« Même la plus petite personne peut changer le cours de l'avenir. »
La grande fête avait pris fin tard dans la nuit. Le ciel s'était couvert, et les habitants d'Edoras étaient tous partis dormir. J'étais là depuis une bonne heure, encore vêtue de ma robe blanche, devant l'appartement de mon groupe, assise dans les marches, à observer le ciel et les montagnes. Au loin, le Mordor s'élevait. Mes pensées divaguaient.
En 2942, après avoir dû abandonner Dol Guldur, Sauron était revenu secrètement au Mordor, avant de se déclarer ouvertement en 2951. Notre plus grand ennemi avait réuni une puissante armée d'Orques, et peut-être aussi de mauvais Hommes. Le Pays Noir était une terre aride et volcanique qui m'effrayait, et qui en effrayait beaucoup. Gandalf m'avait une fois raconté que là-bas, vivaient des Orques, mais aussi des Trolls et des esclaves humains. J'avais beaucoup étudié notre Unique Ennemi, l'Œil Noir, et l'Istari m'avait beaucoup aidé dans mes recherches. Aujourd'hui, en tant que Magicien Blanc, il était encore plus sage qu'avant.
Legolas et Aragorn, qui ne trouvaient pas le sommeil, vinrent se joindre à moi. Edoras était maintenant plongé dans le silence, et nous semblions être les trois seuls encore éveillés, sans compter Drogon qui volait, haut dans le ciel. Sa beauté se mélangeait à celle des étoiles, et c'était bien la seule vision réconfortante que j'avais.
-Les étoiles sont voilées. Quelque chose s'agite à l'Est, murmura Legolas, debout à mes côtés, le haut de sa tête recouverte d'une capuche. Une malveillance est à l'affut. L'Œil de l'ennemi avance.
-Que sentez-vous ? demanda Aragorn.
-Il est ici, murmurais-je en me levant.
Je courrai jusqu'à la porte la première et l'ouvrai à la volée, avant de rentrer à l'intérieur. La première chose que je vis fut Pippin, allongé sur le dos contre le sol froid, gémissant de douleur. Entre ses deux mains, le Palantír de Saroumane. La sphère parfaite, qui habituellement était de couleur noire, scintillait d'une couleur rougeâtre. Pendant quelques secondes, je restai là, à observer Sauron, se débattre contre Pippin qui lui criait et gigotait de tous les côtés. À ses côtés, Merry se tenait debout et criait à l'aide, impuissant.
Aragorn et Legolas surgirent eux aussi dans la pièce, alors que Gimli et Gandalf étaient encore assoupis. Le brun tenta de saisir la sphère mais tomba au sol, avant d'être rattrapé par l'Elfe. Je n'hésitai pas plus et attrapai la pierre brûlante avant qu'elle ne s'écroule au sol. Bien sûr, la chaleur n'avait aucun effet sur moi, mais la voix de Sauron résonna quelques secondes dans ma tête. Je restai tout de même calme et enveloppai la sphère maléfique d'une couverture.
-Crétin de Touque ! s'écria le Magicien qui s'était enfin réveillé.
Le Touque était lui resté allongé dans un coin, les yeux ouverts, comme absent. Son cousin, à ses côtés, s'inquiétait pour lui et ne savait quoi faire. J'aidai le rôdeur du Nord à se relever, encore chambouler par les pouvoirs de la pierre. L'Istari se jeta alors sur Pippin, tout en poussant Merry. Le vieillard saisit la main du Hobbit dans la sienne, avant de poser son autre main sur le front du semi-homme, dans le but de le réanimer.
Grâce à ses incantations, Pippin se réveilla, terrorisé et le visage recouvert de sueur. Je m'agenouillai aux côtés de Gandalf pour observer le petit homme se remettre difficilement de ses émotions.
-Regardez-moi, ordonna le Magicien Blanc, une main sur la joue de son ami.
-Gandalf, souffla le petit homme. Pardonnez-moi.
-Regardez-moi. Qu'est-ce que vous avez vu ?
-Il y avait un arbre blanc, dans une cour pavée. L'arbre était mort. La cité était en feu, annonça difficilement le Touque.
-Minas Tirith, c'est ce que vous avez vu, déclarais-je en posant ma main sur l'épaule du petit homme pour le rassurer.
-J'ai vu... Je l'ai vu lui. J'ai entendu sa voix à l'intérieur de ma tête.
-Que lui avez-vous dit ? Répondez ! ordonna Gandalf d'un air menaçant, car il était en colère, et à la fois inquiet.
-Il m'a demandé mon nom, et je n'ai rien dit. Il m'a brutalisé.
-Qu'avez-vous dit à propos de Frodon et de l'Anneau ?
-Rien, répondit le Hobbit honnêtement, encore terrorisé.
Une vive douleur me prit au ventre, du stresse. Heureusement Pippin allait bien, mais ce n'était pas le pire. Malencontreusement, le Hobbit avait utilisé le Palantír, trompant involontairement Sauron, en lui faisant croire qu'il est le Hobbit porteur de l'Anneau Unique.
Le lendemain matin, aux premières lueurs du Soleil, nous rejoignîmes le Roi dans la grande salle de Meduseld, près du trône. Après cette nuit mouvementée, Pippin devait assumer son erreur. Je m'étais revêtu de ma tenue de tous les jours, et étais debout aux côtés de Gimli, Aragorn et Legolas. Pippin était assis dans un coin, la tête baissée, à côté de son cousin.
-Il n'y avait pas de mensonges dans les yeux de Pippin, commença l'Istari sous les regards de tous. C'est un crétin, mais un crétin honnête au moins. Il n'a rien dit à Sauron sur Frodon et l'Anneau. Et nous avons été étonnamment chanceux. Ce que Pippin a vu dans le Palantír n'est qu'un aperçu du plan de notre ennemi. Sauron s'apprête à attaquer la Cité de Minas Tirith. Sa défaite au Gouffre de Helm lui a montré une chose, que l'héritier d'Elendil approche. Les Hommes ne sont pas aussi faibles qu'il ne le supposait, ils ont encore de la bravoure et de la force pour le défier, fit-il en lançant un regard à Aragorn. Sauron craint cela. Il ne prendra pas le risque de voir les peuples de la Terre du Milieu s'unir sous une même bannière. Il rasera Minas Tirith jusqu'à la dernière pierre plutôt que de voir le retour d'un Roi sur le trône, continua-t-il calmement. Si les feux d'alarme du Gondor sont allumés, le Rohan doit se tenir prêt à entrer en guerre.
-Dites-moi, pourquoi devrions-nous courir au secours de ceux qui ne sont pas venus au nôtre ? Que devons-nous au Gondor ? demanda Théoden sous le regard de Gandalf qui avait aussitôt froncé les sourcils.
-Je vais y aller, proposa le rôdeur.
-Non ! s'opposa Gandalf.
-Ils doivent être prévenus ! rétorqua le brun.
-Ils le seront. Vous vous rendrez à Minas Tirith par une autre route, murmura le Magicien auprès d'Aragorn. Une route sur laquelle l'ennemi ne vous attendra pas. Comprenez ceci, les choses qui sont en mouvement ne peuvent être arrêtées. Je vais aller à Minas Tirith et je ne vais pas y aller seul, finit-il en se tournant vers Pippin.
Je vis dans le regard du Hobbit de l'incompréhension et de la peur, ce qui pouvait se comprendre. Pendant un instant, il me fit penser à Bilbon, quand le premier jour, les Nains d'Erebor lui avaient annoncé leurs plans, et parlé de Smaug. Je poursuivis alors les deux Hobbits et le Magicien dehors, sous les regard de mes amis.
-De tous les Hobbits curieux, Peregrin Touque, vous êtes le pire ! Allez, hâtez-vous ! s'écria le Maiar en prenant de l'avance, loin devant, vers les écuries.
-Où allons-nous ? demanda le concerné, qui n'avait pas dû écouter le discours du Magicien.
-Pourquoi as-tu regardé ? Pourquoi il faut toujours que tu regardes ? s'écria alors Merry.
-Je ne sais pas, hésita le petit homme. Je n'y peut rien !
-Tu ne peux jamais rien, lança son cousin.
-Je regrette, ça te va ? Jamais je ne recommencerais, s'excusa Pippin en s'arrêtant.
-Mon ami, je crois que tu ne saisis pas l'erreur que tu as commise, intervenais-je en posant ma main sur son épaule. Notre ennemi est certain que tu as en ta possession l'Anneau. Et ça ne s'arrêtera pas là. Il te cherchera sans lâches, tu dois t'éloigner d'ici.
-Mais, Dame Daenerys... Et toi, tu viens avec moi ? Merry ? s'écria le Touque en voyant son cousin s'éloigner.
-Puisses-tu trouver ton courage à Minas Tirith, déclarais-je avant de m'élancer dans l'écurie.
Une fois à l'intérieur, Gandalf, encore de mauvaise humeur, attrapa le Hobbit par les épaules, et le fit monter sur Gripoil, son étalon au pelage blanc.
-C'est loin, Minas Tirith ? demanda Pippin sur le dos du cheval.
-Trois jours de route à vol de Nazgûl, annonça le Magicien en s'occupant de sa monture. Et espérez que nous n'en ayons pas à nos trousses.
-Tiens. C'est pour la route, déclara Merry en tendant un petit paquet à son cousin.
-La dernière feuille de Longoulet ? marmonna le petit homme en saisissant le précieux objet.
-Je sais que tu n'en as plus. Tu fumes un peu trop, Pippin.
-Mais bientôt on va se revoir, n'est-ce pas ? demanda Pippin alors que Gandalf montait également sur Gripoil. Daenerys, dites-moi, continua-t-il en se tournant vers moi pour me supplier du regard.
-Je n'en sais rien, lâcha Meriadoc.
-Nous ignorons encore le futur, déclarais-je à mon tour avant de poser ma main sur les épaules de Merry pour l'éloigner du passage.
-Merry, murmura son cousin.
-Daenerys, vous veillerez sur eux, m'ordonna le Magicien.
-Dans ce cas, veillez sur Pippin, rétorquais-je en esquissant un triste sourire.
-Cours, Gripoil. Montres-nous ce que célérité veut dire, prononça Gandalf en me lançant un dernier regard, avant de talonner son cheval et de partir à toute allure.
-Merry ! s'écria une dernière fois le jeune Hobbit avant d'être emporté avec l'Istari.
Je suivis Merry dans Edoras qui courait à toute allure, jusqu'à atteindre les remparts. Je me mis aux côtés du petit homme et nous observâmes au loin, dans les collines, Gripoil galoper, avec sur son dos, Pippin et Gandalf. Nous fîmes rejoint par Aragorn qui posa une main sur l'épaule du Hobbit.
-Il m'a toujours suivi où que j'aille, raconta Merry alors que nos deux amis disparaissent, au loin. Bien avant que nous soyons inséparables, pourtant je l'ai plongés dans les pires ennuis. Mais j'ai toujours été là pour l'en sortir. Le voilà parti, tout comme Frodon et Sam, réalisa-t-il en esquissant un triste sourire.
-Il y a une chose que j'ai apprise sur les hobbits, marmonna Aragorn. Ils sont les plus intrépides.
-Oui, impudent même, rajoutais-je en souriant à mon tour.
-C'est un Touque, justifia Merry.