Ses bras m'entourent, en même temps que sa chaleur. Damon me serre contre lui, silencieux et attend patiemment que je me calme.
Il finit par s'asseoir à côté de moi, le dos calé contre le meuble du lavabo, et m'emporte avec lui. Je me retrouve assise entre les jambes, mon front appuyé contre épaule, ses bras toujours autour de moi.
Je pleure longtemps, je crois, tandis que Damon me caresse le dos et attend que la vague passe. Je voudrais m'enlever de son étreinte, m'éloigner le plus loin de lui pour ne pas risquer de le blesser, mais je n'en ai pas la force. Pas maintenant.
Mes pleurs s'arrêtent peu à peu, pour laisser totalement place au silence. Je me concentre sur les battements de son cœur, c'est la seule chose qui parvient à me calmer. Je finis par me redresser, Damon pose sa main sur mes joues pour essuyer mes larmes. Ses yeux bleus me regardent avec amour, me sondant jusqu'à l'âme.
- Tu ne devrais pas rester près de moi, murmuré-je, je suis trop dangereuse.
Il ne dit rien, se contentant de regarder mon visage. Il attrape doucement mon menton et m'attire contre ses lèvres, son baiser est tendre et me fait complètement fondre.
- Je n'ai pas peur de toi, dit-il contre mes lèvres, je n'ai jamais eu peur de toi.
- Moi, si. J'ai peur de te faire du mal, de vous en faire à tous.
- Il ne nous arrivera rien.
- Qu'est-ce que tu en sais ?
- Chris m'a tout raconté, il m'a dit ce qui s'est passé avec la reine et ses fils. Ils t'attaquaient et tu n'as fait que te défendre.
- Ce n'était pas que ça, Damon, je n'ai pas voulu que me défendre.
Il fronce des sourcils et s'écarte légèrement de moi, je baisse les yeux et enfouit mon visage dans mes mains. Les souvenirs de ce qui s'est passé remontent lentement dans mon esprit, mais c'est confus, comme si je n'avais pas été moi-même durant une partie du combat.
Je baisse mes mains, mais garde les yeux baissés. Incapable de soutenir son regard.
- Je crois...je crois que j'ai eu envie de le tuer.
Je sens la respiration de Damon se couper, et son cœur s'accélérer.
- Quand il m'a frappé, j'ai senti une rage monter en moi et j'ai perdu le contrôle. Ce que j'ai fait, c'était comme si ce n'était pas moi aux commandes. C'était quelque chose de bien plus sombre et...maléfique, j'ai voulu le tuer.
- Tu n'as fait que te défendre. Angel, tu étais seule contre quatre hommes, n'importe qui dans ton cas aurait fait la même chose. Il n'y a rien de maléfique en toi !
- Mais qu'est-ce qui se serait passé si je l'avais tué ? dis-je en le regardant dans les yeux. Un Gardien ne peut pas commettre un meurtre. Et si la prochaine fois qu'on m'attaque, je finis par blesser l'un de vous ou pire ! Je ne me le pardonnerai jamais !
- Il peut arriver n'importe quoi avec des ''si''. Et si je ne t'avais pas rencontré, si tu avais choisi Dylan au lieu de moi, si on était comme n'importe quel jeune de notre âge ? Et si tout ce qu'on fait ne servait à rien et que, peu importe nos choix, la destination sera la même ? On ne sait pas ce qui aurait pu se passer, et on ne sait pas ce qui se passera demain. Tu n'as fait que te défendre contre un ennemi qui menaçait ta vie, j'aurais fait la même chose à ta place et peut-être pire encore. Alors je ne crois pas qu'une force maléfique est pris ta place, tu n'es pas comme ça, je le sais.
Il me caresse la joue, son regard rempli de douceur et d'amour dont je n'arrive toujours pas à m'habituer. Il m'aime malgré tout ce qui peut se passer, sa confiance est sans limite et elle surpasse ma propre confiance en moi.
- Je ne peux pas croire que la femme que j'aime soit maléfique, tu n'es pas comme ça et tu ne le seras jamais.
Il m'embrasse, me faisant oublier le monde autour de nous et les craintes qui me tord le ventre. Damon à ce don d'apaiser toutes mes peurs et de me donner l'espoir qu'il me faut. Je sens sa main descendre jusqu'à mon cou et j'entends son cœur s'accélérer. Je m'accroche à son t-shirt comme si ma vie en dépendait, comme si c'était la dernière bouée de sauvetage qui me permet de ne pas sombrer. Mais comme toujours, cette osmose entre nous est coupée. Quelqu'un frappe à la porte, et la voix de mon frère résonne de l'autre côté.
- Ça va là-dedans ?
- Ça irait mieux si tu n'étais pas là, soupire Damon.
On entend mon frère ricaner, ce qui réussit aussi à me décrocher un sourire.
- Je vois, dit-il en s'éloignant de la porte, mais ça devra attendre. Stephen n'a pas perdu de temps pendant qu'on n'était pas là, il veut qu'on se dépêche de trouver le dernier élément. Aller, venez.
Je soupire. Nous venons à peine de rentrer et il veut déjà que l'on reparte pour je ne sais quelle destination.
- Eh, murmure Damon en attirant mon attention, ça va aller ?
- Il le faut bien. Mais je crois que Stephen est le plus impatient de nous tous
- Ouai, il veut sûrement que l'on soit prêt pour la prochaine attaque de Nya. Et il veut sûrement en finir avec toute cette histoire, d'ailleurs moi aussi. J'ai hâte de pouvoir enfin me poser plus d'une semaine au même endroit.
- Dans notre maison ? dis-je avec le sourire.
- Ouai, dans notre maison.
Je l'embrasse, rêvant de pouvoir enfin poser mes bagages quelque part et pour une durée indéterminée. Mais pour l'instant, les plans ne nous permettent pas de laisser place aux rêves.
Nous retrouvons tout le monde dans le salon. Stephen est le seul debout, tenant un livre dans ses mains. Je m'assois entre Damon et mon frère, sentant le regard du sorcier peser sur moi.
- Très bien, dis-je pour briser le silence, donc c'est à mon tour.
- Oui, répond Stephen, et je tiens à vous prévenir, tout de suite, que ça ne sera pas facile.
- Parce que ça l'était pour les autres éléments ?
Je m'attends à recevoir une réflexion de la part de celui qui est censé être ''mon père'', mais il me regarde en souriant légèrement, ce qui me surprend et étonne Chris qui le regarde avec de grands yeux.
- D'après les informations que j'ai pu avoir, reprend Stephen comme si rien n'était, la porte de l'Esprit se trouve sur une île.
Une île ? Le visage de Nya refait surface dans ma tête, elle m'avait effectivement parlée d'une île.
- Quel est le problème avec cette île ? demande Dylan. Ça ne peut pas être aussi simple.
- Effectivement. L'île ne peut être accessible que par un portail qui n'existe pas.
Dylan éclate de rire, sous nos regards remplis d'incompréhension. Il se penche en avant et tente de reprendre son sérieux à plusieurs reprises tandis que nous restons sans rien dire.
- Tu te fous de nous ? dit-il en reprenant son souffle.
Stephen le fixe, sans savoir quoi répondre.
- Oh putain, ce n'est pas une blague. Et comment on est censés aller sur une île sans portail ?
- On ne peut pas, répond le sorcier. Le recueil de votre grand-père dit bien que le portail a été détruit après leur retour, et il n'y a aucune trace d'une autre porte capable de vous emmener là-bas.
- Génial, soupire Dylan, et il a dit comment il a trouvé ce portail ?
- Non, la seule chose de marqué est : ''Par les cinq, il apparaîtra''
- Super. Merci grand-père, ça nous aide beaucoup.
Dylan plonge sa tête dans ses bras, tout le monde semble fatigué. Mon regard se perd vers la fenêtre et les arbres plongés dans le noir. Dans ma tête, je repense à ce que m'a dit Nya. Est-ce que c'était vrai ? Est-elle vraiment au courant de comment nous pourrions atteindre l'île, ou est-ce un piège pour m'attirer dans ses filets ?
Je ne peux pas répondre, ni partager ces questions avec les garçons, ils les balayeront sans y prêter une seconde d'attention. Alors comment faire ?
- Je pense que le mieux pour l'instant, reprend Damon, c'est d'aller tous se reposer. Nous n'avons pas arrêté ses derniers jours et je crois que nous avons tous besoins d'une pause, les recherches peuvent attendre demain.
- Mais nous devons trouver l'île au plus vite, rétorque Stephen, c'est votre dernier obstacle. Nya pourrait surgir d'un moment à...
- Nya ne veut qu'une seule chose, le coupé-je, l'Ordre. Tant que nous ne serons pas tous des Gardiens, elle ne pourra pas en prendre le contrôle. Ce ne serait pas dans son avantage de venir nous tuer maintenant. La dernière attaque n'était qu'une façon d'évaluer notre force, elle n'a pas cherché à nous éliminer.
- Comment tu peux en être sûre ?
- Parce que c'est ce que je ferai à sa place. Sans nos pouvoirs, elle ne peut rien faire.
Ma phrase fait écho dans mon esprit et éveille une idée que je n'aurais jamais évoquée auparavant.
- Alors c'est décidé, finit Damon, on reprendra les recherches demain.
Stephen soupire, mais il lâche l'affaire et capitule. Chris dépose un baiser sur ma joue et se lève avec Savana pour aller se coucher. Matt et Lexie font de même et partent, main dans la main.
- Tu viens ? me murmure Damon.
- J'arrive dans deux minutes.
- Ok, je vais prendre une douche.
Il m'embrasse rapidement et disparaît du salon. Je reste silencieuse devant Stephen et Dylan qui sont restés, et attend que Damon ne puisse plus nous entendre. Les deux hommes se regardent, sans comprendre ce qui se passe.
- Angel, me dit Dylan, qu'est-ce que tu as ?
- Je pense savoir ce qu'on doit faire pour trouver l'île.
- C'est-à-dire ?
- La dernière fois qu'on a vu Nya, elle m'a dit qu'elle était la seule à savoir comment se rendre sur l'île.
- Attends, m'interrompt Dylan, ne me dit pas que tu comptes réellement faire ce que je pense ?
- Peut-être bien.
Dylan prend sa tête entre ses mains et se relève. Stephen reste bouche bée devant moi. Je me lève à mon tour et fais quelques pas dans le salon en regardant les dizaines de livres et de cartes qui trainent sur la table.
- Tu cherches à mourir ou quoi ? s'énerve Dylan.
- Bien sûr que non. Mais comme je l'ai dit, Nya ne va pas chercher à nous tuer, elle a besoin de nous en tant que Gardien.
- On ne peut pas en être sûr ! On ne sait pas ce qu'elle veut exactement !
- Elle me veut moi ! Parce que c'est par moi qu'elle pourra faire basculer l'Ordre !
- Et donc la solution que tu proposes c'est d'aller te livrer à elle sur un plateau d'argent ! Tu penses vraiment que Damon va te laisser faire, ou même Chris ?
- C'est pour ça qu'ils ne doivent pas être au courant ! Tu es le seul qui ne m'en empêchera pas !
- Comment tu peux en être sûre ?
- Parce que tu es incapable de me dire non !
Le ton est monté et la distance entre nous c'est réduit. Je me demande comment Chris ou Matt font pour ne pas nous entendre, mais je balaye rapidement cette question en même temps que la présence de Stephen. Dylan est tellement proche que je peux sentir son souffle sur mon visage, le monde autour de nous est complètement effacé par sa présence.
- Tu ne peux pas me dire non, dis-je beaucoup plus bas, parce que tu es complètement aveuglé par les sentiments que tu as pour moi.
Il me fixe attentivement, sans rien dire, il sait que je peux lire en lui comme dans un livre ouvert. Je sais ce qu'il ressent pour moi, parce qu'une partie de moi ressent la même chose, seulement mon lien avec Damon est trop fort et efface pratiquement ses sentiments.
- Rien ne nous dit qu'elle est au courant de quelque chose, reprend-il calmement.
- Mais on ne le saura pas tant que l'un de nous n'ira pas la voir, et elle ne voudra parler à personne d'autre que moi.
- Damon va me tuer, et il s'occupera ensuite de ton cas.
- Oui, je n'en doute pas.
Il soupire et passe ses doigts dans ses cheveux sans me quitter des yeux. Je ne pense pas que d'autre choix s'offre à nous, en tout cas dans l'immédiat. Nya a peut-être des réponses, et nous avons besoin d'aller sur cette île. Je suis prête à pactiser avec le diable s'il le faut.
- On va devoir encore mentir, c'est ça ? dit-il.
- Oui, une dernière fois. En tout cas je l'espère.
- Moi aussi.
Le monde réapparaît, et Stephen aussi. Il a assisté à toute la scène sans dire un mot et ne semble pas confiant à me dissuader, de toute manière j'ai déjà donné tous mes arguments et qu'il le veuille ou non, je partirai.
- Bien, je pense que ça ne sert à rien que je donne mon point de vue.
- Non, dis-je, la décision est déjà prise. Maintenant, il faut que je sache où elle se trouve.
- Je m'en occupe, répond Stephen, elle ne cherche pas à effacer ses traces. Grâce à mon réseau de sorciers, il ne me faudra que quelques heures pour la repérer. Je m'occupe aussi de la voiture.
- Et moi du portable, reprend Dylan, je veux garder un moyen de communiquer avec toi. Juste au cas où.
- Merci, la seule chose qui reste c'est un moyen de détourner l'attention de Damon. Il ne doit pas me voir partir.
Je fais les cent pas dans le salon, cherchant un moyen de tenir Damon assez éloigné de moi pour me laisser le temps de partir et de mettre une bonne distance entre nous. Il ne doit pas se douter de quelque chose.
Je perçois des pas provenant du couloir, tout le monde se tend. Lexie apparaît enfin dans l'encadrement de la porte. Elle s'avance, hésitante, avec un petit sachet dans les mains qu'elle me tend, les mains tremblantes. Je prends alors le sachet et la regarde perplexe.
- Ce sont les herbes que je t'ai données la dernière fois, celles qui t'ont fait dormir. J'ai entendu ce que vous avez dit et même si je ne suis pas vraiment d'accord avec ce que tu comptes faire, je comprends quand même que tu veuilles partir. Avec ça, Damon dormira jusqu'à demain midi, ça te permettra d'avoir une petite longueur d'avance.
- Lexie, je...
- Non, me coupe-t-elle, ne t'inquiète pas. Je ne dirais rien, même pas à Matt. Tu m'as aidée plus d'une fois et sans toi, je serais encore en train de vivre dans la rue. Alors si je peux t'aider, je veux le faire.
- Merci Lexie.
Je la prends dans mes bras et la serre fort contre moi, je sens des larmes couler sur mon épaule. Elle pleure, mais elle finit par se détacher de moi et cache son visage en baissant la tête.
- Verse les dans un verre avec du jus, il ne sentira rien, ça agira pratiquement tout de suite.
Elle tourne rapidement les talons et disparaît dans sa chambre sans un bruit. Je prends quelques secondes pour me ressaisir et me tourne de nouveau vers Dylan et Stephen.
- Très bien, dis-je, voiture, téléphone et diversion. Il nous manque autre chose ?
- Non, répond Dylan, je ne pense pas. Je vais m'occuper du reste, tu devrais aller te coucher.
- Ok, merci.
Je vais dans la cuisine pour prendre un verre de jus, j'y verse ensuite les herbes et me rends dans la chambre. Damon est déjà sorti de la douche, il a encore les cheveux mouillés. Je m'approche de lui, et dépose le verre sur la table de chevet pour pouvoir attraper la serviette sur le lit.
Je la lui passe sur la tête et frotte ses cheveux, ses mains remontent le long de mes jambes alors que mes souvenirs m'emmènent au soir où nous nous sommes liés. J'avais fait exactement la même chose, mais je ne comptais pas l'abandonner ensuite.
Une fois ses cheveux secs, je jette la serviette au sol et lui tend le verre. Il me remercie et le boit d'une traite. Un sentiment de culpabilité me ronge. Est-ce que c'est vraiment la seule solution ? C'est en tout cas la seule qui me vient.
Je reprends le verre et le repose, ses yeux sont déjà en train de se fermer.
- Je suis crevé, me dit-il.
- Allonges-toi.
Il m'écoute, et se glisse sous la couverture. Je mets rapidement un t-shirt et un léger short, puis le rejoint dans le lit.
Damon m'entoure dans ses bras, son visage tout près du mien.
- On reprendra sérieusement les recherches demain, dit-il, je suis sûr qu'on finira par trouver quelque chose.
- Je n'en doute pas une seconde.
Je souris, car je sais que ce sont les herbes qui l'aident à parler plus facile.
- Je te promets qu'on va finir par trouver, et toute cette histoire sera derrière nous. On pourra vivre comme deux personnes normales, on sera heureux et on aura plein d'enfants.
- Pleins ? dis-je en rigolant doucement.
- Oui. Deux, trois, quatre ou cinq, si tu le veux. On fera tout ce que tu veux, Angel, parce que je suis dingue de toi et je ne veux que ton bonheur. Tu es la femme de ma vie, et je ne veux que toi. Je n'ai toujours voulu que toi. Tu sais que je t'aime.
- Oui, je le sais. Et je t'aime plus que tout, Damon. Je t'aimerais toujours.
Il ferme les yeux, avec un sourire sur les lèvres. Je me colle encore plus à lui, comblant le moindre centimètre de vide entre nous. J'aimerais lui dire que je ne serais plus là à son réveil, lui dire au revoir. Mais j'en suis incapable, parce que je ne sais pas si je vais revenir. Qui peut le savoir ?
Je vais plonger dans la fosse aux lions sans aucune protection, ni plans de secours. Mes certitudes sont peut-être fausses, Nya me tend probablement un piège et je fonce droit dessus. Alors d'un côté, ma déclaration n'est pas seulement un au revoir. C'est un adieu.