Chapitre 24

6 1 0
                                    

- Blaine -

Bip. Bip. Bip.

Ça ressemblait à un oiseau qui frappe contre un arbre.

Bip. Bip. Bip.

Ou contre une vitre.

Bip. Bip. Bip.

Non. C'était autre chose mais je ne parvenais pas à dire quoi.

Bip.Bip.Bip.

Le bruit se confondait avec le reste de mon environnement et par moment je ne pouvais plus le distinguer, il était étouffer par tous ceux qui gravitaient autour de moi. Il arrivait qu'il soit tellement noyé par l'existence d'autres personnes que je ne pouvais plus l'entendre.

Bip. Bip. Bip.

Puis, à certains moments, je le réentendais. Parfois plus distinctement, parfois à peine.

Je ne savais pas très bien où j'étais. En regardant à mes pieds, j'ai vu une grande étendue d'herbe recouverte par un parterre de fleurs. Des fleurs violettes. Des bleus aussi. Des jaunes et des rouges un peu plus loin. Toutes ressemblaient à celle que ma grand-mère aimait planter chaque année dans son Cottage Garden. Si elle avait été là, elle aurait pu les nommer. Cela m'était impossible, je ne m'étais jamais intéressé au jardinage et encore moins aux fleurs. J'avais déjà du mal à me rappeler d'arroser les bonsaïs de ma mère quand elle s'absentait. 

Ma mère... Voilà longtemps que je n'avais pas souri en pensant à elle. Mais mon sourire a disparut aussi vite qu'il était apparu au souvenir de ces petits arbres en pot qu'elle affectionnait tant quand je l'ai vu sortir de derrière les arbres qui bordaient cette grande prairie.

Je suis resté sur mes gardes tandis qu'elle s'avançait vers moi. Elle n'avait pas l'air hostile. En fait, je crois bien que pour la première fois de ma vie je l'ai vu sourire d'un vrai sourire, pas de ceux emprunt d'hypocrisie qu'elle arborait continuellement en public. 

- Maman ? ai-je dit avec hésitation.

Elle n'a pas répondu. Elle est passée à côté de moi comme si je n'existais pas. Comme elle l'avait si souvent fait d'aussi loin que je me souvienne. 

- Tu as toujours été une telle déception, Blaine, a-t-elle dit dans un soupire.

Elle se tenait trois pas derrière moi, son dos vers moi. J'avais envie de lui hurler à quel point elle avait été une mauvaise mère et qu'elle n'avait pas le droit de me trouver décevant quand elle n'avait jamais été capable d'embrasser le rôle qui aurait dû être le sien quand elle a eu des enfants mais j'avais beau ouvrir la bouche, aucun son n'en sortait.

- J'espérais que tu sois extraordinaire, mais tu t'es toujours contenté d'être ordinaire, a-t-elle poursuivi.

La douleur de ces mots ont tiraillé ma poitrine. L'espace d'un instant, j'ai même eu l'impression que mon coeur s'était arrêté de battre. J'ai mis un genou par terre, toujours incapable d'articuler la moindre parole.

- Je n'ai jamais voulu d'enfant. Ni de ton père, a continué ma mère sans se retourner. Mais il avait un rang supérieur au mien et de l'argent. Plus que ma famille n'en a jamais eu. J'ai pensé, naïvement, que je pourrais tomber amoureuse de lui. Mais ton père s'est avéré être aussi décevant que toi. A peine suis-je tombée enceinte qu'il est parti courir les filles. Des filles plus désirables, plus jeunes, plus belles. 

J'ai dégluti péniblement. J'étais certain que ce n'était pas la première fois qu'elle me disait ça mais je n'arrivais pas à me souvenir de cette conversation.

- Il ne voulait pas d'un fils tu sais. Alors imagine sa déception quand tu es né. J'ai été déçue aussi. Je ne voulais pas d'enfant du tout mais une fille aurait fait tellement plaisir à ton père. Heureusement, quelques années plus tard il y a eu Maisie, mais c'était déjà trop tard, il n'y avait plus rien à sauver entre ton père et moi. 

Entre deux océans - Tome 2Where stories live. Discover now