Je ne suis là que depuis deux jours, et j'ai déjà oublié le décalage horaire.
Ou plutôt, c'est Paris qui me l'a fait oublier.
Tout va vite, mais sans brutalité. Un peu comme ces métros parisiens qui surgissent sans prévenir mais qui s'arrêtent avec élégance. Je suis plongée dans une bulle de concentration permanente, où l'adrénaline masque la fatigue et où chaque nouvelle rencontre aiguise mes sens.
Aujourd'hui, c'est notre première journée complète de travail.
Pas de tournage encore. Juste des repérages, des lectures, des échanges. L'équipe nous a donné rendez-vous dans une vieille maison reconvertie en studio, quelque part dans le 14e. On a traversé des petites rues pavées, avec des façades pleines de lierre et des volets bleus délavés. Même les murs ici ont quelque chose à raconter.
Quand j'arrive, les visages se mélangent. Il y a des accents anglais, des voix françaises, des rires américains. Une sorte de joyeux chaos organisé. Mélanie est déjà présente, rayonnante, concentrée, en jean noir et chemise blanche, un carnet à la main. Elle me prend dans ses bras sans hésitation.
- Bien dormi ?
- Comme une pierre.
- Parfait. Aujourd'hui, on commence !
Elle a cette intensité rassurante, Mélanie. Une autorité douce mais ferme. Elle tient son projet comme on tient un feu : avec soin, mais sans crainte de se brûler.
Peu à peu, je découvre mes partenaires.
Une actrice britannique qui a déjà joué dans plusieurs série Netflix, drôle, piquante, un peu cynique. Un acteur français très élégant, la cinquantaine, le genre de voix grave qui peut faire pleurer en lisant l'annuaire. Une jeune comédienne franco-algérienne, pleine de feu, pleine de tendresse aussi. Ils sont tous là pour la même raison : raconter une histoire trop longtemps oubliée.
On s'installe autour d'une grande table en bois. Des scripts, des cafés, des regards qui se croisent. Première lecture. Première connexion.
Le film sera tourné en anglais. Soulagement. J'aurais eu du mal à tenir tout un long-métrage en français. Mais j'ai quelques lignes, ici et là, en version originale. Des mots chargés. Des phrases chuchotées. Une prière. Un poème. Un "je suis désolée" qui me serre déjà la gorge.
Mélanie lève les yeux à ce moment-là, comme si elle avait senti ma crispation.
- Ne t'inquiète pas. On a fait appel à quelqu'un. La meilleure coach de diction de la ville.
Et c'est vrai. À la pause, une femme d'une soixantaine d'années s'approche. Lunettes rondes, accent parfait. Elle s'appelle Dominique. Elle sera notre guide dans la jungle phonétique française. Elle m'écoute lire mes premières lignes avec patience.
- "Je vous en prie..."
- Mmh... non. Pas "je vous ENNN prie", Jenna. Écoute : "je vous en prie", sans appuyer sur le "en", c'est doux, c'est coulé.
Je recommence. Encore. Et encore. Elle me corrige sans jamais se lasser. Et moi, je suis fascinée. Cette langue... elle est musicale, complexe, tellement belle que parfois j'en oublie de respirer.
Les jours qui suivent s'enchaînent. Lectures, ateliers, déplacements. On visite les futurs lieux de tournage : une ancienne école à l'abandon dans le Loiret, un moulin reconverti en maison de famille, un coin de forêt où se jouera une scène clé. Tout est sobre, chargé d'histoire, presque sacré.
Un soir, sur le trajet du retour, je regarde les champs défiler derrière la vitre. Mon front contre la fenêtre froide. Je pense à ma carrière. À tous ces films. À tous ces rôles. Et je me dis que celui-ci... a une odeur différente. Quelque chose d'intime, de profond. Ce n'est pas juste un film. C'est un hommage.
Et même si je suis la seule du casting à ne pas parler la langue du pays... je m'y sens étrangement à ma place.
Mélanie avait raison.
Ce tournage va me changer.
Mais pas comme on s'y attend.
ČTEŠ
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