Entre deux océans - Tome 2

Chapitre 17

- Blaine -

Ca allait faire un mois que j'avais envoyé le second journal de ma grand-mère à Catherine. J'espérais qu'elle l'avait bien reçu. J'avais aussi, égoïstement, espéré qu'elle m'écrive. J'avais glissé un petit mot dans le paquet pour lui dire où j'étais, ce que je faisais, à quel point j'aimais travailler avec Eddy, le père de Danny. Je lui faisais aussi savoir que je n'étais pas responsable des nombreuses pages manquantes à certains endroits du journal mais que c'était moi qui avait malencontreusement abimé celles que j'avais décollées même si elle restait parfaitement lisible.

Je lui avais aussi fait savoir que je ne pensais qu'à elle tous les jours. Comment faire autrement alors que je portais au cou la bague de ma grand-mère que je lui avais offerte. Assez pitoyablement, j'avais aussi mis en postscriptum : attend-moi. Et mon numéro de téléphone australien.

Un peu naïvement j'avais espéré qu'elle m'appelle, mais bien sûr elle était trop têtue pour le faire. J'avais aussi espéré une lettre, elle qui aimait faire "à l'ancienne" mais je n'avais toujours rien reçu. Rien d'étonnant, à quoi pouvais-je m'attendre après ce que j'avais fait.

Je me demandais si elle allait juger ma grand-mère aussi sévèrement que moi au début ou si, tout comme j'avais fini par le faire, elle allait comprendre qu'il arrive que les évènements nous échappent. Que nos émotions, nos sentiments, nous forcent parfois à tout remettre en perspective et nous oblige à voir une facette de nous dont on ignorait tout jusqu'alors.

Non, elle n'allait pas la juger comme moi au début, elle allait tout de suite comprendre. Catherine avait cette faculté, cette empathie nécessaire pour pouvoir vivre l'histoire du point de vue de son interlocuteur. 

J'avais essayé d'avoir de ses nouvelles par Maisie mais elle m'avait dit que les réponses de Catherine à ses messages étaient concises et monosyllabiques. Elle m'avait aussi dit que ma ma mère ne parlait plus de moi qu'en disant « l'autre » ou « le fils de ton père ». Sous ma forte insistance, elle m'avait avouée les horreurs que ma mère disait sur moi. J'avais répondu à Maisie que je m'en fichais mais c'était faux. Bien sûr que je souffrais du manque de considération que me portais ma mère. J'en avais toujours souffert, bien plus que ma soeur. D'abord parce que ma mère l'appréciait vraiment elle. Je serais tenté de dire qu'elle l'aimait mais je ne sais pas si notre génitrice a jamais été capable d'aimer quelqu'un d'autre qu'elle-même. Ensuite parce que Maisie pouvait toujours compté sur le fait d'être la préférée de notre père même s'il ne l'avouerait jamais. Je ne lui en voulais pas, ni à elle ni à lui d'ailleurs. J'avais eu la chance de connaître l'amour inconditionnel et maternel de ma grand-mère et elle était toujours un peu avec moi dans tout ce que je faisais. 

Toujours d'après ma soeur, Colin ne parlait jamais de Catherine. Il faut dire qu'elle était devenue la Voldemort de notre mère. On ne pouvait plus prononcer sans nom sans qu'elle n'ait quelque chose de méchant à dire sur elle ce qui avait un jour fait rentrer Colin dans une colère noire. Elle ne voulait plus voir Catherine, elle lui en voulait, elle avait nuis à sa réputation, très bien mais elle n'avait pas le droit d'en dire du mal. "La Grande Affaire" comme l'appelait Maisie était devenue un secret d'état.

Ça n'avait rien d'une grande affaire puisque ni elle ni moi ne nous sommes beaucoup battu. Enfin, pour être tout à fait honnête avec moi-même, j'ai choisi de fuir. J'avais voulu qu'elle vienne mais elle avait refusé. Seulement, je savais que ce n'était pas parce qu'elle voulait se battre pour nous et affronter les nôtres, non, c'était juste parce qu'elle avait peur. J'avais bien essayé de la challenger mais la peur a été la plus forte quand je lui ai demandé de choisir. 

C'était mon plus grand regret, lui avoir demandé de choisir sous peine de me perdre. Il n'y avait pas de bon choix. Etre celui qui est partis n'a pas été facile mais je sais qu'au final c'est elle qui est restée, même si ce n'est pas pour les raisons qu'elle a prétendu, qui a eu le plus mauvais rôle.