Chapitre 12

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- Catherine -

Nous logions dans un petit hôtel pas trop loin du centre-ville. Nos chambres étaient côte à côte et les murs tellement fin que grand-père s'amusait à crier à travers la cloison pour me parler.

- Tu veux sortir pour manger ? lui ai-je proposé.

Je mourrais de faim et je rêvais de manger quelque chose de chinois ou de japonais. Des sushis par exemple.

- C'est ça et mourir d'une intoxication alimentaire, a-t-il râlé.

J'avais oublié l'aversion de grand-père pour la boustifaille à base de poisson.

- Une pizza ?

- C'est déjà mieux. 

Il est venu me rejoindre dans ma chambre, un paquet de chips dans les mains. Je l'ai regardé d'un mauvais oeil.

- Oh ne commence pas ! J'ai un pied dans la tombe, ce n'est pas quelques chips qui vont me faire du mal.

J'ai soupiré, vaincu. Ce n'était pas la peine d'entamer ce débat avec lui, il en sortait toujours vainqueur.

- J'en veux une aux salamis, a-t-il reprit en parlant de la pizza. Mais on la mange dans ta chambre. Hors de question d'en mettre partout dans mon lit.

Il m'a tendu un billet que j'ai refusé et qu'il a enfoncé de force dans la poche kangourou de mon pull. J'ai compris que s'il voulait manger à l'hôtel c'est parce que ses jambes le faisait souffrir même s'il ne l'admettrait jamais. Je suis donc partie seule en quête des meilleures pizzas de la ville. J'étais venue suffisamment de fois à Dublin pour savoir où aller. Un énorme nuage dont la noirceur contrastait avec le ciel encore clair m'a fait regretter de ne pas avoir pris un parapluie avant de partir. 

Quand le vent s'est levé, j'ai hâté le pas en priant silencieusement pour rentrer avant la pluie. Un rapide coup d'oeil à mon application météo m'a indiqué qu'un orage devrait éclater d'ici une heure. 

Au fil de ma marche, mon esprit s'est égaré. Comme souvent, il a été rejoindre Blaine dans un endroit que j'imaginais chaud et emplis de soleil dont les rayons reflétaient leurs ors sur le sol sableux du bush. J'étais en train de me demander ce qu'il pouvait bien être en train de faire quand les premières gouttes de pluie sont tombées. Résignée, j'ai ralentis la cadence, ce ne serait qu'une question de minute pour que je sois trempée. Et comme à chaque fois que je pensais à Blaine, Catrina m'est venue à l'esprit. Faute d'avoir la suite de son histoire, j'essayais de me l'imaginer en lisant des témoignages sur internet ou dans des livres. Je m'inquiétais pour elle comme-ci je la connaissais personnellement, comme-ci son histoire était seulement en train d'arriver. Il fallait parfois que je me souvienne que tout ça avait eu lieu il y a bien longtemps et même si je ne connaissais pas tout son parcours, je savais qu'elle avait fini par rentrer en Ecosse en vie. Mais à quel prix ?

Février 1942

Hier, après la visite du chat et avant de recevoir notre maigre repas du soir, l'alarme du camp s'est mise à retentir.

- Encore un appel ? ai-je entendu quelqu'un demander.

La porte du Block s'est ouverte à la volée laissant apparaître la diabolique Ledwine accompagnée d'une Aufseherin que je n'avais que très peu vue jusqu'à présent.

- INSPECTION DU BLOCK, a crié Ledwine. VOUS ETES PRIEES DE VOUS RENDRE SUR LA PLACE D'APPEL PENDANT L'INSPECTION DU BLOCK.

Un murmure horrifié s'est fait entendre, rapidement stoppé par un coup de cravache au visage d'une hongroise.

Entre deux océans - Tome 2Where stories live. Discover now