Livre 2 - Chapitre 40

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Et pourtant, deux ans plus tard, l'atelier était toujours là.

Mes pensées ont été interrompues par Madame Blanchard, ressortant du placard les yeux baissés sur les tissus dans ses mains. J'ai dû tousser pour attirer son attention. Son visage s'est allongé, marquant d'abord la surprise, avant que ses sourcils ne se froncent en une expression mécontente. Elle a délicatement posé les tissus sur son bureau, avant d'en faire le tour, se glissant difficilement sur les côtés, pour venir se poster face à moi. Malgré les restrictions que nous vivions elle n'avait perdue ni en corpulence ni en superbe, et je ne pouvais m'empêcher de baisser les yeux, coupable d'avoir disparue du jour au lendemain.

Qu'elle n'a été ma surprise lorsque j'ai senti ses deux bras puissants m'attirer à elle et me serrer contre son cœur – ou plutôt sa poitrine ! Je lui ai rendu son étreinte sans retenue, avant qu'elle ne me tienne à nouveau devant elle à bout de bras.

- Où t'étais passée ma fille ? Ton père était mort d'inquiétude.

J'ai ouvert la bouche mais aucun son n'en est sorti. Elle avait été en contact avec Papa ?

- J'étais ... ici et là. Je suis navrée de vous avoir fait faux bond ainsi.

Elle m'a observé franchement, notant sans doute ma maigreur, mon état de fatigue, et ces petits changements que j'avais moi-même repéré devant mon miroir. Je suis certaine qu'elle devinait sans mal ce que j'avais pu faire de ces dernières semaines.

- Ici et là hein ? Bon. L'essentiel c'est que tu ailles bien. Mais ne laisses pas ton vieux père sans nouvelles aussi longtemps, ce ne sont pas de choses qui se font.

- Promis.

J'ai tendu le bras pour indiquer la brique sur son bureau.

- Comment vont les affaires ?

- On fait aller. Le maire est un vieil ami, il a pour l'instant réussi à plaider ma cause et les Boches me laissent tranquille. Ça pourrait ne pas durer.

Elle m'a tapoté l'épaule avant de repasser derrière son bureau, reprenant son rôle de chef d'atelier.

- Tu me dois trois semaines de broderie ma fille, et, si c'est pour ça que tu es là, j'ai du travail pour toi. Mais j'ai besoin d'être sûre que tu pourras l'assumer.

J'ai hoché la tête

- J'ai besoin de cet argent, Papa en a besoin. Et je vous préviendrais si quoique ce soit devait à nouveau se produire. Mais je ne peux pas vous faire de promesses autres que celle-ci.

Il y a eu un moment de flottement, avant qu'elle ne joigne ses mains devant elle, sans cesser de m'observer.

- Tu as de la chance d'avoir hérité des doigts de fée de ta mère, et de la chance que je connaisse ton père, sans quoi tu serais déjà hors de cet atelier. Mais soit, je prends ce que tu as à m'offrir, mais tu ne seras payée qu'une fois le travail effectué, et plus à la semaine. Je ne peux pas me permettre de te payer si je ne suis pas certaine que tu feras ce que je te demande.

J'ai acquiescé en lui tendant ma main au-dessus du bureau, qu'elle a serré dans la sienne.

Presque immédiatement elle a tiré de sous son bureau une panière pleine de linge qu'elle m'a tendue avec un demi sourire. J'ai empoigné la panière et suis sortie de l'atelier, satisfaite d'avoir de nouveau du travail et de pouvoir apporter un peu d'aide à Papa.

De retour à la maison, j'ai posé la panière sur la table de la cuisine, et suis montée chercher tout le matériel nécessaire dans la chambre de Maman. Bien que je me sois absentée pendant plusieurs semaines, elle n'a pas semblé s'en émouvoir et chaque fois que je rentre dans sa chambre je la trouve dans le même état de contemplation dans laquelle je l'ai laissé la veille.

Je ne te connaissais pasWhere stories live. Discover now