Chapitre 20

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- Blaine -

J'avais un peu le cafard. En fait j'avais le cafard depuis le début de la semaine. Les ouvriers commençaient à partir un à un pour passer Noël avec leur famille. Certains backpackers, dont Cameron, étaient partis vers d'autres aventures et Johanna commençais à préparer son retour en Allemagne, la fin de son visage approchant à grands pas.

Avant la mort de mes grands-parents, je passais Noël chez mon père. On allait tous au château d'Inverurie où Maisie et moi nous amusions à faire de fausses visites guidées durant la fermeture de la partie ouverte au public.

Grand-mère mettait un point d'honneur à tout préparer elle-même. Nous n'étions que la famille : mon père, ma sœur, mon oncle et ses trois fils, grand-père et moi.

Kenneth avait arrêté de venir quand j'étais encore enfant. Je ne me souviens pas des circonstances exactes, et je n'ai jamais essayé de le savoir, mais une grosse dispute avait éclaté entre lui et mon grand-père et depuis, il ne se sont plus jamais adressé la parole. Il n'est même pas venu à son enterrement. Mon père lui en veut encore beaucoup pour ça. 

Ça avait brisé le cœur de grand-mère parce que même sous la torture, elle n'aurait jamais avouée qu'il était son fils préféré, tout le monde le savait. Quand on la taquinait en lui demandant qui était son enfant préféré, elle ne répondait pas une phrase cliché du genre " j'aime tous mes fils de la même façon " ou " je n'ai aucune préférence ". Elle répondait sans hésiter, une lueur de défiance dans le regard qu'elle lançait à mon grand-père comme si elle le mettait au défi d'oser dire du mal de Kenneth. 

Elle faisait pareille quand Travers lui demandait qui était son petit-enfant préféré. Elle ne s'en cachait pas et de toute façon les différences qu'elle faisait entre moi et les autres étaient tellement évidentes qu'elle n'avait même pas besoin de dire que j'étais son favoris. Mes cousins étaient verts de jalousie mais Maisie, elle s'en fichait parce qu'elle était la petite préférée de grand-père et selon elle, il y avait beaucoup plus d'avantages à l'être. 

La veille de Noël, on mangeait quelque chose de simple. On était tous en pyjama autour de la table. Ensuite, on s'installait près de la grande cheminée que grand-père avait veillé à allumer avec l'aide inutile de tous ses petits-fils, et grand-mère lisait A Christmas Carol de Dickens.

Ensuite on allait se coucher et le 24 décembre devait être le seul jour de l'année où on le faisait sans rouspéter. On savait qu'au matin, il y aurait des cadeaux pour tout le monde.

Je mettais toujours mon réveil pour me réveiller tôt le jour de Noël. J'ai vite arrêté de croire au gros bonhomme rouge qui apporte des cadeaux, ma curiosité m'ayant conduit à découvrir la supercherie à l'âge de cinq ans. Du coup, j'aidais ma grand-mère à déposer les cadeaux sous le sapin. Elle commençait à s'activer dès cinq heures du matin pour être sûre que la table déborderait de nourriture à midi. Elle mettait un point d'honneur à tout faire elle-même, elle ne voulait de l'aide d'aucuns domestiques et encore moins de la cuisinière.

J'allais la rejoindre à la cuisine où un bol de lait chaud et des céréales m'attendaient. Je me dépêchais de l'avaler pour vite l'aider. 

Elle ne cuisinait pas que des plats traditionnels écossais. Il y avait de tout, surtout pour les desserts. Elle faisait toujours un tiramisu et un autre dessert très sucrés dont je n'ai jamais retenu le nom. Elle ne m'avait jamais dit qui lui avait appris à faire tous ces plats étrangers. Aujourd'hui, je me doute que toute ces recettes ont été consignées dans son petit carnet, à Ravensbrück. 

Elle ne mettait pas les quantités gargantuesques inscrite dans le carnet, mais elle sucrait toujours plus que de raison. Je lui avais fait remarquer une fois que le sucre était mauvais pour la santé et que ce n'était pas comme ça qu'elle perdrait ses kilos en trop.

Entre deux océans - Tome 2Where stories live. Discover now