La majorité de l'assistance était stupéfaite. Les deux hommes semblaient être capable de passer du mode passion au mode dispute et vice-versa en un quart de seconde à peine. Mais ce qui médusait Drago le plus, c'était la façon dont Harry tenait tête à son parrain. Sans pour autant que Severus n'en sorte diminué dans son autorité. Il avait pourtant lu beaucoup de choses sur les vampires et les calices, la domination qu'exerce le vampire sur son calice, mais leur relation semblait aller bien au delà. La domination du vampire n'était pas outrageante, et la soumission du calice non dénuée de malice.
Severus et Harry continuèrent à danser simplement, sans se quitter des yeux. Sereins. Lorsque la musique marqua une légère pause, plusieurs femmes s'approchèrent d'eux, les yeux avides. Le visage de Severus se ferma, et il prit Harry par l'épaule en disant froidement :
- Désolé, mesdames, Harry fait une pause.
Harry leur jeta un œil moqueur. Il repéra ensuite Mme Owen en grande discussion avec Mme Torvik, et tira doucement Severus dans cette direction. Celui-ci résista, mais lui dit simplement :
- Je dois parler avec Drago, je te rejoins plus tard. Mais gare à toi si tu te laisses embarquer à danser ! Et garde ton calme au moins cinq minutes, ça me fera des vacances !
- Je sais très bien le garder si on ne m'asticote pas sur certains points !
Dès qu'il fut près de Mme Owen, celle-ci lui fit un grand sourire complice :
- Décidément mon garçon, c'est à croire que toutes les personnes qui vous invitent ne souhaitent pas vous voir rester ! Voyez, ma chère Thérésa, ajouta-t-elle en se tournant vers Mme Torvik, Fudge a déjà tenté de le séparer de son compagnon lors de la commémoration de la victoire, et voilà Mme Nott qui lui reparle de celle qui a tué son parrain ! Comment ? Vous n'étiez pas au courant ? Mais vous savez bien que Bellatrix Lestrange était au département des mystères voilà deux ans, non ? Lorsque notre ministre a dû enfin reconnaître que Vous-Savez-Qui était de retour et où M. Malefoy a dû partir contre son gré à Azkaban d'ailleurs !
- Oui, certes, mais ...
- Alors vous serez d'accord pour dire avec moi que ce cher garçon a tout de même mieux à faire que de se faire maltraiter moralement dès qu'il met un pied en dehors de chez lui, non ? Ce que vous ne faites pas très souvent, d'ailleurs, mon cher Harry ? Je me trompe ?
- C'est vrai, avoua Harry. Nous restons le plus souvent chez nous.
- Et quelles sont vos occupations ? Demanda-t-elle malicieusement.
La lueur dans ses yeux fit monter sur les lèvres d'Harry une réplique qu'il dut se forcer à retenir.
- Je commence à croire que Severus voudrait que je connaisse déjà le programme entier de la première année d'auror, au moins pour la défense et les potions avant même que l'année ne commence !
- Il vous laisse voir vos amis tout de même ?
- Bien sûr ! Nous sommes même parti en week-end chez deux d'entre eux, ajouta-t-il en regardant Mme Torvik dans les yeux.
Celle-ci jeta de furtifs coups d'œil autour d'elle avant de demander d'une voix étranglée :
- Comment va Mark ? Mon mari ...
Elle ne put achever sa phrase tant elle semblait émue.
- Il est heureux avec Sven, répondit calmement Harry. Autant que je peux l'être avec Severus.
Mme Owen hocha la tête et fit un clin d'œil à Harry. Avant de les quitter en tête à tête.
Avant qu'Harry ne puisse ouvrir la bouche, Mme Torvik lui demanda :
- Je dois vous paraître bien égoïste de ne pas lutter contre la volonté de mon mari et de ne plus voir Mark ?
- Eh bien ...
- Que savez-vous des mariages sorciers chez les sang-purs, M. Potter ?
- Euh ... à vrai dire, pas grand chose. Ce n'est pas un mariage normal ?
- Non, M. Potter. Dans ces mariages là, les épouses ne sont que des pantins. Elles n'ont aucun droit. Tous les droits reviennent au mari. De sorte que si elles tentes de s'opposer à leur maris, elles peuvent absolument tout perdre : enfants, fortune, tout. Ils peuvent même s'opposer à ce qu'elles travaillent ...
- C'est de la dictature, s'insurgea Harry. Pourquoi avez-vous accepté ?
- Parce qu'il est de tradition pour une fille de ne pas s'opposer à la volonté de son père. Qui a les mêmes pouvoirs sur ses enfants lorsqu'ils sont mineurs. Et je me suis mariée la veille de mes dix-sept ans. Anna et Violine ont eu la chance d'y échapper car elles partagent les mêmes idées que leur père. Je crains en revanche que d'ici quelques années, ma pauvre Carolina, elle ...
- M. Potter, intervint une voix onctueuse et méprisante tout à la fois, je suis certain que vous ne refuserez pas à ma fille le privilège de danser avec vous ?
M. Torvik se tenait à côté d'eux, l'une de ses filles à son bras. Elle était aussi blonde que son frère, mais son air pincé lui rappelait grandement Narcissa Malefoy. Harry serra les dents. Il était tiraillé entre deux envies diamétralement opposées : celle d'envoyer paître un homme aussi étriqué d'esprit, et celle de faire connaissance de la sœur de son ami. Peut-être pourrait-il servir de lien entre eux pour commencer, bien qu'il en doute un peu ? Comment s'appelait-elle déjà ? Ah oui, Anna ...
- Je peux, en effet, accorder ce privilège à votre fille, accorda-t-il d'un ton condescendant.
Il n'allait tout de même pas ramper devant lui, non ? C'était bien lui qui était venu lui demander ?
Il vit les mines étonnées de l'assistance lorsqu'il se lança à nouveau sur la piste et retint à grand-peine un soupir d'exaspération. D'autant qu'Anna Torvik dansait aussi bien qu'un hippogriffe avec une patte estropiée ! Heureusement que Mark ne lui avait pas appris à danser ainsi ! Non seulement elle ne cessait de lui marcher sur les pieds sans s'excuser, mais elle était raide comme un piquet et ne semblait pas vouloir ouvrir la bouche pour discuter. Et lui n'avait aucune idée du genre de remarque qu'il fallait émettre dans ce genre de situation ! Il finit par mettre les pieds dans le plat comme il savait si bien le faire :
- J'ai beaucoup apprécié le week-end que j'ai passé chez ton frère. Je me suis ...
- Je n'ai pas de frère, coupa Anna Torvik avec une voix nasillarde qui n'était pas sans lui rappeler celle de Pansy Parkinson. Et je ne vous ai pas permis de me tutoyer, M. Potter !
Ah. Elle le prenait donc sur ce ton là. Ceci dit, Mme Torvik l'avait en quelque sorte prévenu. Il ferma donc sa bouche jusqu'à la fin de la danse. Mais lorsque M. Torvik poussa sa deuxième fille dans sa direction, il le regarda froidement et dit poliment :
- Excusez-moi. J'ai vu Severus qui me faisait signe.
Ce qui était bien entendu totalement faux, car ce dernier semblait totalement absorbé dans une discussion avec son filleul. Il ne s'en dirigea pas moins vers eux pour ne pas se faire accuser de mentir effrontément. Ce fut Drago qui lui faisait face qui l'aperçut le premier et qui l'accueillit d'un rictus moqueur :
- Alors, Harry, tu as finalement consenti à danser avec quelqu'un d'autre que Severus ?
- La prochaine fois qu'on me refile un tel piquet pour danser, je penserai à toi, Drago, elle te conviendrait parfaitement !
- L'aura du Survivant est tellement lumineuse, que tout le monde vient s'y brûler ! Avant de s'apercevoir qu'elle n'est rien d'autre qu'une vague lueur !
- Mieux vaut être une pâle lueur qu'aucune lueur du tout !
- La paix, tous les deux, gronda Severus. Par Merlin, vous avez dix-huit ans, pas onze ! Allez vous finir par vous parler normalement ?
- Entendre ça dans la bouche de quelqu'un qui a failli en venir aux mains et aux baguettes i peine deux ans avec un ancien camarade de Poudlard, c'est assez comique, riposta Harry.
Alors que Severus s'apprêtait à riposter, Drago lui coupa l'herbe sous le pied en disant :
- Tu ne peux pas en vouloir à ton compagnon de ne pas pouvoir supporter un sale cabot plein de puces tout de même !
- Je supporte bien une fouine bondissante pour lui !
Il vit avec plaisir Drago se raidir et ses yeux lancer des éclairs. Mais avant qu'il ait pu riposter, Severus leur prit chacun un bras dans une main en les serrant très fermement :
- Suffit ! Tous les deux ! Sinon, je vous promets que vous allez chacun vous expliquer en tête à tête avec moi, et qu'aucun de vous ne va apprécier le traitement ! Je me suis bien fait comprendre ?
Alors qu'aucun des deux garçons ne voulait céder, il accentua sa prise qui commença à les faire grimacer de douleur.
- Est-ce que je me suis bien fait comprendre ? Reprit-il un ton plus bas et plus menaçant.
Harry prit Drago de vitesse et siffla simplement :
- Tu te débrouilleras la prochaine fois pour le voir tout seul ! Je t'ai dit que je ne serai certainement pas le seul à faire des efforts, Sev !
- Drago ?
- Je n'ai rien à ajouter, grommela ce dernier en réponse.
Severus relâcha les deux exaspéré. Pris séparément, Harry et Drago pouvait être adorables à vivre, il l'avait appris pour Harry cet été. Mais dès qu'ils étaient face à face, il voyait les pires traits de caractère Malefoy et Potter refaire surface et effacer tout le reste ! Il ferma brièvement les yeux lorsqu'Harry lui dit froidement :
- Je t'attends dans le parc pour rentrer.
- On ne rentre pas. On reste dormir ici.
- Hein ? Mais ...
- Pas de mais. C'est une habitude que j'ai toujours eu avant d'être avec toi, et il n'y a aucune raison que j'en change.
Certes, il ne s'était pas pressé d'en avertir Harry, pensa Severus. Mais au vu de son enthousiasme à venir déjà à la réception, il n'osait imaginer ce qu'il lui aurait fait subir ou ce qu'il aurait pu inventer s'il lui avait tout dit dès le départ.
- Alors je serai dans le parc jusqu'à ce que tu estimes que j'ai le droit d'aller me coucher ! Gronda Harry.
Il s'éloigna rapidement en direction du parc, sans se soucier des regards qui pesaient sur lui, ni des personnes qu'il bousculait.
Severus se pinça l'arrête du nez entre ses longs doigts. Dire que leur première vraie dispute avait eue lieu devant un tiers, son filleul de surcroît ! Et pour couronner le tout, il ressentait durement le désarroi d'Harry dans leur lien. Son calice était malheureux et en colère et il en souffrait. Il remarqua l'air concerné de Drago qui ne le quittait pas du regard et lui dit simplement :
- Je te l'ai déjà dit, Drago. Soit tu fais des efforts au même titre qu'Harry, soit nous nous verrons beaucoup moins. Tu sais très bien que je ressens la moindre humeur d'Harry dans le lien. Et je ressens la vérité, et pas des émotions simulées. Il n'a aucune possibilité de me mentir dans ce lien. Donc je ne m'infligerai pas ce tumulte d'émotions à chaque fois, simplement parce que ton sport préféré pendant ces sept dernières années a été de le faire sortir de ses gonds.
- Parce que tu risques d'en sortir aussi ?
- Parce que j'obéirai en dernier recours à mon devoir de protection envers lui. Ce n'est pas plus compliqué que ça !
Il vit un éclair de colère passer dans les yeux de son filleul, mais celui-ci n'ajouta rien et orienta la conversation sur le poids que représentait pour lui la bonne marche des affaires Malefoy.
Pour la deuxième fois de la soirée, Harry se retrouva dans le parc. Furieux à nouveau. Heureusement qu'on était en été, pensa-t-il ironiquement, sinon ce serait encore plus désagréable. C'était vraiment une soirée parfaite ! Des mangemorts, des homophobes, son ennemi préféré après Voldemort, et pour terminer, il allait en plus falloir qu'il y dorme ! Si seulement il avait pu avaler quelque chose qui le rendre bien malade pour que Severus préfère le ramener à la maison ! Mais non ! La seule chose qui s'était bien passée, c'était la qualité et la quantité de nourriture. Il avait en effet eu l'heureuse surprise de découvrir dans son assiette le double de la portion de nourriture normale. Ce qui lui convenait parfaitement !
Maintenant, il fallait qu'il se prépare à passer une nuit ici. Et à affronter Severus d'abord. Harry était déterminé à faire valoir son point de vue : pourquoi ne l'avait-il pas prévenu que Lestrange était encore en vie ? Pourquoi gardait-il cette ascendance sur les anciens mangemorts ou assimilés ? Pourquoi ne pas l'avoir prévenu qu'ils allaient dormir chez les Malefoy ? Pourquoi donc diriger sa vie comme s'il avait dix ans, enfin !
Il rumina ses sombres pensées, oscillant entre colère et tristesse. Pourquoi ne s'était-il pas rebellé ? Parce qu'il avait parfaitement entendu le ton sans appel de Severus. Il avait décidé de ne rien changer à ses habitudes au manoir, le fait qu'il soit devenu son calice n'y changerait rien. Ce qui ajoutait encore à sa colère.
Environ trois quarts d'heure plus tard, il sentit une main se poser en douceur sur son épaule et la voix unie de Severus lui dire :
- Viens. On va dans notre chambre.
- La réception est finie, ne put s'empêcher de railler Harry ?
- La réception m'importe peu. Nous avons à discuter.
- Parce qu'on va vraiment discuter ?
- Oui. Sinon, je t'aurai dit que j'avais à te parler ! Alors cesse de bouder dans ton coin, et suis-moi.
- J'ai vraiment l'impression d'être un pantin, grommela Harry en lui emboîtant le pas. Fais ceci et pas cela !
- Quand vous êtes en présence l'un de l'autre, vous êtes deux gamins stupides Drago et toi. Alors je vous traite comme tels !
Le ton de Severus était si coupant qu'Harry préféra se taire. Après avoir franchi un nombre conséquent d'escaliers et de couloirs, Severus finit par ouvrir la porte de ce qui se révéla une chambre. Harry entra à sa suite et alla se poster à la fenêtre.
Severus prit la précaution de poser un nombre certains de sorts sur les différentes issues de la chambre. La porte principale et les fenêtres, bien entendu, mais aussi les deux portes dérobées dont il avait connaissance. Il tenait à sa sécurité lorsqu'il était dans ce manoir. Surtout avec une Bellatrix Lestrange en liberté, car Narcissa restait sa sœur, envers et contre tout.
Sa tâche achevée, il posa tranquillement sa baguette sur la table de nuit et se retourna vers Harry qui regardait fixement la nuit par la fenêtre. Maintenant, il allait falloir négocier serré pour qu'il ne le gratifie pas d'une colère ou d'un chagrin. Franchement, il ne savait pas laquelle il détestait le plus entre les deux émotions ressenties dans le lien. Voyant qu'Harry ne bougeait pas, il soupira mais se rapprocha de lui pour l'enlacer. Il le sentit se tendre quelques secondes avant, lentement, d'accepter l'étreinte.
Harry se détendait peu à peu. Le silence de Severus permettait à sa colère de retomber. Il était parfaitement conscient que si son compagnon avait tenté de commencer ses explications, il aurait certainement explosé. Mais là, dans ses bras, il savait que son essence même de calice prenait le pas. Qu'il le veuille ou non, il se soumettait à son vampire.
Le terme soumettre était peut-être un peu fort, mais il savait au fond de lui que c'était assez proche de la vérité. Il admettait que Severus puisse diriger une partie de sa vie. De toute façon, cela ne le changeait pas vraiment des années précédentes ! Sa vie avait déjà été gouvernée par les Dursley, puis en grande partie par Dumbledore, et depuis la fin de l'année scolaire, il savait qu'il l'avait remise dans les mains de Severus. Lequel n'abusait en aucune façon de ce pouvoir jusqu'à présent.
Il savait aussi que Severus avait fait beaucoup de concessions pour lui. Devenir auror, accepter de discuter avec Remus, les Weasley, Hermione. C'était aussi pour cela qu'il se devait de faire un effort pour son filleul. Mais il n'empêche que moins il le verrait, mieux il se porterait !
Severus sentit Harry finir de s'apaiser dans ses bras, et il lui murmura à l'oreille :
- Viens t'installer confortablement sur le lit pour discuter.
Il le plaça tendrement entre ses jambes et demanda simplement :
- Par quoi tu veux commencer ?
- Lestrange ! Autant faire le plus désagréable d'abord !
- Je ne l'ai pas vue le soir du combat à Poudlard. J'étais trop occupé à te rejoindre d'abord, éliminer les autres mangemorts pour te faire un chemin jusqu'à Voldemort ensuite. Donc ce que je sais la concernant me vient directement d'Albus.
- Et moi, je ne faisais rien pendant ce temps là, peut-être ? Protesta Harry.
- Il va falloir une fois pour toute que tu comprennes que tu es très en deçà du niveau moyen des mangemorts. Ce qui est tout à fait normal pour quelqu'un qui vient de passer ses aspics. Donc, tu ne faisais pas rien, mais livrés à vous trois, dans Poudlard, tu ne serai pas arrivé sur tes jambes devant Lui, si Sven, Mark et moi n'avions pas été là ! Maintenant, tu me laisses ton orgueil de côté pour m'écouter ?
- Mmm, grommela Harry un peu froissé tout de même.
- Donc, selon Albus, Lestrange était assez proche de Voldemort lors du combat, et elle a vu le dôme doré que tu as fabriqué, il faudra d'ailleurs que tu m'expliques plus tard comment tu as fait. Elle l'a vu aussi mourir, t'a vu t'écrouler et moi arriver pour toi. Mais dès l'instant où je suis arrivé selon Albus, elle a pris la poudre d'escampette sans plus tirer de sorts vers toi en tout cas. D'après lui encore, pendant que nous nous occupions de toi, elle a tracé le chemin vers la sortie en utilisant l'avada pour se débarrasser de ceux qui étaient sur son chemin. Depuis, les aurors la recherchent, mais personne n'arrive à lui mettre la main dessus.
- Elle aurait pu retourner là où Voldemort se cachait, non ?
- Non. Il était son propre gardien du secret, de sorte que je ne pouvais indiquer sa retraite à Dumbledore, mais dès que tu as été parti pour Sainte-Mangouste, je lui ai indiqué et quelques minutes après, les aurors investissaient la place. Et ces ânes bâtés ont réussi à laisser Pettigrew s'échapper, alors qu'il avait commis l'erreur de revenir là-bas !
- Pettigrew aussi a survécu ? S'insurgea Harry en se redressant brutalement.
- Oui, aussi, soupira Severus.
- Mais pourquoi vous ne m'avez rien dit ? S'indigna-t-il. Et Remus le sait ?
- Bien entendu. Et avant que tu te mettes en colère à nouveau, il faut que tu comprennes que cela fait sept ans que Dumbledore s'évertue à ce que tu aies une adolescence aussi normale que possible. Et tout le monde a reçu des ordres au delà de strict en ce sens, Harry ! Et pour ma part, depuis début juillet, je me suis plus évertué à construire quelque chose de stable et de solide avec toi, plutôt que de faire ressortir ce genre de mauvais souvenirs !
Harry le regarda pour juger de sa sincérité, mais il savait au fond de lui que Severus ne lui avait dit que la stricte vérité. Il se laissa à nouveau aller dans ses bras en soupirant.
- Alors il faudra un jour ou l'autre que je les retrouve ?
- D'abord tu deviens auror, tout en commençant à maîtriser avec moi la magie noire. Si, insista Severus, tu vas pratiquer la magie noire, ne serait-ce que pour la reconnaître lorsqu'elle t'arrive dessus sous forme d'un sort et la contrer. Ensuite, je suis persuadé, et Albus aussi même s'il est plus réticent, que tous les aurors devraient mieux la connaître. Pour mieux la détecter et punir ceux qui l'utilisent à mauvais escient.
- Parce qu'on peut l'utiliser à bon escient ? Demanda Harry dubitatif.
- Evidemment. La moitié des sorts que j'ai posé sur cette pièce pour garantir notre sécurité sont des purs produits de magie noire. Mais si jamais quelqu'un est blessé, ou pire, par eux, c'est qu'il aura déjà défait les autres sorts plus conventionnels que j'ai également placé. Donc que quelque part, il veut entrer ici sans notre autorisation, et je ne lui souhaiterai certainement pas la bienvenue !
- Tu as tellement confiance en ton filleul que tu barricades notre chambre ? Dit doucement Harry en se nichant un peu plus contre lui pour atténuer la raillerie.
- J'ai confiance en Drago, dans une moindre mesure en Narcissa. Et je ne fais aucunement confiance à Lestrange.
- Hein ? Sursauta Harry. Qu'est-ce que tu veux dire par là ?
- Qu'elle se cache actuellement. Et que le manoir où nous sommes pourrait éventuellement être sa cachette.
- Sans que personne ne le sache ?
- Narcissa pourrait être au courant. Elle protégera sa sœur tant qu'elle le pourra, Harry. Elle t'est apparue assez affable ce soir, mais ce qui compte vraiment pour elle, hormis Drago, c'est sa position sociale d'un côté, sa famille de l'autre. Bellatrix est et reste sa sœur.
- Et tu veux qu'on dorme ici ? S'insurgea à nouveau Harry.
- Oui. Mais Bellatrix ne franchira pas le seuil de cette porte sans que j'en sois averti d'une part, et sans être sans doute blessée de l'autre, compte tenu des sorts que j'ai placé. Mais c'est une possibilité, et la raison pour laquelle tu devrais te réjouir de la chose suivante : je vais passer toute la nuit à tes côtés. Je ne te laisserai pas une seconde seul dans ce manoir, Harry. Je n'en ai jamais eu l'intention ...
- Mais ... dans le parc ce soir ?
- Vu le monde qui était là ce soir, elle ne pouvait risquer de sortir. Si jamais elle est là, elle sait que sa seule chance, c'est si elle te coince tout seul. Ce qui n'arrivera pas, fais moi confiance.
Harry médita un long moment avant de reprendre la parole :
- Pourquoi tu as encore un tel ascendant sur les anciens mangemorts ?
- Comment ça ?
- Au dîner, tu leur as ordonné de fermer leur grande bouche et ils t'ont obéi. Tous. Sans protester.
- Ah ça ! Pour faire simple, ils savent, et pour cause, que je connais parfaitement le nom de tous les mangemorts plus ou moins déclarés. Je n'étais tout de même pas le bras droit de l'autre serpent pour rien ! Mais ceux qui se sont, soit éclipsés lors du combat à Poudlard, soit qui n'y sont carrément pas venus par crainte, ceux-là, je ne les ai pas dénoncés. Ce qui me confère un certain avantage sur eux.
- Pourquoi ne pas les dénoncer ?
- Parce que nombre d'entre eux ont des positions intéressantes dans le monde magique, Harry. Et donc je pourrai toujours, si j'en ai besoin, me rappeler à leur bon souvenir ...
- Les faire chanter, quoi ?
- Toujours des grands mots !
- Ben voyons, railla Harry. Si quelqu'un d'autre emploie ce même genre d'argument, tu l'accuses de chantage et quand c'est toi qui le fait, c'est normal ?
- Quant c'est moi, c'est un échange de bons procédés ! Trancha simplement Severus.
- C'est drôle comme le verre peut sembler à moitié plein ou à moitié vide selon la position qu'on adopte ...
Harry se lova encore un peu plus contre son compagnon, tandis que celui-ci laissait courir lentement ses mains sur son corps en de simples caresses apaisantes. Severus finit par demander :
- Autre chose ?
Après quelques secondes de réflexion, Harry finit par dire à voix basse :
- Pourquoi ne pas m'avoir prévenu qu'on allait dormir ici ?
- Parce que tu étais déjà si enthousiaste à l'idée de la réception que je n'avais pas envie que tu me fasses encore plus la tête en apprenant que tu allais dormir ici aussi. Ceci dit, j'espérais tout de même pouvoir te le dire d'une autre façon !
- Si j'ai bien compris, chaque dîner pris ici sera suivi d'une nuit ici ?
- Exact. Et je dîne ici plus souvent qu'une fois par an ...
- Ah ? Deux fois ?
- Ne fais pas ton gamin. Jusque là, je pouvais voir Drago souvent à Poudlard, et ce ne sera plus le cas. Donc je le verrai plus souvent ici ou au Square Grimmaurd. Et ne ronchonne pas d'avance. Si tu veux qu'il se débarrasse de certaines mauvaises habitudes chères à son père, tu as intérêt à me laisser le manœuvrer !
- Ce n'est pas de quelques habitudes dont il a besoin de se débarrasser, c'est d'un lavage de cerveau complet !
- Tu ne l'as jamais vu comme je le connais. Je suis certain que si vous consentiez tous les deux à vous montrer à l'autre comme vous le faites séparément avec moi, vous arriveriez bien mieux à vous entendre. Bon, maintenant, tu as encore d'autre chose sur le cœur ? Car j'apprécie mon filleul, mais pas forcément dans mon lit !
- Non, je crois que j'ai fait le tour pour ce soir, murmura Harry. Mais je voudrais vraiment que tu passes outre tes ordres stricts de Dumbledore. Je ne suis plus son élève, ni le tien, dit-il fermement en le regardant.
- Je ferai de mon mieux, mais n'oublies pas non plus que le lien me poussera toujours à te protéger. Donc si je sais quelque chose qui peut te blesser, j'aurai toujours tendance à te le cacher.
Harry savait qu'il devrait s'en contenter. Il avait lu que le vampire pouvait pousser son besoin de protection à l'extrême. Certains vampires allaient jusqu'à enfermer leur calice pour assouvir ce besoin. Ce n'était pas le cas de Severus apparemment. Il finit tout de même par demander :
- Qu'est-ce que tu aurais fait si j'étais reparti au Square Grimmaurd comme j'en ai eu un moment l'intention ?
Severus prit tout son temps pour répondre.
- J'aurai fini par venir pour tenter de te convaincre. Mais je ne t'y aurai pas obligé. Disons que j'aurai bataillé fermement pour que tu l'acceptes. Mais je ne t'aurai pas contraint. Le lien me pousse à être assez près de toi, mais je sais que tu as voulu être mon calice, donc cela apaise l'inquiétude innée que tu veuilles me quitter. Ce qui me permet d'envisager de brèves séparations sans inquiétude.
- Brèves ? De quel genre ?
- Pour l'instant, on ne s'est pas séparé du tout, Harry. J'imagine qu'il vaudrait mieux commencer par quelques heures d'abord. Je n'ai pas envie de me séparer de toi pour quelques jours. Cela serait possible, je pense, sans aucun désagrément ni pour toi, ni pour moi, mais je n'en ai simplement pas envie.
Harry sourit doucement dans son cou. Il était rassuré. De sorte qu'il put tranquillement se dégager de ses bras et demander tranquillement :
- Puisque c'est ta chambre, tu peux me dire où est la salle de bain ? De sorte que je n'ai pas à me relever une fois que tu auras bu.
Pendant qu'il avait disparu par la porte qu'il lui avait indiqué, Severus prépara tranquillement sa propre nuit : il pourrait bouger un peu quand Harry dormirait, mais il savait qu'il se ferait le plus discret possible pour que son calice puisse récupérer le mieux possible. Harry retrouvait peu à peu la santé, mais il savait qu'il faudrait qu'il fasse très attention à lui dès l'école recommencée. Il faudrait qu'ils trouvent le juste équilibre entre les cours et les devoirs pour qu'il ne s'épuise pas.
Il ne put s'empêcher de sourire lorsqu'il vit Harry revenir : torse nu, un bas de pyjama lâche très bas sur ses hanches, il était éminemment désirable. A tous points de vue le concernant : il lui donnait très soif. Soif de sang, et soif de plaisir. Il le rejoint rapidement lorsqu'il prit une position assez aguicheuse sur le lit. Il appréciait énormément qu'Harry soit aussi désireux de lui donner son sang que lui de le boire. Et de fait, il lui arracha sans peine de légers gémissements de contentement tandis qu'il s'abreuvait. Mais toutes les émotions ressenties lors de la soirée avaient épuisé sa proie. Il dû donc le laisser glisser tranquillement dans le sommeil et atténuer la lumière.