Chapitre 3

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- Catherine -

J'avais atterrit à 13 heures. Maman ne pouvait pas venir me chercher puisqu'elle donnait cours jusqu'à 14 heures puis, pour les élèves que ça intéressaient, elle dispensait des cours d'irlandais jusqu'à 16 heures.

Grand-père devait éviter les longs trajets en voiture, enfin c'est ce qu'il prétendait, en vrai le médecin lui avait dit qu'il ne pouvait plus conduire. Jamais.

J'aurais pu prendre le car jusqu'à Galway, mais à la place j'ai préféré prendre le train afin de profiter des paysages de mon pays. Je n'avais jamais réalisé à quel point j'aimais l'Irlande avant de vouloir quitter l'Ecosse au plus vite. Pourtant, être chez moi ne me faisait pas me sentir mieux et la lettre de Blaine qui se trouvait dans la poche intérieur de ma veste semblait peser une tonne. J'hésitais à la sortir pour la lire encore une fois quand mon train est arrivé. Le chef de gare m'a aidé à porter ma valise jusqu'à ma place et m'a souhaité un bon voyage avant de vérifier que le train pouvait redémarrer.

Mon père m'avait promis qu'il n'appellerait pas ma mère. J'étais majeure, c'était à moi de décider si je voulais lui dire ou non. Il n'avait pas répondu aux textos que je lui avais envoyés à mon arrivé à Dublin mais je m'en fichais. Tout ce que je voulais c'était rentrer chez moi, retrouver le confort de ma chambre, du jardin de grand-père et des léchouilles de Sam.

J'ai somnolé plusieurs fois tout en admirant le paysage verdoyant avant de m'endormir pour de bon. J'étais en train de rêver d'un lac dans lequel je me baignais. Blaine était là. Ses boucles brunes volaient autour de sa tête tandis qu'il m'observait de ses yeux perçants. Dans mon rêve, il me faisait peur, c'était comme-ci j'ignorais qui il était. Il portait un uniforme militaire comme on en voit dans les vieux films d'époques, avec des écussons que je ne parvenais pas à reconnaître et une casquette au milieu de laquelle se trouvait une tête de mort surmonter d'un aigle aux ailes ouvertes. Je n'osais pas sortir du lac alors que j'en avais très envie, à la place je me contentais de le regarder comme lui le faisait avec moi

- Je te trouve très belle... Beaux Yeux, a-t-il dit en chuchotant.

Je me suis réveillée en sursaut alors que le train venait de brusquement s'arrêter. Une voix a bientôt raisonné dans tout le wagon, nous annonçant qu'un objet encombrait la voie et que nous allions devoir patienter.

- Super, ai-je marmonné en sortant mon téléphone pour prévenir ma mère que j'arriverais plus tard que prévu.

Il faisait chaud dehors et encore plus dans le train. Je regrettais de ne pas avoir acheté une bouteille d'eau avant de quitter l'aéroport. Et aussi de quoi grignoter. J'allais sortir la lettre de Blaine quand un carnet qui dépassait de mon sac à main m'a arrêté. Le journal de Catrina. Le premier des cinq, ou des quatre si on excluait le livre de recettes. Je l'ai rangé plus soigneusement avant d'essayer de me rendormir, en vain. Nous étions arrêtés au beau milieu de nulle part avec pour seul compagnie des moutons marqués d'une tâche bleue qui regardait le train avec un air bête.

Blaine avait les autres journaux de sa grand-mère mais il avait promis de me le faire parvenir quand il les aurait lu. J'espérais qu'il lisait vite et que le service postal australien n'était pas trop lent. Cependant, je pouvais essayer d'imaginer ce qu'elle avait bien pu écrire. La suite me paraissait évidente. J'avais fait plusieurs recherches sur Ravensbrück lorsque j'attendais mon avion à Edimbourg. J'avais ensuite lu des témoignages d'anciennes déportées qui m'ont fait froid dans le dos. J'ai fermé les yeux et je me suis laissée emporter à une autre époque. Je ne pouvais pas être près de Blaine, mais rejoindre Catrina c'était comme parvenir à le retenir un peu auprès de moi.

Septembre 1941

Les plus faibles n'allaient pas pouvoir tenir le coup. Pas sans eau. Pas avec le peu de nourriture que nous avions et pas avec cette insupportable chaleur. Un regard à Varez m'a donné envie de pleurer. Je ne voulais pas le voir mourir, pas ici, pas comme ça.

Entre deux océans - Tome 2Where stories live. Discover now