Livre 2 : Chapitre 37

Start from the beginning
                                    


Dimanche 20 septembre 1942

Cher journal,

Peu à peu notre soldat mystère reprend pied dans la réalité.

Hier, alors que j'étais à nouveau sous la garde du Suisse, il s'est réveillé pour la première fois de la journée. J'ai voulu lui faire avaler un demi-cachet de tranquillisant, mais il a refusé, gardant les lèvres scellées malgré mes tentatives pour lui faire comprendre que cela le soulagerait. Voyant que je ne parviendrais pas à le convaincre j'ai rangé les cachets et suis retournée m'asseoir sur mon lit avec les journaux du jour. Si cet imbécile avait décidé de souffrir je n'allais pas l'en empêcher. J'essayais de me concentrer sur les lignes sous mes yeux, mais je sentais son regard sur moi. J'ai fini par poser mon journal presque rageusement pour me tourner vers lui, attendant qu'il parle.

Après tout, nous attendions tous qu'il nous explique qui il était, et j'avais été assez patiente et aimable à son égard.

Il a tenté de se redresser sur les coudes, mais s'est laissé retomber sur le dos avec un grognement lorsque la douleur a traversé ses côtes.

- Tu souffrirais moins avec de la morphine, ai-je indiqué, sarcastique.

Il a souri, presque amusé, avant de murmurer un « pas dormir », et j'ai levé les yeux au ciel, comme pour lui signifier que cela m'importait peu.

Après quelques minutes il a soufflé, expirant autant qu'il le pouvait pour contracter ses muscles et s'est à nouveau redressé, s'asseyant complètement cette fois. Il a eu un sourire idiot à mon intention, tandis que le Suisse se précipitait à son chevet pour vérifier que les sutures n'avaient pas sautées. 

A demi-mot, et en allemand, mon camarade lui a demandé de bouger le bout des doigts, le coude, puis le bras complet, tandis qu'il palpait les muscles et les nerfs à la recherche d'une blessure interne. Satisfait, il est passé aux côtes, appuyant sur chacune d'entre elle pour en tester la résistance. Cette fois le soldat faisait moins le fier, et a serré les dents pour ne pas laisser échapper un cri. Les côtes avaient certainement été fêlées, sinon pire. Lorsqu'il eut terminé son examen, Le Suisse a eu un mouvement de tête à mon attention, m'indiquant de le suivre au fond de la pièce.

- Il se remet relativement bien de ses blessures, et il ne devrait pas tarder à être complètement sur pied. Je vais faire passer un mot à Bellone, nous devons décider rapidement quoi faire de lui. Je vais remonter et vous enfermer à l'intérieur quelques minutes, le temps de faire passer le mot. Ça ira ?

J'ai jeté un œil vers le soldat dos à nous, toujours assis sur le lit de camp, qui continuait de tester la motricité de son bras, le bougeant d'avant en arrière.

- Oui, ça ira.

Le Suisse a tiré de sa poche le petit revolver qu'ils portaient tous lorsqu'ils montaient la garde, et je n'ai pu retenir un sourire en sentant son poids presque rassurant dans ma main.

Je l'ai glissé sous mon chemisier, jugeant inutile d'alarmer notre soldat avant même de connaitre ses attentions. Plus longtemps il me croirait dans son camp, plus il serait à même de nous livrer des informations utiles. Le Suisse est sorti de la cave, et je suis retournée auprès de celui qui était désormais mon prisonnier.

Je ne peux nier que j'appréhendais d'être seule avec lui. Il était bien plus facile de la placer du bon côté de cette guerre lorsqu'il était inconscient. Mais maintenant qu'il se tenait droit devant moi je ne pouvais nier d'où il venait. Grand, le maintien militaire et les cheveux clairs caractéristiques de l'Est, on le devinait Allemand - et soldat ! - avant même qu'il n'ouvre la bouche.

Je ne te connaissais pasWhere stories live. Discover now