. Tsuki pose sa tête sur son genou.
Elle ferme les yeux.
- Merci, souffle-t-elle.
Je regarde ses paupières closes. Son visage enfin relâché. Et je me dis qu'au fond, ce n'est pas si compliqué. Pas besoin d'un grand rôle, d'un grand dîner, d'un grand discours.
Seulement deux personnes, dans un jardin caché, avec un chien qui dort entre elles.
Et l'envie, commune, fragile mais tenace... de s'apprivoiser.
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Une recette imprévue
FanfictionQuand Jenna Ortega, star Hollywoodienne en quête d'authenticité, débarque à Paris pour un tournage, elle ne s'attend pas à croiser la route de Liv Hemerson, jeune cheffe prodige à la réputation aussi tranchante que ses couteaux. L'une fuit les proje...
