Anthologie de la fin

By DonnySeanTea

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Hélène écrit ce qu'elle se rappelle d'une apocalypse de zombie. (fanfiction TWD) More

La faim
Dimanche
Bonjour, mon petit cochon
Maison
Chris
Casse-croûte
Fièvre
Elle frappe à ta porte
Si je ne suis pas morte, c'est donc que je suis vivante
Cadavre
La dent creuse
Problème de foie
La deuxième histoire
Entre-deux
Papier
Cochon pendu
Deux jambes, deux bras
Merde
Sans tête
Fil de pêche
Sésame, ouvre-moi
Linceul
Main à la pâte
Fleur de soufre
Rugbyman de porcelaine
Coquelicots
Infirmière en carton
Incendie
Bouts de ficelle
Course contre la montre
Roue brisée
Poids mort
Le chat de Schrödinger
Tous cousins
Beth, Maggie et moi
La meilleure des amis
Les joies du nucléaire
Tu n'es plus la seule
Dernier sacrement
Petite grippette
Pré tendre
Fenêtre ouverte
Perdre la tête
Loué soit-il
Deuxième mère
Fin de l'histoire
Sang et lait
Bons baisers
Amen
Attrape-rêve
Notes de l'auteur

Deux chemins

8 3 16
By DonnySeanTea

Quand Mano est tombé la seconde fois, je ne l'ai pas entendu crier. Les pieds enfoncés dans la boue, j'ai saisi sa main. J'ai tiré de toutes mes forces mais il m'attirait à lui. On s'enfonçait. J'ai glissé. L'eau froide m'a éclaboussé le visage. Elle a traversé mes chaussures, mordu le bout de mon jean. J'en avais peinturluré sur les joues. Et je me répétais : « S'il meurt, ça sera sur toi. » Je ne cherchais pas son regard ; seulement le point d'équilibre qui l'aiderait à se remettre sur ses pieds. Je l'ai traîné entre deux racines. J'ai effleuré son front brûlant. On a repris la route. Sous un érable, je l'ai fait boire un peu. Devant nous, O'Connell a demandé à ralentir.

Mano a pu marcher un kilomètre puis ses muscles se sont tétanisés. Il est tombé comme un tronc d'arbre, droit comme un i (c'était comique). Il a relevé son visage vers vous, grognant comme un mort, ses lèvres bleues relevées sur des gencives à vif. Ses doigts blancs s'étaient instinctivement recroquevillés autour d'une pierre. Je l'ai fixé, pétrifiée. Il n'avait pas la force de parler mais dans ses yeux brillaient une lueur interrogative.

- Chris ! j'avais appelé. Ça va aller, j'avais promis.

Mais Chris ne s'était pas arrêté.

C'est à partir de là qu'il a commencé à se vider. Diarrhée, nausée. Il répandait le contenu de ses entrailles sur le chemin. Il titubait, n'arrivait plus à marcher. Je voyais qu'il souffrait. Il avait des spasmes à cause du froid. Il délirait. Ce qu'il disait n'avait plus aucun sens. Les petits étaient terrifiés. L'odeur pestilentielle attirait les mouche à merde. Je répétais sans cesse : c'est une bonne gastro ça. Quand il chiait du sang, ça me donnait envie de hurler. J'aurais voulu lui foutre des feuilles dans tous les orifices, lui faire ravaler tout ce qu'ils perdaient, mais on ne peut pas réparer un tonneau percé. Il fuyait par tous les trous. Lucas m'a aidé. O'Connell et Abie nous relayaient. Il était lourd. On était couvert de merde et de vomi, mais on continuait de lui dire : « tu vas t'en sortir ».

Maintenant que Vincenzo l'a sur le dos, il n'est plus question de ralentir. On avale les kilomètres avec une facilité déconcertante. Mano a le visage enfoui sous une couverture dégoûtante, le nez rouge qui semble humer le parfum de forêt ; sa tête complètement abandonnée dans le creux du cou du géant. Transi de froid, il a refermé ses doigts autour d'une de ses mèches de cheveux. Vincenzo est couvert de merde, son épaule droite trempée de vomi, mais il ne dit rien. Il continue de marcher.

Le vent souffle à travers les branches, charriant l'odeur de pourriture. Le soleil, caché loin derrière les nuages, diffuse une lumière obscure. On dirait l'aube, ou plutôt le crépuscule. La forêt n'est qu'un nuancé de gris. Les feuilles mortes sont mortes. Les ombres se détachent des buissons pour prendre l'apparence de Créatures auquel le vent donne un second souffle. On entend leur grognement ; partout autour de nous. Sur le chemin, je brise soigneusement les mains crochues.

Les bruits, je ne sais pas encore les reconnaître. C'est une langue inconnue avec ces petits cris aigues. Pour moi, c'est une fillette qui pleure. Je me tourne, je cherche et Lucas rit : « Ce n'est que le bruit d'un ruisseau. Qu'est-ce que tu croyais ? » Je n'ai jamais appris à écouter. J'ignore le souffle de bonheur de la fleur qui éclot. Je n'entends que le chuintement des semelles dans la boue. Je retrouve des suçons accrochés à mes chevilles. Des nuages de moucheron s'effarouchent de notre présence.

La nature ne respecte personne. Elle ne suit pas les codes. L'herbe folle pousse là où les roues des voitures n'ont pas pu l'aplatir. Les araignées tissent leur toiles sans notre avis. Les cailloux roulent sans cesse sur la voie. Intimement, physiquement, je voudrais monter un grillage tout autour de moi et bétonner le chemin. Pire, construire de longs tapis roulants semblables à ceux des aéroports. Ils traverseraient en rubans tous les parcs nationaux.

Vincenzo et Wilson ont été sans appel : hors de question de suivre la route. Nous nous sommes enfoncés dans la forêt, laissant derrière nous la voiture et toutes nos affaires, portant sur le dos seulement le nécessaire. Un autre craquement et Lucas vient resserrer les rangs, encadrant O'Connell et Abbie. Perché sur les épaules du vieil homme, Perçy nargue sa nouvelle copine. C'est moi qui porte le Colt. Abbie a rangé son livre d'herboristerie dans son sac ; les mains occupées par la crosse du fusil de chasse. La gueule de métal fouille les alentours humides. Au moindre craquement, Abbie sursaute ; le doigt sur la détente. La dernière arme à feu, notre Thompson, pend comme un animal mort entre les omoplates de Lucas.

- Pas trop lourd ? je demande.

Vincenzo hausse les épaules. La tête de Mano tressaute mais il ne lâche pas la précieuse mèche de cheveux. En tête de peloton, Wilson essaye tant bien que mal de calmer le bébé. Il s'est mis à vagir ; ses petits poings battent l'air.

- Je suis désolée. Enfin, je veux dire merci, je bégaie.

Le géant viking regarde devant lui, la silhouette vacillante de Chris.

- Ça a pas dû être facile pour vous non plus, note t-il.

- Au contraire, on s'en ai très bien sorti.

- Où vous allez comme ça ? demande t-il. Vous n'êtes pas obligé de me le dire, ajoute t-il en surprenant mon regard intrigué.

- C'est qu'on ne sait pas très bien...

Soudain, un mort apparaît à l'orée du chemin. J'ai à peine le temps de dégainer que Chris l'abat d'un coup massue. Son pieu sanguinolent retombe le long de sa cuisse. Je m'apprête à le rejoindre mais Vincenzo se racle la gorge et mes yeux retrouvent le nez rouge de Mano.

- On est bientôt arrivé ? demande Perçy.

- C'est au bout du chemin, répond Wilson.

- On peut faire la course sur les derniers mètres ?

- Jamais de la vie !

Le silence retombe, très vite entrecoupé par les sifflotements d'O'Connell. Parfois, Abbie l'imite. Les sons aiguës attirent l'attention du bébé qui tourne vers eux des yeux curieux. Sa bouche dépourvue de dent s'étire en un sourire gluant. Il agite en rythme son collier de perles en plastique. Perçy glousse, ses mains s'amusant à cacher les yeux d'O'Connell. En tête de fil, Chris se met à fredonner.

Les grilles et les barbelés de la centrale nucléaire nous accueille. Plus tard, ce sont les canons des AK-47. Ils sont plus nombreux et mieux armés. Certains sont des militaires. Wilson nous avait prévenu. Nous montrons pâte blanche. Je me déleste du Colt à l'entrée, mais aussi d'une lame de dix centimètres. Même le canif de Perçy rejoint la pile. Très vite, on nous sépare de Wilson, Vincenzo et les deux enfants.

Je lève les mains au-dessus de ma tête pendant qu'on me fouille. À demi-caché parmi les arbres, Chris refuse de rentrer. Je lui montre l'exemple. Trop loin pour m'entendre, je sais qu'il peut lire sur mes lèvres : « Docile, diplomate ». Il secoue la tête. Les gars de la centrale l'ont dans le viseur. Je suis tellement concentrée sur Chris, tellement suppliante et mielleuse, que je ne vois pas tout de suite les deux hommes s'approcher.

On nous arrache Mano.

Vincenzo l'a abandonné dans la boue, près de nous et au prix de quelques cheveux. Quand quatre mains inconnues se referment sur ses bras, il ouvre des yeux terrifiés. À moitié réveillé, Mano se redresse à demi. Ses yeux sont injectés de sang, son teint livide. Il pue la maladie. Lucas s'interpose mais déjà, il l'entraîne ; il le traîne. Abbie se met à crier. Quelqu'un pousse O'Connell. Perçy fond en larmes ; et moi, je porte une main à ma ceinture, cherchant désespérément une arme que j'ai rendu trop vite. Les canons tournent autour de nous, comme un nouveau type de roulettes russe. Je ne sais même plus ce qui sort de ma bouche : un flot ininterrompu de supplications et d'explications. Mes mains s'agitent dans le vide. Un nœud se forme dans ma gorge. Les larmes de Mano me transpercent le cœur. J'avance et j'entends le cliquetis des crans de sécurité. Sous les hurlements et les cris, Perçy serpente entre mes jambes et se jette sur Mano, refermant ses petits bras autour de ses cuisses, hurlant à s'en déchirer les poumons un « NON ! ».

Le temps se suspend. Wilson et Vincenzo accourent près de nous.

- Il a besoin de voir un médecin, tempèrent-ils.

J'ouvre la bouche mais je ne peux plus parler. Tremblante, je porte une main à lèvres. Quelques sons étouffés butent sur ma langue. Je m'étouffe avec ma salive. Trempé de sueur, Lucas attend. Il tient dans ses bras O'Connell qui cherche déjà à se relever, ses sourcils broussailleux formant un accent circonflexe sur son front.

- Il doit être mis en quarantaine, précise Vincenzo. On ne sait pas ce qu'il a.

J'ai envie de dire quelque chose mais mes yeux sont attirés à l'extérieur, là où devrait se trouver Chris. Il est bien plus proche qu'il n'y paraît. Je le retrouve devant deux gardes armés, déposant devant eux tous les bouts de bois qu'il a ramassé en chemin ; leur étalant toutes sa fortune, toutes ses promesses de protection. Il me jette un coup d'œil. J'acquiesce, dépasse Vincenzo et Wilson et m'agenouille auprès de Mano. Autour de moi, les soldats se tendent. Perçy pleure toujours.

- C'est honteux !! s'indigne O'Connell.

- Vous n'avez donc pas compris ? On reste ensemble !

Abbie joint sa voix à la sienne. Ils crient si fort qu'ils font reculer les militaires. Ceux-ci, plus perdus que jamais, suivent les ordres de leur supérieur : Wilson leur ordonne de baisser leurs armes. De quoi auraient-ils l'air s'ils les utilisaient contre une mère et son père ? Désarmés, effrayés, mes amis n'ont jamais été si courageux. Les mots coulent de leur bouche comme de la lave en fusion. Elles rongent leurs ennemis, les pétrifient. On essaye de les calmer mais il n'y a rien à expliquer.

Perçy veut se serrer contre mon sein. Je lui désigne Mano, dont les yeux vitreux parcourent les visages ennemis. Le gamin ravale sa morve et sa terreur. Il se relève tout seul ; réarrange la couverture autour du plus vieux. Avec son aide, je parviens à le mettre debout. Mon regard croise celui de Vincenzo. Il est désolé. Sa belle-fille, Ava, regarde la scène. Comme moi, elle est muette de stupeur.

- Emmenez-nous, résonne la voix de Chris. Nous irons tous en quarantaine.

Son ton est sans appel.

- Qu'est-ce que vous attendez ? s'agace Wilson.Vous pouvez les escorter...

- On va vraiment leur donner des médicaments ? À manger ?

- C'est un échange de bons procédés.

Alors qu'on nous accompagne, qu'on nous sépare de Vincenzo et son groupe, je résiste à sonder leur regard. Chercher une trace de culpabilité ne m'aidera pas. Les militaires se confondent en excuses. Abbie les rassure mais elle sert Perçy contre son ventre. Avant de quitter la maison, elles avaient pris le temps de se vernir une dernière fois les ongles. Rouges rubis, ils luisent à la lumière comme des griffes. Ils croient qu'elle leur pardonne ; qu'elle minaude.

On nous abandonne dans un pré-fabriqué. Au moins, les murs nous coupent du vent. Un médecin apporte des médicaments, une couverture et des repas chauds. Il y a aussi de l'eau potable. Dans le seul lit médical, O'Connell borde Mano. « Il aura besoin de repos. » prévient le médecin. Avant que j'ai eu le temps de lui demander s'il ira bien, il nous file entre les doigts. Je le retrouve à l'extérieur. Le froid me mord les joues. Je suis surprise : pas de garde pour nous retenir.

- Est-ce que ça ira ?

Et devant moi, ce médecin que je ne connais pas, fond en larmes.

- Je suis désolé, pleurniche t-il.

- Il va mourir ?

Ma voix résonne comme dans un tunnel. Je lève les yeux au ciel.

À quoi tu t'attendais ? me répondent les ténèbres.

- Je lui ai donné des antibiotiques, résume le médecin. Tout ce qu'on avait... Tout, répète t-il, sidéré, ses yeux vides parcourant l'asphalte à la recherche de pilules miracles. Gardez-le au chaud et faites lui manger quelque chose. Il faut à tout prix qu'il reste dans des draps propres. Il va continuer de se vider encore pendant une heure mais ensuite, ça devrait aller. Gardez-le au chaud, insista t-il en nous abandonnant.

Je rentre dans le pré-fabriqué, comme un fantôme. J'ai l'impression de flotter dans les airs, d'être détaché de moi-même. Les radiateurs ne fonctionnent pas. On ne nous a pas donné plus de couvertures que ça. L'air à l'intérieur est vicié, empli d'odeurs de vomi et d'excréments, mais impossible d'aérer sans geler. Pendant que les autres discutent, je redresse Mano, presse une cuillère de soupe contre ses lèvres. Elle est froide. Il recrache.

- On doit reprendre la route, insiste Chris.

- Tu as entendu ce qu'il a dit... On va rester ici jusqu'à ce que Mano puisse marcher.

- Au cas où vous l'ayez pas remarqué, on est dans une centrale nucléaire abandonnée.

- Nous avons passé un marché, rappelle O'Connell. Pense à tout le chemin parcouru. Tu voudrais faire marche arrière maintenant ? On n'y arrivera jamais.

- Il va bientôt pleuvoir, en plus.

- Ca ne me plaît pas de rester non plus, avoue Lucas, mais Mano ne peut pas continuer. Le mieux qu'on puisse faire, c'est voir comment ça se passe et remplir notre part du marché. On repartira dès qu'il sera sur pied. Quoi ? demande t-il, en croisant mon regard. On va s'en sortir. Ce n'est pas la fin du voyage !

- On doit encore trouver la maison, renchérit Perçy.

Il fait froid dans le pré-fabriqué. D'instinct, tous se regroupe autour du lit de Mano. Les corps s'entremêlent, disparaissent sous les couches de vêtements ; comme si la peau souillée, irritée par le froid, avait rétréci au lavage. Percy vient se blottir contre Mano. Sa mère caresse ses cheveux en fredonnant. Près de moi, O'Connell et Lucas discutent tout bas. La lampe à huile éclaire à demi la pièce ; maigre réconfort après une journée en enfer. Chris arpente la salle de long en large, épiant les allers-retours des militaires. Soudain, il s'immobilise, la main sur la fenêtre.

- N'ouvre pas, je l'implore. Mano doit rester au chaud.

- J'étouffe !

- S'il te plaît.

Quand il vient se blottir près de moi, le nez froncé à cause de l'odeur, je repense à la voiture qu'on a abandonné sur le bas-côté, à toutes nos affaires à l'intérieur et à cet attrape-rêve qu'Abbie avait avec elle. O'Connell se penche et je me redresse. Chris boude contre mon épaule.

- Tenez, ça coupe les sens ce genre de choses.

Les pastilles menthe extra forte ne dureront qu'une soirée. Elles sont le juste retour pour Chris de son sacrifice envers Mano mais à ses yeux, il n'y a nul récompense. Quand on peut aider, alors il ne faut pas se gêner ; et quand on ne peut rien faire...

- Surtout, n'enlève pas tes chaussures, dit-il, croquant dans une pastille ; son haleine mentholé me brûlant les rétines.

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