Chapitre sans titre 27

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Après avoir laissé un mot d'excuse pour Papa, et alors que nous allions sortir de la maison, elle m'a arrêtée, et m'a saisie par les épaules : 

 - Si ça tourne mal je veux que tu me promettes que tu sortiras de là d'accord ? Retire ces foutus souliers et court aussi vite que tu peux, ne les laisse pas t'attraper, oui ? 

- Tout ira bien Madeleine. 

J'ai pris ses mains dans les miennes, et j'ai souris, cherchant à la rassurer. Si j'étais moi aussi inquiète de la tournure que pouvait prendre les évènements, j'étais surtout excitée de passer à l'action. Elle a soupiré et nous avons passé la porte, nous retrouvant sous un soleil éclatant. Parfait.Devant chez nous se tenait André, lui aussi tout endimanché. Je suis certaine que son costume gris était le même que celui qu'il portait lorsque nous nous étions rencontrés par hasard à l'église, il y a plusieurs vies de cela. Lui et sa potiche jaune. Comme cela me paraissait loin désormais. J'ai savouré le regard qu'il a posé sur moi, la bouche légèrement entrouverte, la surprise transparaissant sur chacun de ses traits. J'ai pris mon temps pour le rejoindre, pleine d'une assurance toute neuve. J'avais l'impression d'être une grande dame que l'on venait courtiser, et si tout cela n'était qu'un déguisement, l'aplomb qu'il me conférait était bien réel.Madeleine nous a fait ses dernières recommandations, m'a serré dans ses bras, avant de filer en direction de la gare. Nous y allions, nous aussi, mais il n'était pas question qu'on puisse associer notre imitation du jeune couple de bonne famille, et celle qui ressemblait fortement à un gamin des rues. 

Avec un sourire en coin, André m'a tendu son bras, et j'ai glissé le mien contre lui, reposant ma main gantée sur son avant-bras. Cela s'est fait presque naturellement, et c'est avec un petit rire gêné que nous avons entamé notre marche jusqu'à la gare. Je n'ai pas tardé à grimacer, maudissant mes souliers qui m'enserraient les orteils et frottaient contre mon talon. Je pouvais déjà en sentir la peau se déchirer contre le cuir. Me voyant me dandiner pour soulager la douleur, André n'a pu retenir un rire : 

- Et bien Madame, on n'a pas choisi les bonnes chaussures ce matin ? Les godillots n'auraient-ils pas été plus adaptés pour vous ? 

Voilà bien longtemps que je n'avais pas entendu son ton sarcastique, qui a fait bouillir mon sang en un instant.

- Pour te les jeter à la figure très certainement, ai-je sifflé, vexée.Il a souri, amusé, passant son bras autour de ma taille pour mieux me soutenir, soulageant instantanément mes chevilles.

- Il aurait été dommage de gâcher un si joli tableau, a-t-il glissé à mon oreille. 

La réponse cinglante que je préparais est restée coincée dans ma gorge et je n'ai pas dit un mot, n'osant pas le regarder, uniquement concentrée sur le fait de ne pas m'évanouir sous le coup de l'émotion. Ça c'était pour plus tard. 

Nous avons parcouru les cent derniers mètres en silence, arrivant bientôt sur le parvis de la gare. J'ai crispé ma main sur son poignet alors qu'une onde d'angoisse me parcourait tout entière, faisant se dresser les petits cheveux dans mon cou.Il était près de midi, les gens allaient et venaient sur la place et dans l'édifice. Les deux gardes à l'entrée observant chaque nouvel arrivant, ceux sur les quais vérifiant les papiers des voyageurs. Exactement comme nous l'avions repéré. Je parcourais la foule du regard, sans parvenir à voir aucun de mes camarades qui devaient être en faction, guettant nos moindres faits et gestes, non loin de là.André a posé sa main sur la mienne dans un geste rassurant. 

- Ils sont là Eugénie, ne t'en fais pas. 

Il s'est tourné vers moi, sérieux cette fois ci. 

- Prête ? m'a-t-il demandé. 

Je ne te connaissais pasWhere stories live. Discover now