Livre 1 - Chapitre 3.

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Il lui faut de l'air.

Maintenant !

La pièce se met à tanguer. Elle fend la foule pour atteindre la porte de l'autre côté. Les gens qu'elle écarte lui jettent des regards étonnés, mais sa pâleur les incite à lui laisser le passage. Alors que la porte se rapproche, elle trébuche, et tend le bras pour se rattraper à la première personne à sa portée. Sa main s'accroche à un revers de tailleur, et à travers son esprit embrumé elle a le temps d'apercevoir le regard surpris – et légèrement dégouté, de Tante Marie, avant qu'elles ne s'effondrent toutes les deux dans un fracas de verre et de petits fours réchauffés.

Lorsqu'elle reprend ses esprits, le papier peint de la chambre d'hôtel danse au plafond et se superpose à la serviette humide que sa mère lui applique sur le visage.

- Te revoilà. Elle sourit, rassurée. Tu nous as fait une bonne frayeur. Comment tu te sens ?

- Ça peut aller, j'ai mal à la tête.

Deborah se redresse, sa mère lui tend un verre d'eau et une aspirine.

- Je suis restée évanouie longtemps ?

- Non tu t'es un peu réveillée quand on t'a mis dans la voiture, on vient juste de revenir à l'hôtel. Tu as mangé ce matin ?

- Non ...

Anne hoche la tête, pragmatique.

- Et Tante Marie ?

Sa mère retient un éclat de rire.

- Tu lui as ruiné son plus beau tailleur mortuaire, mais elle s'en remettra. Il y a des bananes sur le meuble, mange. Il faut que j'y retourne. Tu penses pouvoir rester toute seule ici ?

- Oui ça va aller, je suis désolée que tu aies dû me ramener, je ne sais pas ce qui s'est passé.

- Ce n'est pas grave, c'est l'émotion, il faut que tu te reposes. Tu penses tenir le coup demain ? Entre l'église et le cimetière ?

- Oui ça ira, vas-y.

Nouveau hochement de tête. Anne pose la serviette sur le rebord de la table de nuit, et tapote le dessus de lit dans un geste affectueux.

- Bien.

Elle enfile son trench, ses escarpins, et sort de la chambre avec un sourire vers sa fille.

Deborah se laisse retomber dans les oreillers moelleux. Que s'est-il passé là-bas ? Un coup de chaud ? Trop d'émotions ? Les dernières images lui reviennent. Elle n'est quand même pas tombée SUR Tante Marie ?! Oh que si, s'esclaffe sa petite voix, joli spectacle ! Deborah presse un oreiller sur son visage et se mord les joues.

Elle tourne et se retourne dans son lit, jusqu'à ce que les vertiges la reprennent. Du calme. Elle se lève prudemment et attrape les bananes posées sur le meuble TV. Dès la première bouchée c'est comme si les glucides lui étaient directement injectées dans le sang. Ses idées s'éclaircissent, et les fourmillements dans ses mains et ses pieds s'atténuent. Elle revient vers le lit, bute dans un sac posé là, perd l'équilibre et s'étale en travers du matelas.

- Non mais sérieusement ?! s'écrie-t-elle vers le plafond.

Et puis elle se fige.

Le sac militaire de Grand-Mère est en travers du passage, la sangle enroulée autour de son pied. Avec l'effusion des derniers jours elle l'avait presque oublié. Elle se laisse glisser sur le parquet, le dos appuyé au cadre du lit, et tire le sac à elle. La curiosité la titille, en même temps que l'idée du respect de la vie privée la retient.

Il faudra bien faire le tri un jour ou l'autre.

Bien sûr, mais ce serait plutôt à ses enfants de faire le tri non ? Si tu crois que Tante Marie vas s'y coller...

Je ne te connaissais pasWhere stories live. Discover now