Livre 2 - Chapitre 9

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Dimanche 19 novembre 1939,

Cher journal,

Je suis épuisée. Nicole dit que je travaille trop, entre l'école, les révisions, et l'UFSF. Je lui rétorque que cela me convient : corps occupé, évite de trop penser. Je l'ai voulu, je dois l'assumer. »


Dimanche 3 décembre 1939,

Cher journal,

Le temps est glacial dehors. Emile dit qu'il n'obtiendra pas de permission pour Noël, bien qu'il se sente inutile là où il est. On entend que la guerre se passe en Norvège maintenant. Lui faire traverser la France pour cela. Et ce n'est pas en décembre qu'il pourra aider à moissonner. Plus les degrés diminuent plus je pense à lui et ses compagnons, dans leurs campements de fortune. Les nouvelles restent rassurantes, on dit que les Alliés gagneront bientôt. Je l'espère.


Lundi 25 décembre 1939

Cher Journal,

Joyeux Noël !

Il est tard, j'écris à la bougie pour ne pas réveiller Madeleine à côté de moi. C'est une habitude que nous avons vite prise, dormir ensemble. Elle en a autant besoin que moi je crois.

Ce soir, pour la première fois depuis longtemps, je ressens le besoin de coucher mes pensées ici. Je crois que c'est le calme, après la frénésie de ces dernières semaines, qui m'oblige à faire le point.

Nous venons de passer un bien étrange Noël. Madeleine avait à cœur de préparer un festin, et nous nous sommes attelés aux courses et préparations depuis dix jours déjà. Nous avons aussi préparé profusions de gâteaux, chocolats, chaussettes en laine et moufles bien chaud à envoyer à Emile. J'espère qu'il les a reçus à temps.

Maman passant la plupart de son temps au lit et l'épicerie ne désemplissant pas, Madeleine et moi avons eu pour nous des journées entières, à parcourir les vitrines pour trouver des décorations, et à courir les magasins pour sélectionner tous les produits nécessaires à nos recettes. Je me sentais parfois coupable de profiter autant de Madeleine, de rire avec elle, alors qu'Emile était bloqué dans le froid de la campagne à la frontière. Mais elle m'a elle-même avoué qu'elle avait besoin d'un peu de joie, sans quoi elle n'arriverait pas à passer l'hiver saine d'esprit. Ces quelques jours d'insouciance m'ont été bénéfiques, tant qu'ils ont duré.

Le festin hier soir était magnifique, mais l'absence d'Emile était la plus forte, et malgré tous les efforts de Madeleine pour faire comme si de rien n'était, nous ne pouvions nous empêcher de jeter des coups d'œil vers la chaise vide. Peu avant minuit nous nous sommes rendus à la messe, sous un froid mordant. Je m'étais emmitouflée dans une robe bien épaisse, avait mis mes collants les plus chauds, et ma toute nouvelle cape, reçue en cadeau. Elle est noire, bien chaude, et me donne une silhouette assez chic. Il était marqué « Papa et Maman » sur l'étiquette, mais je crois bien que c'est Madeleine qui l'a choisie.

L'église était pleine à craquer, et le sermon, tourné vers les soldats loin de chez eux, m'a tiré quelques larmes. Je crois que je n'ai jamais prié avec autant de ferveur pour que tout cela finisse bientôt. Malheureusement la situation semble s'éterniser.

Samedi, le sujet au cœur de tous les débats de l'UFSF était l'arrivée prochaine de réfugiés dans le Calvados, Paris étant bien trop débordée pour accueillir chacun convenablement. Il s'agit majoritairement d'Allemands de confession juive, qui fuient les horreurs infligées dans leur pays natal. Je ne peux pas croire ce que l'on raconte à ce sujet : des camps de concentrations, de la torture, des rafles, même sur les enfants... vraiment non je ne peux pas le croire. Cela me serre d'autant plus le cœur quand je suis avec mes petites, qui continuent d'apprendre, sans notion aucune de ce qui passe à l'extérieur. Qui pourrait faire du mal à un enfant ?

Je ne te connaissais pasWhere stories live. Discover now