Chapitre 31

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Février 1943

C'était il y a trois mois. Ou alors c'était hier. Mourir serait le trahir.

J'aurais voulu mourir, mais la mort n'a pas voulu de moi. J'ai essayé d'endormir la souffrance, mais j'ai fini par me réveiller. Maintenant je ne dors plus. J'ai mal à en crever mais je ne meurs pas alors cette souffrance est devenue mon moteur, la seule chose qui me maintienne encore en vie.

Et puis, mourir ce serait le trahir.

Un jeu. C'est comme ça qu'ils ont appelé ça. Ils m'ont appelée leur dessert. Leur petit dessert du vendredi soir.

C'est Eva qui est venue me chercher pour m'amener à une soirée qui avait vu ses victuailles et ses bouteilles d'alcools être bien entamés. Eva semblait euphorique. Je crois qu'elle avait pris des substances. De la méthanphétamine sûrement. Pour l'occasion, j'ai eu le droit à un morceau de savon entier et l'ordre de « ne plus puer comme une française ». Je n'arrive pas à m'expliquer cette haine envers les françaises, mais depuis le temps que je voulais me laver correctement et pas avec de l'eau froide et un carré de savon plus petit que mon pouce, j'en ai profité. J'ai lavé mes cheveux dans la petite bassine d'eau que le soleil de la journée avait rendu tiède, puis j'ai mis une robe rayée propre qu'on m'avait fait apporter. J'avais bien conscience qu'il ne s'agissait pas là d'un traitement de faveur, qu'il s'agissait là d'un cadeau qui me mènerait vers une mauvaise surprise, mais qu'aurais-je pu faire d'autres ?

Eva m'a emmenée dans une grande salle qui devait servir pour les réunions. Il y avait un portrait d'Hitler et un autre d'Himmler qui se faisait face. Un drapeau arborant la croix nazi trônait au-dessus de la cheminée. Ça sentait bon la friture et il y avait plusieurs mignardises sur la table qui n'avaient pas été touchées. Si j'avais été appelée par Johann, nous nous les serions partagées tous les deux en jouant aux échecs. Mais je n'étais pas là pour manger. C'était moi le repas.

Il y avait neuf SS dans leur uniforme. J'ai reconnu certains grades grâce à leurs écussons. Il y avait un Obersturmbannführer, deux Standartenführer et un Obergruppenführer. Je n'ai pas su identifier les autres, mais Gebhardt ne cessait de leur lécher les bottes, ça ne pouvait donc être que des hauts gradés proche d'Hitler.

Eva a été priée de quitter la pièce, je suppose qu'elle avait suffisamment servi à ses messieurs. Ils n'ont sûrement pas dû la forcer elle. Elle a été retrouvée morte le lendemain du "jeu", probablement d'une overdose même si personne n'a vraiment cherché à savoir. Elle était très peu appréciée après tout et la personne qui l'a emmenée au charnier à pris très peu cas de son corps froid et figé. 

On m'a demandé de m'avancer au centre de la pièce qui avait été dégagée. J'ai avancé à pas lent pendant que l'Obersturmbannführer déposait une chaise sur laquelle il m'a fait asseoir après avoir posé son nez dans mon cou.

Il y avait un jeune homme au fond de la pièce. Il portait un pyjama rayé et regardait fixement le sol. On aurait dit une statue, parfaitement immobile, une cruche de vin dans la main, il attendait sûrement les ordres. Il avait quelque chose de familier mais je ne savais pas dire quoi. Je l'ai observé comme j'ai pu, mais je ne pouvais voir que sa tête rasée et ses mains qu'il tentait de contrôler alors qu'elle tremblait. On pouvait voir qu'il avait subi plusieurs sévices, des coups violents à la tête lui avaient été administrés vue la grande cicatrice qui partait de son front, passait derrière son oreille gauche et semblait continuer derrière son crâne.

- C'était la favorite de Johann Müller. Le neveu d'Heinrich, a cru bon de préciser Gebhardt. 

- Ce petit parvenu qui ne doit son statut qu'à son oncle ? a dit l'un des hommes en crachant par terre.

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⏰ Last updated: May 10 ⏰

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Entre deux océans - Tome 2Where stories live. Discover now