Livre 2 - Chapitre 41

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Dimanche 18 octobre 1942

Cher journal,

Lorsque nous avons fait notre grand retour dans la cave, ni André, Le Suisse ou Edmund ne nous attendaient, et leurs visages surpris m'auraient amusé s'il n'y avait pas eu cette colère pour tout balayer sur son passage.

Voir qu'Edmund était toujours là, en vie, et en assez bonne forme a été un grand soulagement, mais je n'étais pas dans le bon état d'esprit pour l'apprécier.

Non.

Dès que nous avons passé la porte de la cave André est venu à nous, inquiet tout d'abord, puis méfiant lorsqu'il a réalisé la fureur sur mon visage. Il était à mes yeux aussi responsable que Madeleine dans ce qui s'était passé, et le fait qu'ils nous aient menti tous les deux ne faisaient qu'ajouter à mon ressentiment.

- Combien de temps pensais-tu pouvoir nous cacher la vérité ?! Combien de temps avant que nous découvrions qu'une famille avait été assassinée par notre faute ?! As-tu vraiment cru que nous ne l'apprendrions pas ?!

J'enfonçais mon doigt dans sa poitrine, mes yeux dans les siens, et j'aurais été capable de le frapper si ce n'était pour le peu de respect que je lui portais encore. Un silence de mort s'est abattu sur la cave, Le Suisse stupéfait par mes accusations. André, le visage fermé s'est tourné vers Madeleine, cherchant une explication, mais je ne lui en laissai pas le temps :

- Je sais ce qui s'est passé Popeye, tu n'as pas besoin de la regarder elle pour avoir son accord. Je sais. Et vous n'avez même pas eu le cran de nous l'avouer. Vous avez préféré taire ce crime horrible plutôt que d'assumer notre faute. Ce n'est pas ainsi que se conduisent de vrais meneurs. Vous n'auriez jamais dû vous trouver dans cette ferme. Vous avez mis cette famille en danger, et si ce sont les Boches qui ont tirés, leur mort est autant sur nos épaules que sur les leurs.

Il a saisi mon poignet pour écarter ma main de son torse.

- Ginger ...

Son ton était menaçant, et il s'est rapproché de moi pour affirmer sa supériorité, me dominant de toute sa hauteur. Il n'appréciait certainement pas que je le mette face à ses fautes et que je lui fasse la morale, et je savais que j'étais en train de franchir une limite en mettant en doute son autorité. Je n'ai pas baissé les yeux, trop furieuse encore, attendant de sa part qu'il reconnaisse ses torts et que nous trouvions ensemble le moyen de venger ces morts.

- Je n'ai jamais voulu cela tu m'entends ? Jamais.

- Mais tu comptais faire comme si cela n'était jamais arrivé.

Il n'a pas répondu, ne pouvant nier la vérité, mais j'ai senti son étreinte sur mon poignet se desserrer, et la dureté de son regard disparaitre. Il était évident qu'il était rongé de culpabilité, mais cela ne justifiait ni les fautes, ni le mensonge.

Madeleine est finalement intervenue, posant une main sur mon épaule :

- Tu l'as dit toi-même Ginger : « ce qui est fait est fait ». Nous ne pourrons jamais l'oublier, mais nous pouvons riposter et tenter de le corriger.

L'assurance dans sa voix m'a quelque peu apaisée, et je me suis écartée d'André, non sans lui jeter un dernier regard noir. Le Suisse a quitté le chevet d'Edmund, pour s'approcher de nous. Comme à l'accoutumée son visage ne trahissait aucune émotion, mais le tressautement vigoureux de sa montre dans sa paume ne laissait aucun doute sur son agitation.

- Que comptes-tu faire exactement ?

Il s'adressait à moi, ignorant totalement la présence d'André et Madeleine à nos côtés. C'était, sans doute, sa façon à lui de montrer son désaccord avec nos chefs.

Je ne te connaissais pasWhere stories live. Discover now