Chapitre 34 - Manon

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Lors de la correspondance à Amsterdam, j'ai voulu rappeler les membres de ma famille, mais rien n'y fait, ça sonne dans le vide et pas de répondeur. Ce détail commence à m'intriguer. Mais Cyril m'assure que c'est sûrement le réseau de téléphone qui passe mal à l'étranger. Il a, comme toujours, de bonnes explications sur tout. Il veille également à rester au plus près de moi, même au moment d'aller aux toilettes, il m'accompagne. Il est charmant mais trop au final. Il a à se faire pardonner de m'avoir frappée. Il m'a servi une explication vaseuse pour se justifier et m'a demandé de lui pardonner en me certifiant qu'il n'a jamais voulu ça, que plus jamais ça n'arrivera. Malgré toutes ses attentions, la sonnette d'alarme dans ma tête s'est allumée. Mais dans tous les cas, je dois arriver en France pour rejoindre mon père au plus vite. Là bas, je pourrais aviser. Pour le moment, je ne dois rien faire qui puisse le contrarier et finalement, je maîtrise assez bien cet exercice, ça fait tellement d'années que je me plie à ses envies pour le satisfaire.

Cette constatation est effrayante mais surtout, je commence à voir le mécanisme. Les échanges que j'ai eus avec Léa m'ont permis de me rendre compte du schéma dans lequel je fonctionnais.

Durant le deuxième vol, je fais semblant de dormir pour pouvoir envisager mes options. Arrivée à Lyon, j'ai la mauvaise surprise de constater qu'il n'avait pas sa voiture ; il avait pris la navette, donc c'est ensemble que l'on fait la route pour rentrer. Je voulais aller directement chez Karen, mais là je suis bloquée avec lui. J'ai bien tenté de demander à aller immédiatement à l'hôpital, mais Cyril m'a opposé que j'étais ridicule, que l'hôpital est fermé aux visiteurs pour la nuit. Je lui fais remarquer que je n'ai toujours pas de nouvelles et que je n'arrive à joindre personne. Il m'assure qu'à 1h30 du matin ça s'explique et que, s'il y avait eu une urgence, ma famille lui aurait laissé un message. Pas de nouvelle, bonne nouvelle ! Je voudrais lui sauter à la gorge pour ce dicton mais il faut que je joue son jeu, ne pas le contrarier !

C'est donc résignée que je me retrouve dans notre appartement, une boule d'angoisse me saisit dans le ventre. En le voyant fermer la porte, je sens un piège se refermer sur moi. Non, je fais erreur, il a fait tout ce chemin pour me ramener auprès de mon père, il ne faut pas que je devienne paranoïaque.

Cyril m'invite à me préparer pour aller nous reposer après ce long voyage, je suis inquiète de me retrouver à dormir à ses côtés. Comment puis-je faire ? Dire que je vais dormir sur le canapé du salon ? Il va me répondre que c'est ridicule, il risque de s'agacer, voire pire. Résignée, je vais dans la chambre, je me cale dans mon coin, au plus loin de lui, demain je pourrai trouver une solution et aller chez ma soeur ou rester auprès de ma mère, oui c'est une bonne excuse, tenir compagnie à ma maman, pour la soutenir, le temps du rétablissement de mon père. Oui je ferai ça demain. C'est parfait !

Je sens Cyril se glisser dans le lit, doucement il s'approche de moi, il devient insistant, il veut me presser contre lui. Un frisson de dégoût me traverse, ses mains viennent se poser sur moi. Non, il ne va pas oser !

- Cyril, je suis très fatiguée, je voudrais dormir, tout de suite.

- Manon, je viens de me faire 36 heures d'avion en 3 jours, je pense que j'ai droit à une certaine marque de reconnaissance de ta part !

Je suis soufflée par cette réponse, il en est hors de question, plus jamais je ne lui laisserai poser la main sur moi. Je me lève d'un bond du lit et vais pour partir. Je n'ai pas le temps de finir mon mouvement qu'il m'a attrapée, collée sur le matelas et s'est positionné à califourchon sur moi en me tenant les poignets. Je suis bloquée, je tente de me libérer, mais il est évidemment beaucoup plus fort que moi. Quelle conne, comment j'ai pu me faire avoir aussi facilement !

- Cyril, tu peux me lâcher, s'il te plait ? Je veux juste que tu me laisses.

- Tu crois vraiment que tu vas à nouveau m'échapper ?

Je suis coincée, il faut que je trouve à l'amadouer.

- Cyril, j'ai mal à la tête, je veux juste quelque chose.

- Tu bouges sacrément vite pour quelqu'un qui a mal à la tête.

- Oui tu as raison, mais tu comprends, je suis tellement à fleur de peau. J'ai peur pour mon père.

- Ok, très bien ! Ne bouge pas, je vais te chercher ça !

- Oui ce serait gentil de ta part, merci.

Je lui fais un sourire, pour le rassurer. Il me scrute. Je tente de rester convaincante. Sans basculer dans le mode idiote.

- Reste là, ne bouge pas !

Je le vois hésiter, réfléchir. Il me relâche, je me force à ne pas bouger, tout va bien. Il se lève, je me passe les mains sur le visage comme pour masser mes tempes. Et me tourne comme si je voulais me pelotonner dans la couette.

Je le sens dans mon dos qui m'observe.

Je suis le bruit de ses pas. Il va dans la cuisine. Je dois trouver une solution. Il m'est impossible de sortir alors qu'il est réveillé et j'ai bien noté qu'il avait tourné tous les verrous, même celui avec la clé. Et vu que c'est lui qui a conduit ma voiture, c'est lui qui a mes clés.

Il faut que je fasse la malade pour ne pas qu'il m'oblige à faire l'amour avec lui. Juste cette idée me donne la nausée. Oui, je rentre d'un séjour tropical et surtout d'un naufrage. Je vais jouer là-dessus. Il revient enfin, je veux dire qu'il a mis du temps. Il me tend un verre.

- Bois !

Je prends le verre, il y a bien l'effervescence du médicament. Il me presse de finir.

- Maintenant, repose-toi ! Me dit-il

Je le fixe, il ne va pas insister.

Je me tourne dans mon coin, soulagée !

*****

Angoisse ! Angoisse ! Angoisse !

Manon est bloquée dans cet appartement avec cet homme qu'elle sait maintenant tordu !

La situation est très délicate.

Je sais, je suis méchante de vous laisser dans cette inquiétude ;)

*****

Je sais que vous trouver sûrement Manon idiote de s'être fait si facilement bloquer par Cyril.
- Pourquoi l'a-t-elle suivie ?
- Pourquoi n'a-t-elle pas immédiatement appelé sa sœur ?
- Pourquoi n'a-t-elle pas frappé Cyril pour se venger ? Ou demandé à Sam d'intervenir ?...
Bref, tout sauf suivre Cyril.

Pour une personne extérieure toute cette situation et simple.
C'est un enfoiré de première ! Et le plus loin est le mieux.
Je valide à 100% !

Mais Manon est une victime soumise depuis de nombreuse années, et ce n'est pas en une semaine que la déprogrammation se fait. Comme un drogué soumis à une dépendance, il faut le temps d'une cure et d'un changement de cadre pour décrocher. Manon était dans ce nouveau cadre, mais le temps lui a manqué !

Cyril a immédiatement repris une position de dominant directif et présent pour l'empêcher d'envisager d'autres solutions... (Tel le shoot de drogue, elle ne touche plus terre !)

Avec des sollicitations en rafales  : "On a très peu de temps si on veut pas rater le vol ou tu perds 24h..." Ou le fait de monter pour faire les bagages pour qu'elle n'ait pas deux minutes seule... Pour réfléchir et donc envisager d'autres options.

Manipulation et soumission ! 😣😖😰

Ce qui explique aussi pourquoi elle n'a pas pensé à récupérer son téléphone pour appeler et qu'elle est partie avec Cyril, docilement. Le tout soupoudré d'une de ses plus grosses angoisses, la peur de perdre une personne importante dans sa vie.

Un cocktail fatal !


Échappée vers la passion [ Terminé ]Opowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz