Moi, Jean Thomas Collot - To...

By AMIVANKOVDIAZ

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+++++ ;) Récit gagnant du "Grand Prix Watt-Fémina-2018" (section Romans historiques) ;! +++++. Roman hist... More

Prologue : Corse (mars 1785 - juillet 1786) - Une Nuit
Moi, Jean Thomas Collot
Chapitre 2 bis : Vinrent les comédiens
Chapitre 3 : 1777 - Je suis soldat ! (1ère partie)
Chap. 3 bis : Comment conquérir une dondon et devenir caporal
Chapitre 3 (ter) : Aux Innocents les mains pleines
Chapitre 4 : Corse (mars 1785 - juillet 1786) - Arrivée
Chapitre 4 : Corse (mars 1785-juillet 1786) - Souper chez Monsieur de Marbeuf
Chapitre 5 : Corse (mars 1785-juillet 1786) - Une sorte d'espion...
Chapitre 6 : Corse (mars 1785-juillet 1786) - Musique et chants...
Chapitre 7 : Corse (mars 1785-juillet 1786) - Idéalisme ou réalisme ?...
Chapitre 8 : Corse (mars 1785 - juillet 1786) - Les Moustiques
Chapitre 9 : Corse (mars 1785 - juillet 1786) - A la plage
Chapitre 10 : Corse (mars 1785 - juillet 1786) - Le Chevalier à l'Orange
Chapitre 11 : Corse (mars 1785 - juillet 1786) - Olmeto
Chapitre 12 : Corse (mars 1785 - juillet 1786) - Attente
Chapitre 13 : Corse (mars 1785 - juillet 1786) - J'enseigne
Chapitre 14 : Corse (mars 1785 - juillet 1786) - Le Colonel peint
Chapitre 15 : Corse (mars 1785 - juillet 1786) - Chez le Bibliophile
Chapitre 16 : Corse (mars 1785 - juillet 1786) - Aux Bains
Chapitre 17 : Une nuit
Chapitre 18 : Corse (mars 1785 - juillet 1786) - Nous discutons
Chapitre 20 - Corse (mars 1785 - juillet 1786) - Retour sur Ajaccio
Chapitre 21 - Corse (mars 1785 - juillet 1786) - L' Adieu à l'isle
Chapitre 22 - 1787 : Les Jeux du hasard et de la mort - Je rumine
Chapitre 23 - 1787 : Les Jeux du hasard et de la mort - 2ème partie
Chapitre 24 - 1787 : Les Jeux du hasard et de la mort - Congé
Chap. 25 - 1787 : Les Jeux du hasard et de la mort - Il pleut sur Dourdan
Chapitre 26 - 1787 : Les Jeux du hasard et de la mort - Paris
Chap. 27 - 1787 : Les Jeux du hasard et de la mort - La Nouvelle Babylone
Chap. 28 - 1787 : Les Jeux du hasard et de la mort - Chez moi
Chap. 29 - 1787 : Les Jeux du hasard et de la mort - Crime et Reniement
Chap. 30 : Les Jeux du hasard et de la mort - Crime et Reniement (2 partie)
Chapitre 32 : 1788 - Et ce fut la fuite en avant (1ère partie)
Chapitre 33 : 1788 - Et ce fut la fuite en avant (2ème partie)
Chap. 34 : 1788 - Et ce fut la fuite en avant : Allons plus vite...

Chapitre 2 : Apprendre, malgré tout

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By AMIVANKOVDIAZ



       1774.  Une année de disgrâce plus tard, les plaies de mon corps guéries mais pas celles de mon âme, ayant onze ans passés  et besoin de travailler j'expliquai à mon père que je ne voulais plus peiner aux champs,  et cherchai à me placer comme commis. Grâce à ma cousine Pauline qui vivait en ville  je trouvai un engagement chez un marchand de draps, à Fontenay-le-Comte. Mes parents acceptèrent mon départ quand mon nouveau patron leur versa l'intégralité de mes gages pour une année, ce qui représentait peu. Mais mes parents avaient besoin de cette rentrée d'argent.

       Augustin Marais, marchand drapier,  m'avait accepté  comme commis, alors que je ne connaissais rien au commerce des draps et toiles, car il avait besoin en urgence d'un nouvel employé lui coûtant peu. Le précédent était mort des suites d'une fièvre quarte attrapée en se baignant dans un marécage.

    Innocent et inculte, mais fier comme Artaban, j'avais serré la main de mon père et ma mère m'avait pris  dans ses bras un long moment, une dernière fois. Je partis par la grand'route,  chemin défoncé, boueux, plein de fondrières, serpentant au milieu du bocage  me menant vers ma nouvelle vie.  

      Heureux. J'étais heureux. J'avais mis ma veste à boutons de laiton, râpée mais que je portais comme un manteau de prince. Dessous : ma chemise de lin, non pas neuve mais bien propre, dans mes poches deux mouchoirs de batiste brodés par ma mère et un petit couteau, cadeau de mon père. Mon premier couteau tout à moi ! Pour tout bagage un petit baluchon et en main un bâton de marche fait d'un vieux bois noueux,  solide et au bout ferré. Mon père me l'avait remis avec solennité juste avant mon départ.

     Je me croyais unique mais étais fort semblable à ces petits valets de ferme, ces commis sans avenir, ces apprentis des ateliers, mes compagnons en pauvreté, mais « riches de nos espérances » comme je le lirai plus tard dans un roman.

       Le marchand de toiles, draps et tissus Augustin Marais était grand, rond, roux, presque sans cheveux  -calvitie qu'il cachait sous une petite perruque poudrée comme c'était la mode en ce temps-là -  et étonnamment optimiste. Formant contraste : son épouse petite, sèche, laide, maussade,  leur fille, Odette, rondelette, borgne à la suite d'un accident, encore plus maussade que sa mère, mais qui fut toujours gentille avec moi. Pour compléter le tableau un fils, François, gras, laid et bête.

     Monsieur Marais semblait fort content de son sort. Les affaires marchaient bien. Me voyant étonné par un homme à ce point satisfait d'une vie étriquée, d' une femme aussi peu avenante, d'enfants peu gratifiants un voisin m'expliqua :

      " La mère Marais a apporté la boutique en dot. "

      Ceci n'expliquait pas tout.

     Quelque temps après, un esprit fort de cette petite ville m'apprit que ce n'était pas la seule famille de mon patron : une petite demoiselle bien jolie — que je découvris être ma cousine Pauline —  flanquée d'un enfant mignon, roux et éveillé. Ce n'était pas du stoïcisme de la part d'Augustin Marais, mais  une vie bien cloisonnée.

   Je restai trois ans chez le père Marais. Trouvant mon écriture belle, et sachant  calculer  les quatre opérations qu'il m'avait soumises, j'avais eu le poste. Sous sa houlette rigoureuse j'appris à mesurer les draps, à les vendre, à tenir des livres de compte et à très bien calculer, surtout les grands nombres et les chiffres romains dans lesquels je me perdais alors. Avec  beaucoup de fierté Monsieur Marais prétendait descendre – mais par la main gauche - de François Viète, illustre mathématicien dont je n'avais jamais entendu parler. Cette aisance qu'avait mon patron avec les chiffres, son sens de l'opportunité des bonnes affaires, et une certaine élasticité  morale, permirent au père Marais, des années plus tard, de largement graisser la patte de plus d'un " incorruptible " et sourcilleux agent de la République et d'obtenir, à des prix plus qu'amicaux, des biens nationaux de toute beauté et de très bon rapport.

        Dans cette boutique je découvris au contact des clientes, en leur souriant de toutes mes dents,  que je leur plaisais : des servantes aux riches dames, en passant par les jolies demoiselles.

        J'étais encore très jeune, mais grand pour mon âge. Elles ne se gênaient pas pour me caresser les cheveux et les joues, me souriaient, sans même songer à me demander un rabais sur les tissus. De toutes façons je ne fixais pas les prix. A l'époque j'étais le « petit Collot » et ne pouvais que rêver au jour où je deviendrai autre chose que le « petit Collot ».

      « Oh, comme votre nouveau commis est mignon ! Il a de beaux yeux bleus », minaudaient-elles devant moi. Gêné, rougissant je baissais la tête, souhaitant m'enfoncer dans le sol.

         J'étais mal à l'aise, plus habitué à ce qu'on me rudoie qu'à ce qu'on me complimente. Seule ma mère m'avait complimenté de rares fois. Avec le temps devenant moins sauvage je comprendrai l'immense intérêt d'être aimable avec les femmes.

      Le jour de mon arrivée, après que Monsieur Marais m'eut expliqué en quoi consistait mon travail, m'eut présenté à son épouse et à ses deux rejetons sans intérêt, et sans même me laisser le temps de me débarbouiller de la poussière de la route ou offrir un petit quelque chose à mon estomac qui gargouillait sauvagement de faim, je fus mis de suite au travail. Cette journée se révéla à l'image de bien d'autres en ce lieu : longue et monotone -sauf quand une cliente venait à la boutique. La besogne de commis chez ce marchand de draps et tissus n'était pas ce qu'il y avait de plus dur. Dans les mois qui suivirent je rencontrai d'autres petits commis et apprentis du bourg qui,  moins chanceux, ployaient  sous une lourde charge de travail. Les jours où mon travail me semblait ennuyeux je me rappelais l'éprouvante peine quotidienne qu'était la vie à la métairie et cessais de me plaindre.

         A la fin du travail, et alors que je pensais être tombé dans une maison où on avait comploté de me laisser mourir de faim, Madame Marais parut, renfrognée, et annonça :

      " A la soupe ! "

     Il était temps. J'avais grand'faim et envie de dévorer les draps.  Je suivis mon patron dans la cuisine.

         Elle me sembla une vaste pièce, était propre, aux murs sainement chaulés, bien chauffée par une belle cheminée. Je fus impressionné par le sol en carreaux n'en ayant jamais vu. Je connaissais les parquets en bois, comme celui de la boutique et les sols en terre battue, comme  chez presque tout le monde. Mais, plus intéressante que ce décor, se trouvait être Julie et  rougis quand Marais me la présenta. Elle était grande, en ce temps-là d'une bonne tête de plus que moi,  plus âgée que moi, et surtout une très jolie blonde. Je fus surpris d'apprendre qu'elle était une lointaine petite cousine de Madame Marais. Elle n'avait pas hérité de la laideur de la patronne. 

        Julie étant pauvre travaillait comme servante. Pendant trois années elle fut l'objet de tous mes rêves, tous mes désirs, sans que le garçon nigaud que j'étais, tel un Saint-Preux qui s'ignorait, ne fisse autre chose que rêver. 

        D'ailleurs cela eût été inutile : Julie passa ces années à soupirer vainement après Armand, le fils de l'apothicaire,  jeune homme court sur pattes, fat, précieux,  astiquant ses pots en faïence, se parfumant, peignant sa perruque poudrée à la dernière mode, portant de coûteux gilets trop ajustés en satin de soie brodée et s'admirant dans les miroirs et les vitres.

      Julie, l'ornement de cette cuisine et de ma jeune vie ! Tout comme la nourriture qui enfin fut servie. Mes narines frémissaient. Je sentais, tel un petit loup affamé, l'odeur du bouillon et des légumes de la soupe et, surtout, le fumet de la viande dans cette désirable soupe. 

       " Pourvu qu'il y ait un morceau de viande pour moi ! "

         Oui !  Le potage était généreux et une seconde soupière fut apportée, tout aussi pleine, de larges tranches de pain frais et un grand pichet de vin. Je dévorai comme un goret ! Le nez dans mon assiette, engloutissant, comme si j'avais peur que quelqu'un vienne voler ma nourriture. Rassasié je levai la tête de mon assiette,  m'aperçus que les autres prenaient leur temps pour manger, tout en discutant de leurs petites affaires, des ragots de la ville. Fromage et dessert vinrent compléter ce tableau d'abondance.  Ici nul ne souffrait de la faim. Enfin un endroit où on peut manger à satiété ! Finies les affres de la faim ! Adieu disettes ! Je pus grandir quelques années sans la grand'peur de manquer de nourriture.


La soupente et les bouquins....


        A la fin du repas j'aidai à laver la vaisselle. C'est un travail de femme, mais petit commis je ne pouvais échapper à la corvée.  Repu et bien décidé à laver de bonne grâce, cela me permettait de rester près de la jolie Julie,  lui souriiant sans mot dire, l'air très niais.

       Puis Marais monta avec moi deux étages pour me montrer ma chambre. Chambre est un bien grand mot pour une minuscule soupente sous les toits qui servirait de repaire à mes espoirs,  mes lectures,  mes rêves pendant trois ans.

      Une paillasse propre, une chaise, une petite table sur laquelle étaient posés un bougeoir, une chandelle et un petit miroir cassé sur un angle ; pour compléter ce « riche » ameublement un coffre en bois vide et une fenêtre basse donnant sur des toits sans charme. 

     Julie  m'apporta un drap et une couverture. J'osai enfin lui dire quelques mots :

    « Vous êtes très jolie, Demoiselle, murmurai-je.

— Merci. » Elle s'éclipsa en minaudant. Parler aux femmes est un art et j'étais très, très loin de le posséder.

         Ce « royaume » sous les toits recelait des trésors. Levant la tête, Ô miracle,  je vis une étagère,  planche fixée au mur. 

        Et alors, me diras-tu ami lecteur avec raison, s'extasier sur une planche ? Toute la beauté de cette planche venait des livres que je découvris dessus.

       Me hissant pour les atteindre  je clamai :

        « MA bibliothèque ! »,  me sentant conquérant du savoir, général en chef de mes bouquins.

        Dès le premier livre j'éternuai sous l'assaut de la poussière.  Nul n'avait fait l'effort de les lire  depuis une éternité.     

      « Salut les amis, dis-je aux livres, fini le temps du repos ! »

       Ils avaient été laissés  par un peintre sans le sou, sans attache,  gagnant sa vie en peignant des portraits au hasard de ses errances. Il proposa au maître drapier de peindre son épouse et ses enfants. Marais s'empressa de refuser. Il lui suffisait d'avoir sous les yeux sa famille officielle, jour après jour, pour ne pas souhaiter en laisser une trace pour l'éternité. Mais, en toute discrétion, mon patron s'attacha les services de l'artiste pour faire le portrait de sa jolie maîtresse et de son mignon rejeton adultérin. 

       Ce peintre peignait vite et «très embellissant» appréciaient ses clients, hobereaux et bourgeois des campagnes se rêvant mécènes des arts à l'égal des princes. Ce vagabond céleste aurait pu bien vivre de son art, mais  buvait tous ses gains. N'ayant plus de nouvelle tête à peindre et ayant épuisé tout son crédit auprès des auberges  locales il laissa les livres en gage au père Marais et promit, sans tenir parole, de revenir un jour. 

      Le boutiquier ne lut pas ces livres abandonnés :

      "Je n'ai pas de temps à perdre avec ces romans inutiles. Il faut lire les gazettes qui informent de ce qui se passe, des prix des grains, de la laine et autres denrées."

      Grâce à cet artiste, que je ne connus jamais,  je lus mes premiers romans.

    Dans ma bibliothèque inespérée je trouvai, en trois tomes, un livre titré « Gil Blas de Santillane » par Monsieur Le Sage, à Amsterdam. Qu'était-ce donc qu'Amsterdam ?  Ce roman me plut tant que je le dévorai des dizaines de fois. Il narrait les aventures d'un domestique, héros d'aventures plus folles les unes que les autres, dupé par des tricheurs de toutes sortes, errant d'un lieu à l'autre, servant des maîtres bizarres, croisant des voleurs, des comédiens, des poètes ridicules, des femmes aimables ou de mauvaise vie -ou les deux à la fois-, des maris cocus, des moines, des nobles ruinés, des courtisans trop riches, des enlèvements, des auberges, des palais, des prisons... Un fouillis de monde comme je n'en avais jamais vu, ni lu. Une explosion de vie. Gil Blas m'inspirait : il commençait sans rien, à part une méchante mule et finissait riche et puissant.   Que d'aventures ! Je voulais être Gil Blas, mais en  mieux.  Etre un héros, oui, et maître de mon destin !

     Le livre suivant était « Candide ou l'optimisme, traduit de l'allemand de Monsieur le Docteur Ralph ».  J'ignorais qu'il s'agissait du pseudonyme du célèbre Voltaire. De toutes façons je ne savais pas ce qu'était un pseudonyme et qu'il existât un « Voltaire ». Sur la première page les lettres MDCCLXI imprimées étaient encore plus mystérieuses. Les bonheurs et  malheurs du héros Candide et de ses compagnons m'enchantaient.  Gil Blas m'avait fait découvrir un pays, Candide me dévoilait la Terre entière : tant de pays sur notre Terre et je n'en connaissais  rien.  J'avais envie de faire pareil,  d'aller voir ailleurs, même si le livre se finissait par « il faut cultiver notre jardin », perspective qui me réjouissait peu. J'avais sarclé la terre avec mon père sans y trouver rien de fascinant.  Je n'avais pas alors bien compris ce livre et sa morale.

      Je ne savais pas qu'en « Gil Blas » et « Candide » le destin heureux avait déposé entre mes mains deux des plus grands romans de ce siècle-là. 

       Puis je dénichai un traité de dessin : « La Nouvelle Méthode pour apprendre à dessiner sans Maître », de Charles-Antoine Jombert,  « Où on explique par de nouvelles démonstrations les premiers éléments et les règles générales de ce grand art avec la manière de l'étudier pour s'y perfectionner en peu de temps. Le tout accompagné de quantité d'exemples, de plusieurs figures académiques dessinées d'après nature, et les proportions du corps humain d'après l'Antique, enrichi de cent vingt planches. M. D. CC. LV. » La page de garde de ce traité de dessin indiquait que l'auteur était libraire du Roy, pour l'Artillerie et le Génie, vis-à-vis la rue des Mathurins à l'Image Notre-Dame. Mais qu'étaient-ce donc que l'Artillerie et le Génie ? 

      A mon grand étonnement je découvris, au milieu des planches de dessins, des représentations d'hommes et de femmes nus. C'était la première fois que je voyais dessinés des femmes nues. Ce n'était pas dans les livres du curé qui m'avait appris à lire que j'aurais pu apercevoir semblables gravures. Je trouvai aussi des feuilles vierges, quoique maculées d'humidité, et une mine de plomb pour dessiner. 

     " Voilà un art intéressant."

       J'appris ainsi seul à dessiner.

     Ma bibliothèque se concluait par six petits cahiers intitulés « Arrest de nosseigneurs de la cour du parlement, portant défense aux personnes de condition commune... de chasser, porter armes à feu, avoir pigeons, et tirer, sur iceux, ny les prendre avec appasts, ou autres engins. » En un mot si tu es roturier point de droit de chasse, de port d'armes et de pigeons. Mais le pauvre passe outre aux ordonnances royales autant que faire se peut... et brandit même l'arme à feu et l'épée, tout roturier qu'il soit, s'il se fait brigand...

          Plus que ces livres, Julie, jolie Julie, douce Julie, me chavirait le cœur ainsi que les  livres d'amour qu'elle me prêtait. Tout n'était que soupirs, attentes, désirs, pleurs, espoirs, amants, chevaliers, séparations, lettres envoyées,  perdues, volées :  le sentiment coulait à flot et les larmes itou. Je faisais mon miel, mon paradis de ces lectures d'une mièvrerie abyssale (1) qui à l'époque me bouleversaient autant, et même plus, qu'elles  bouleversaient Julie. 

     En grandissant je tentais de me rapprocher de Julie, qui me repoussait. Je finissais tout seul, tout triste par charmer le veuvage (2) dans ma soupente...


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1 : Notre jeune héros fréquente le Wattpad de l'époque...

2 : Devineras-tu, ami lecteur, ce qu'est « charmer le veuvage », occupation solitaire ?...

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3 : Illustration centrale : gilet d'homme en soie brodée, XVIIIe siècle. Photo extraite du blog "Le Temps de broder"  https://www.letempsdebroder.com/articles/gilets-brodes-18/

4 : Tableau du bas "La jeune lingère" par Louis Léopold Boilly
















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